Arrivée chez Elaia Partners avec la responsabilité de diriger un tout nouveau fonds techno-académique, le PSL Innovation Fund, Anne-Sophie Carrese prend le temps de commenter cette mission passionnante, avant de repartir vers un fundraising qui semble déjà séduire variété d'investisseurs...

Dealmakers. Quel est le contexte de la naissance du projet « PSL Innovation Fund » ? À qui doit-on la paternité des 50 millions d'euros que vous levez pour faire émerger des start-up technologiques à la sortie du monde académique ?

Anne-Sophie Carrese. C'est une prise d'initiative collégiale de la part du réseau d'universités et de grandes écoles de Paris Sciences & Lettres (PSL) et des sociétés de capital-innovation qui le soutiennent depuis un moment. Dans l'esprit des différents présidents de ces établissements, l'idée que des innovations de rupture issues de leurs classes de cours et de la tête de leurs chercheurs puissent trouver une raison d'être commerciale a commencé à faire son chemin, jusqu'à ce qu'elle soit rendue possible par les investisseurs. En tant que tel, ce partenariat entre les mondes académique et financier existe de longue date, mais aujourd'hui il va prendre une autre dimension en donnant aux futurs leaders de demain les moyens de leurs ambitions à un stade précoce.

 

La première étape possible, c'est l'incubateur PSL-Pépite qui aide les étudiants à formaliser les démarches préliminaires à la création d'une start-up et à peaufiner leur business model. La question de la protection de l'innovation se pose ensuite rapidement et PSL incite les fondateurs d'entreprise à déposer des brevets dès que possible car la qualité de l'innovation servira de base à la valorisation de leur société. Après vient le temps de choisir la structure juridique du business et de mettre en place les solutions de financement parmi lesquelles l'apport en fonds propres demeure essentiel. Un domaine dans lequel PSL s'est vite rendu compte qu'il était compliqué de réussir sans une équipe d'investissement professionnelle, et c'est à ce moment que notre candidature apparaît évidente chez Elaia Partners, en lien pour le secteur des biotech, avec Auriga Partners.

 

Dealmakers. Pourquoi vous ?

Pour commencer, chez Elaia Partners, la recherche est dans notre ADN, puisque l’un de nos associés fondateur, Xavier Lazarus, est un chercheur issu d’un établissement de PSL. Nous avons toujours entretenu une relation de confiance durable avec PSL et certains de ses chercheurs que nous suivons sous la forme de mentoring, afin de les aider dans leurs souhaits d’accéder au monde économique. Ensuite, un appel d'offres a été lancé auprès des sociétés de gestion de la place et, ayant déjà fait nos preuves avec Auriga Partners, nous avons choisi de répondre ensemble, et notre candidature est apparue comme la suite naturelle de travaux menés avec PSL depuis plusieurs années. Notre profonde connaissance de la deep tech sur la toile de fond du numérique a fait la différence. Nous ne nous limitons pas à la compréhension des usages et des plates-formes go-to-market, nous décelons et accompagnons des activités dont l'innovation technologique pure est forte, notamment dans les logiciels. Et s’agissant de mon arrivée chez Elaia Partners, j’apporte l’expérience de l’investissement dans des start-up de l’industrie plus traditionnelle (aéronautique, transport, énergie, IoT), au sein d’un grand investisseur institutionnel.

 

Ces derniers mois, chez Elaia, nous avons constaté que nos plus belles performances financières sont corrélées avec un investissement précoce au capital sur des sociétés très innovantes techniquement, pour lesquelles la proximité de l’équipe de gestion avec le monde de la recherche est un atout différenciant pour l’origination des cibles d’investissement. Par ailleurs, le capital-innovation connaît, depuis plus d’un an maintenant, un véritable regain d’intérêt qui n’est pas étranger à un système de mieux en mieux rôdé et donc propice à faire émerger des champions de demain. Nous souhaitons rester parmi les leaders de la place et c’est pour cela que nous sommes réactifs vis-à-vis d’aussi belles initiatives que celle de PSL (École normale supérieure, Collège de France, École nationale supérieure de chimie de Paris…). Nous pensons qu'il existe une vraie prime pour les investisseurs positionnés au début de la chaîne de financement.

