Si, selon Agnès Verdier-Molinié, directrice de la fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (Ifrap), il reste encore « beaucoup à faire » pour flexibiliser le marché du travail, la série d’ordonnances présentée par le gouvernement le 31 août va « dans la bonne direction ».

Quel regard portez-vous sur cette réforme ?

Je pense qu’on aurait pu aller beaucoup plus loin. J’ai peur que les effets de ces ordonnances soient limités. Pour modifier le temps de travail par exemple, il faudra attendre que des accords d’entreprises majoritaires soient négociés avec les syndicats... Plusieurs questions restent par ailleurs en suspens. Avec la fusion des différentes instances d’information et de consultation en une seule (le conseil social économique), quel sera le nombre de représentants du personnel dans les entreprises ? Quel sera le nombre de délégations ? Des questions pour l’instant sans réponse.

Quelles mesures auriez-vous souhaité voir apparaître ?

Nous avions notamment proposé une augmentation du temps de travail dans le code. La solution retenue par le gouvernement est bien moins directe, puisqu’il faudra passer par un accord d’entreprises. Nous étions favorables au référendum à l’initiative de l’employeur dans toutes les entreprises. Mesure qui n’a pas été adoptée. Nous souhaitions enfin que la question du financement des syndicats soit mise sur la table. Ce n’est pas le cas. Nous étions notamment pour le chèque syndical, financé en tout ou partie par l’employeur, chaque salarié ayant la possibilité d’offrir le chèque au syndicat de son choix au sein de l’entreprise.

« L’idée initiale de la réforme consistait à inverser la hiérarchie des normes. Force est de constater que ce n’est pas ce qui a été suivie. »

Avez-vous néanmoins noté des avancées positives ?

L’idée de la rupture conventionnelle collective est très intéressante. Tout comme le périmètre national pour la question des licenciements économiques. L’appréciation ne se fera plus au niveau mondial mais au niveau national. Cette mesure positive devrait rassurer les investisseurs. Instaurer un dialogue direct entre les salariés et l’employeur va également dans le bon sens, même si, dans les entreprises de 50 salariés – dont 96 % n’ont pas de représentant du personnel –, un dialogue existe de fait au quotidien.

Regrettez-vous, comme d’autres, la place réservée aux branches dans les textes ?

Leur rôle est effectivement renforcé. L’idée initiale de la réforme consistait à inverser la hiérarchie des normes. Force est de constater que ce n’est pas ce qui a été suivie. Seul un accord de branche pourra autoriser par exemple le CDI de chantier. C’est ce que voulait notamment FO. Le gouvernement a fait le choix de ne pas introduire de mesures qui s’appliqueraient à toutes les entreprises. Nous sommes globalement sur une réforme qui mettra du temps à « percoler ».

Il reste donc encore beaucoup à faire pour flexibiliser le monde du travail…

Oui, mais nous sommes dans la bonne direction.

 

Propos recueillis par Capucine Coquand  @CapucineCoquand

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