Récemment nommé responsable adjoint de la plateforme actions chez Amundi, Alexandre Drabowicz revient sur son parcours et livre la stratégie d’allocation actions de la maison face aux récents événements de marché.

Décideurs. Vous avez récemment été nommé responsable adjoint de la plateforme actions chez Amundi, pouvez revenir sur votre parcours ?

A.D. J’ai 47 ans cette année et j’ai commencé ma carrière dans le groupe Société générale en 1993. À l’époque il y avait encore le service militaire, et nous parlions du volontariat service national en entreprise ; après l’obtention de mon double diplôme franco-anglais en école de commerce (Reims et en Angleterre), j’ai obtenu de partir en mission pour la Société générale en Australie durant quatre années sur les marchés à terme. J’ai ensuite été transféré à Tokyo au Japon entre 1997 et 2001 où j’ai occupé le poste de responsable adjoint du département des marchés à terme et connu un marché très en avance. En effet, historiquement les marchés japonais ont toujours été des marchés électroniques, alors que la plupart des marchés occidentaux, à la fin des années 90, étaient des marchés à la criée.

Après avoir quitté le Japon en 2001 j’ai rejoint un fonds d’investissement à Paris qui s’appelait Systeia Capital Management, qui a été créé avec le Crédit Lyonnais AM, devenu CAAM, lui-même devenu Amundi. En 2008, la crise financière m’a permis d’engager un changement de carrière. J’ai eu l’opportunité de rejoindre le groupe Crédit Agricole AM, dans une fonction hybride de spécialiste produit, où j’étais technico-commercial, représentant des stratégies d’investissements, des gestions de portefeuilles auprès d’investisseurs pour créer un lien justement entre gérant et investisseur. J’ai débuté cette fonction chez Amundi, sur les fonds volatilité et convertibles. En 2014 j’ai eu la chance d’être nommé responsable du développement de la ligne métier actions c’est-à-dire, le travail de promotion auprès des investisseurs, des stratégies d’investissement, rattaché à la gestion, et c’est le cas chez Amundi.

Suite à la fusion avec Pioneer l’année dernière, le nombre d’équipes sur les actions a fortement augmenté. Amundi a fait le choix stratégique de regrouper toutes ses équipes sous le leadership d’une personne qui se trouve à Dublin, qui est Diego Franzin. Je suis donc son adjoint et je m’occupe en particulier des opérations de Paris et du Japon.

Avec quels autres corps de métier travaillez-vous au jour le jour ?

C’est une bonne question. Dans une grosse société de gestion comme Amundi, nous sommes amenés à travailler avec pratiquement toutes les divisions. En premier, un travail important est fait avec les équipes de ventes. Cela m’amène donc à travailler sur les deux grands segments clients, que sont la partie retail, le réseau des distributeurs et la partie institutionnelle, avec les assurances, fonds de pension et fonds souverain. Amundi a environ 35 bureaux de ventes à l’international, il y a donc beaucoup d’interactions et principalement au niveau international puisque Amundi opère quand même de gros développement et un push commercial en dehors des frontières. En second, c’est un gros travail avec le service marketing afin d’animer la gamme des produits promu par Amundi, mais aussi avec le service évènementiel. Un autre département nous est familier, il s’agit du département d’appel d’offre. Cela nous amène à travailler sur les propositions que nous pouvons faire à nos investisseurs lorsque nous sommes sollicités sur des requêtes spécifiques. Le département juridique également, notamment dans le cadre de MIFID, et la prise en compte de nouvelles contraintes réglementaires. Ces lignes métiers sont étanches, indépendantes en termes de gouvernance, mais il y a beaucoup de passerelle en termes d’échanges d’idées et de ressources.

Les marchés ont connu une correction en février. Quelle est la stratégie d’Amundi face à ces fluctuations ? Et comment cela se traduit-il en termes d’allocations ?

Selon nous, nous avons quand même eu quelques bulles de spéculation qui ont éclaté en début d’année, ce qui est plutôt une chose bienvenue. Nous avons connu un monde dans lequel l’argent a été très facile pendant très longtemps ce qui a provoqué des flux de liquidités dans des endroits qui sont devenus un peu survalorisés. Pour nous, l’un des grands facteurs techniques de la première baisse des marchés en février est la bulle liée à la baisse de la volatilité. Cela a conduit à des changements de perception venus du fait que certaines révisions à la hausse de l’inflation aux USA ont mené les gens à revoir la remontée des taux. Cela a eu pour effet de créer un peu de volatilité et par effet répercussion, ceux qui étaient positionnés à l’inverse de cette tendance ont été pris de revers, et tout le monde a racheté ces positions, ce qui a causé une exagération dans la baisse de marché de février.

