Alors que les actifs classiques – actions en tête – ont été chahutés par la crise sanitaire et économique, les investissements ISR ont fait preuve d’une résilience enviable. Alexis Masse, président du Forum pour l’investissement responsable (FIR), revient sur la performance de ces investissements durables et la façon dont ils sont perçus par le marché francais.

Décideurs. L’AFG, en collaboration avec le FIR, vient de publier ses derniers chiffres sur l’ISR. Quels sont les principaux enseignements à en tirer ?

Alexis Masse. Ces chiffres montrent deux choses : la première est que les investisseurs ne se contentent plus de regarder les paramètres financiers lorsqu’ils prennent une décision d’investir. Intégrer des facteurs environnementaux, sociaux, de bonne gouvernance est devenu le nouveau normal. La seconde, c’est que cela ne suffit pas et que les professionnels et leurs clients continuent de développer des offres plus exigeantes qui recherchent un impact positif pour la société, des produits d’investissement socialement responsable. Cette belle dynamique du marché n’est pas propre à la France, il s’agit d’une tendance lourde que l’on observe aussi au niveau international. Cette dynamique s’explique dans l’Hexagone par une demande plus forte de la part des clients, notamment par les investisseurs institutionnels qui sont tirés par les obligations de transparence depuis 2015, par les attentes de la société et par leur volonté de maîtriser les risques de réputation liés à leurs investissements. Bien entendu, la conviction qu’ils ont un rôle à jouer pour construire le développement durable en misant sur des entreprises résilientes qui savent dialoguer et s’engager avec leurs salariés comme avec leurs clients, leurs fournisseurs et toutes leurs parties prenantes joue aussi beaucoup. Le choix de créer des labels publics (ISR et Greenfin) permettant de structurer un marché et offrant un signal qualité pour orienter l’épargnant individuel devrait faire croître encore à l’avenir le marché de la finance responsable en créant un nouveau marché, celui du particulier.

"Le véritable défi pour le label ISR français, c’est de conserver son attractivité"

L’appétence des Français pour l’ISR ne se dément pas avec les années. Pensez-vous que la crise sanitaire puisse encore renforcer leurs convictions ?

La crise sanitaire et la crise économique ont mis au centre du débat public la question de la résilience. Les entreprises les plus robustes sont celles qui ont compris que leur performance dépend de leur capacité à fédérer sous-traitants, innovateurs, salariés et parties prenantes dans un projet collectif qui a du sens. Ce sont donc des entreprises qui mettent le développement durable au cœur de leur stratégie. En finance aussi. Mais soyons réalistes, les Français connaissent encore peu l’ISR et n‘ont pas encore conscience de la manière dont ils peuvent aligner leur épargne avec leurs convictions, comme ils le font en matière de consommation en achetant bio, local, équitable, etc. C’est vrai que notre sondage annuel mené par l’Ifop montre bien l’appétence des Français pour le concept de l’ISR, pour des produits qui permettent de construire un monde plus écologique, plus solidaire, mais la distribution n’a pas encore permis l’orientation de l’épargne vers les produits responsables. Pour permettre cette transformation nous prônons au FIR qu’une fois le profil de risque de l’épargnant établi, et sans avis contraire de sa part, le produit qui lui soit proposé soit, par défaut, labellisés ISR. Cette technique d’orientation douce, dite de « nudge », est largement validée par la recherche académique, elle est d’ores et déjà mise en œuvre par certains acteurs belges, britanniques ou néerlandais et elle est rendue possible en France par le choix très large de fonds labellisés ISR - plus de 450 en juillet 2020.  

"Notre sondage annuel montre l’appétence des Français pour le concept de l’ISR mais la distribution n’a pas encore permis l’orientation de l’épargne vers les produits responsables"

Quelles sont les performances, au cours des derniers mois, des fonds ISR par rapport aux classes d’actifs classiques ?

Il est toujours difficile de tirer des conclusions rapides en cœur de crise, cependant les fonds ISR ont montré une meilleure résistance et une meilleure résilience dans les marchés en baisse. Les études académiques montrent depuis des années que contrairement aux idées reçues, les fonds ISR ont une performance au moins égale aux fonds classiques. Il n’y a pas de contrepartie en matière de performance au supplément d’âme des fonds ISR. Au contraire, le choix du développement durable est un facteur de performance globale sur le long terme, répondant aux aspirations de la société.

De plus en plus de fonds disposent de deux ou trois labels de finance durable, stratégie facilitant l’accès à un marché local. Comment le label ISR français est-il perçu au plan européen ? Que pensez de la création d’un label européen ?

De nombreux acteurs étrangers demandent le label ISR donc on peut en conclure qu’à ce stade, il est bien perçu. Les traditions nationales étaient très différentes : exclusion normative de secteurs comme la pornographie ou les armes ici, sélection des meilleures entreprises en France. Ces traditions se traduisent par des labels différents, entre lesquels une forme de compétition s’installe. Le véritable défi pour le label ISR français, c’est de conserver son attractivité. Je pense qu’il doit pour cela évoluer pour devenir plus exigeant, plus lisible et plus en phase avec les attentes des épargnants. Le label ISR a rempli son rôle lors de son lancement il y a quelques années, il doit maintenant fort d’une gouvernance irréprochable intégrer les meilleures pratiques. En matière de finance verte, en revanche, la concurrence n’est pas aussi acérée. L’Ecolabel européen en projet s’avère équivalent au label Greenfin dont il reprend l’acquis, avec une intention verte renforcée.

Propos recueillis par Sybille Vié

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