La façon dont les experts se sont adaptés au confinement, le rôle éventuel de l’industrie immobilière dans la relance économique, l’impact à moyen terme de la crise sanitaire sur le secteur… Anne Digard, présidente de l’Afrexim, livre son analyse à Décideurs.

Décideurs. Quels premiers enseignements tirez-vous de la crise sanitaire et du confinement ?

Anne Digard. Le Covid-19 a épargné tous les experts qui sont membres des sociétés de l’Afrexim, ce dont nous nous réjouissons. En dehors des aspects sanitaires et macro-économiques, plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette crise sans précédent. Les experts ont montré leur engagement car toutes les tâches ont pu être réalisées à domicile en période de confinement, à la seule exception des visites. Nous en avions informé l’Autorité des marchés financiers (AMF), l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et les associations des investisseurs ASPIM, AFG, FFSA, FSIF. Les visites ont repris depuis le 11 mai, en respectant le protocole édicté par le gouvernement afin de préserver la santé de nos collaborateurs et de nos clients. Ainsi, la mise en place quasi-instantanée du télétravail, ou du travail à domicile pour ceux qui gardaient leurs enfants tout en effectuant leurs tâches professionnelles, a été efficace et efficiente en full digital. A tel point que les experts en évaluation immobilière ont fait part dans une récente enquête de leur souhait de télétravailler dans la limite de deux jours par semaine. Cette appétence est notamment motivée par le souci de réduire la fatigue générée par les déplacements entre le domicile et le lieu de travail mais aussi la prise en considération du geste environnemental de réduction de la pollution. Le retour au bureau reste néanmoins essentiel à leurs yeux pour préserver le lien social. Le Covid-19 a également permis de lever les dernières réticences de certains managers vis-à-vis du recours au télétravail. La confiance et l’autonomie sont les grandes gagnantes de cette période.

Quel regard portez-vous sur l’action du gouvernement ?

Les experts observent mais ne jugent pas. La tâche du gouvernement est complexe. L’arrêt soudain mais inéluctable de l’économie a rendu difficile la conciliation des intérêts des investisseurs, pour qui les loyers constituent la principale source de revenus, et des locataires dont certains ne peuvent pas délivrer de chiffre d’affaires en raison de l’impossibilité d’accéder aux locaux pour n’aborder que les actifs commerciaux, qui sont les plus durement affectés. Notons toutefois que nombre d’investisseurs ont fait preuve de solidarité et ont répondu aux attentes du gouvernement. La problématique reste la position du curseur. Une grande partie de ces acteurs ont changé d’approche depuis plusieurs années en considérant leurs locataires comme leurs partenaires.

Quel pourrait être le rôle de l’industrie immobilière dans la relance économique ? 

Tous les métiers de l’immobilier ne sont pas impactés de la même manière par la crise sanitaire. Cette dernière risque d’amplifier les difficultés rencontrées depuis quelques années par certains secteurs. Néanmoins, notre industrie avait un poids important dans l’économie avant le début de la crise sanitaire et cela sera encore le cas demain. Elle contribuera activement à la relance économique, notamment à travers les projets de construction et la réalisation du Grand Paris Express. La poursuite des efforts pour verdir les parcs immobiliers tertiaire et résidentiel constitue également un axe de relance pour atteindre la neutralité carbone.

Dans quelle mesure cette crise sanitaire pourrait-elle faire évoluer à moyen terme les grands principes de fonctionnement de l’industrie immobilière selon vous ?

Les sujets de la métropolisation et des enjeux écologiques vont évoluer. La montée en puissance de la RSE était bien amorcée et elle va s’accélérer à la suite de cette crise sanitaire, notamment sur les questions de parité et de ce qui en découle. Les femmes sont en première ligne dans cette crise, que ce soit dans les établissements de soins, dans les surfaces de vente… Pour les sujets purement immobiliers, la crise va peut-être précipiter la remise en cause du bail commercial, quelque peu rigide. Le coworking, en répondant aux attentes d’agilité et de souplesse des entreprises dans la recherche de locaux, avait déjà amorcé le mouvement. Quid d’une nouvelle approche conciliant la sécurité du bail commercial et le besoin de flexibilité ? Les experts de l’Afrexim réfléchissent à ces différentes problématiques et travaillent actuellement sur des analyses de la valeur verte des actifs immobiliers et nous sommes d’ailleurs sollicités de manière plus systématique sur ces sujets. Enfin, concernant les visites, celles-ci pourraient peut-être être organisées avec des vidéos, à charge pour les standards de s’adapter.

Propos recueillis par François Perrigault (@fperrigault)

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