La bonne nouvelle est que cette bulle, que l’on appelle la bulle de « short-volatilité » a disparu. Néanmoins, aujourd’hui le marché tourne autour de deux axes principaux de préoccupations : l’un que l’on peut maitriser et l’autre qui nous échappe.

Le premier, c’est l’axe de l’inflation, nous avons des données concrètes et l’on peut quelque fois l’anticiper ou parfois un peu mieux l’appréhender en fonction des surprises ou pas. L’axe que nous ne pouvons pas maitriser, ce sont « les tweets de monsieur Trump », soit les risques géopolitiques. Sur l’inflation, nous ne sommes pas particulièrement inquiets de rentrer dans un nouveau régime inflationniste, il est vrai que nous sommes plutôt sur une révision à la hausse des anticipations d’inflation.  Le retour à l’inflation est quelque part rassurant car cela signifie que les banques centrales sont arrivées enfin à leur objectif d’atteindre un certain niveau d’inflation. C’est pratiquement le cas aux USA, c’est encore loin d’être le cas en Europe. Mais le marché, évidemment, s’inquiète si toutefois cela pouvait un peu déraper. Nous admettons que les anticipations d’inflations ont augmenté mais ne sont pas à des niveaux critiques. Mais ce n’est pas notre scénario central.

Pour ce qui est des risques géopolitiques, il y a beaucoup d’effet d’annonce par le président américains. Aujourd’hui, Monsieur Trump est plutôt en tête de regagner les élections du mid term.

Le marché s’inquiète des mesures protectionnistes que Trump pourrait implanter aux USA, c’est clairement un risque. Selon nous, il faut privilégier dans notre portefeuille un peu plus de diversification, d’une part, mais aussi une stratégie de couverture, d’autre part. Pour résumer aujourd’hui sur notre allocation au sens général, il faut préférer les actions aux dépends du crédit, notamment du high yield. Pas qu’il ne soit plus intéressant, mais il peut arriver que le niveau de valorisation devienne de moins en moins intéressant.

Au sein des actions, privilégier la zone euro car nous avons la « renaissance de l’Europe », thème d’investissement que nous avons développé depuis un peu plus d’un an, auprès des investisseurs qui avaient perdu confiance dans l’Europe. Et au-delà de la zone euro, beaucoup d’investisseurs voyaient l’Europe comme étant un peu un marché émergent.

Dorénavant, nous avons à la fois beaucoup plus de stabilité politique en Europe avec un couple Franco-allemand qui se reforme et qui donne beaucoup plus de stabilité à la zone euro. Au sein des actions, la deuxième zone à privilégier est le Japon. Nous voyons beaucoup de grands changements structurels avec une banque centrale qui maintien des taux bas, mais surtout des changements en termes de gouvernance dans les entreprises sous le leadership du premier ministre monsieur Abe. Le Japon passe par une phase de transformation avec d’un côté le gouvernement japonais et toutes les institutions financières qui incitent les sociétés à mieux employer le cash quelles détiennent dans leur bilan, surtout dans l’intérêt des actionnaires. Et tout cela est très positif d’où notre optimisme.

Quels sont vos fonds maison favoris ?

Pour répondre simplement, notre trio gagnant est tout d’abord Amudi Funds II European Value (ancien fonds Pioneer). C’est un fonds actions européennes qui va jouer plutôt les entreprises values, dont le niveau de valorisation est intéressant, dans le secteur des financières, de la consommation et dans le secteur automobile. Ce fonds est concentré sur 45 lignes. En tant que gérant actifs, nos positions se démarquent par rapport à l’indice de référence.

Au Japon, le fonds à privilégier c’est Amundi Funds Equity Japan Target. Il s’agit d’investissements qui ciblent la partie de la cote plutôt sur des valeurs de petite et moyenne capitalisation. Ce sont des sociétés qui ont des niveaux de liquidités importants, ce qui corrèle la politique du gouvernement de bien utiliser ce cash.

Enfin, Amundi a fait l’acquisition de la société irlandaise KBI à hauteur de 87 %. Nous avons lancé sur le marché français un fonds qui s’appelle Amundi KBI Aqua, ce fonds est sur la thématique de l’eau. Il s’agit d’une approche multi sectorielle avec 1/3 sur la thématique de distribution, 1/3 sur la thématique de l’infrastructure et 1/3 sur la technologie et innovation, comme la dépollution de l’eau par exemple.

Propos recueillis par Mardochée Heymann

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