 

Dealmakers. Ce modèle de partenariat entre établissements universitaires et structure’ d'investissement existe dans le monde anglo-saxon. Peut-on dire que vous vous en êtes directement insp ré ?

On ne peut que féliciter les financiers présents au stade early-stage pour soutenir les pépites technologiques d'avenir sur la base d'un échange de savoirs et de compétences. Si notre méthode rejoint ce qui a été développé autour des universités anglo-saxonnes, nous tenons à rappeler le caractère exclusivement professionnel de notre démarche. Nous ne sommes pas des chercheurs, nous sommes des investisseurs. La différence est un atout de la réussite du fonds PSL Innovation Fund. Pour bien comprendre, notre thèse d'investissement repose moins sur une technologie que sur la création d'une activité économique rentable.

 

Dealmakers. Est-ce que cette recherche du profit économique vous pousse parfois à envisager a priori votre sortie d'une société ?

Bien entendu, c'est la sortie qui va matérialiser notre plus-value d'investisseur, donc nous gardons à l'esprit cette donnée. Toutefois, avant tout investissement, la première chose que nous regardons c'est le client de l'entreprise. Avec ce fonds PSL, il n'y aura pas de financement de la recherche mais une variété de prises de position dans des activités commercialisables. Il faut pouvoir vendre un produit à un client, laboratoire ou groupe industriel.

La première chose que nous regardons c'est le client de l'entreprise

 

Dealmakers. On parle de gouvernance partagée entre Elaia et Auriga. Qu'en sera-t-il concrètement ?

Nous n'en sommes encore qu'à la phase de fundraising. L'objectif est de terminer la collecte de 50 millions d'euros au premier trimestre 2018. Pour le moment, le retour de nos investisseurs est très bon (industriels et institutionnels), ils sont intéressés par ce projet. Pour eux, c'est à la fois un placement financier, et le track record d'Elaia depuis quinze ans les rassure, et un enjeu d’accès stratégique aux start-up issues du meilleur de la recherche technologique. Le caractère pluridisciplinaire du fonds les a notamment séduits. Avec ce produit, une ligne typique sera au carrefour des logiciels, de la prédictibilité et du secteur des assurances par exemple.

 

Concernant la gouvernance, le mandat sera assumé par Elaia Partners, et il faudra parler d'étroite collaboration avec les équipes d'Auriga Partners sur le segment des biotechnologies. Nous avons déjà un passé opérationnel commun et chaque partie est en confort et en confiance sur ces sujets et la nature de la relation. Lorsque Franck Lescure, qui a participé à un bon nombre de success stories entrepreneuriales, nous fait passer un dossier de société « biotech », autant dire que nous faisons plus que l'écouter !

 

Dealmakers. Côté rémunération (carried et management fees), est-ce qu'il y aura des deals Auriga et d'autres Elaia, ou choisissez-vous plutôt une logique de pot commun ?

C'est un peu tôt pour tout préciser car nous sommes en pleines discussions avec nos investisseurs, mais la voie privilégiée s'oriente vers un fonctionnement intégré pour la totalité du fonds.

 

Dealmakers. Est-ce qu'on pourra voir le fonds PSL Innovation Fund s'émanciper de ce réseau d’établissements universitaires pour aller saisir d'autres opportunités d'investissement ?

La définition du dealflow PSL est assez ouverte aujourd'hui. Il s'agit de considérer des entreprises qui, d'une manière ou d'une autre, ont eu un partenariat de recherche avec un établissement membre de PSL, et sont reconnues comme telle par l’équipe de PSL.

 

@Firmin Sylla

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