Thierry Gingembre est le président du principal syndicat des professionnels du recouvrement de créances et du renseignement commercial en France. Il revient sur les enjeux des créances impayées et formule des propositions pour faciliter leur perception.

Décideurs. Pouvez-vous nous présenter l’ANCR ?

THIERRY GINGEMBRE. L’ANCR est le syndicat des professionnels du recouvrement de créances et du renseignement commercial en France. Il a été créé sous forme associative dans les années 1990 et regroupe à ce jour environ quatre-vingts adhérents actifs. La particularité de notre syndicat est qu’il est composé uniquement de membres dirigeants, actionnaires patrimoniaux de leur entreprise.  Son objet est d’accompagner le développement de nos membres et de promouvoir cette activité clé pour les entreprises et l’économie. En France, elle représente environ 12 000 emplois pour un chiffre d’affaires global de 500 millions d’euros par an.

 

Vous venez de publier une étude sur le « coût de l’impayé, fléau de l’économie française ». Quelles en sont les principales conclusions ?

En moyenne, chaque année, 56 milliards d’euros de créances se trouvent impayées, ce qui équivaut à 2 % du PIB français. Sur cette somme, 8 milliards d’euros sont confiés à la profession et, in fine, seulement 1,5 à 2 milliards d’euros sont recouvrés. Sur le plan macroéconomique, c’est énorme ! Par ailleurs, si les délais de paiement étaient respectés, la trésorerie libérée par les entreprises représenterait environ 12 milliards d’euros par an. Notre étude a permis d’établir que le préjudice moyen pour un retard de paiement d’une créance contractée entre professionnels s’élève à 600 euros, tandis que celles contractées entre un professionnel et un consommateur est de 30 euros. Dans l’ensemble, le principal enseignement que l’on peut tirer est que, quoiqu’il arrive, un impayé coûtera à l’entreprise. Mais le coût n’est pas seulement financier : il peut y avoir des conséquences indirectes avec des préjudices bien réels. Moins de trésorerie, c’est moins d’investissement par exemple et/ou une perte de crédibilité auprès de ses partenaires.

 

Comment expliquez-vous le fait que les entreprises, en France, appliquent peu les frais forfaitaires de recouvrement ou les pénalités de retard ? Les pratiques sont très différentes à l’étranger…

C’est avant tout un problème culturel. Beaucoup de PME ont peur de perdre le client si elles facturent ce type de frais. Il y aussi un nombre important de donneurs d’ordres qui ne souhaitent pas appliquer leur clause pénale. Dans certaines situations, des sociétés préfèrent même perdre leurs créances et faire supporter aux autres consommateurs leur coût plutôt qu’il y ait un risque d’atteinte à leur image.

 

Quelles mesures proposez-vous afin de faciliter le recouvrement de créances impayées ?

Les sociétés de recouvrement pourraient contribuer nettement à améliorer la situation si un certain nombre d’obstacles entravant leurs missions étaient levés. Tout d’abord, sur la procédure simplifiée du recouvrement des petites créances. Elle est aujourd’hui réservée aux seuls huissiers de justice, alors que la participation des sociétés de recouvrement amiable de créances en liaison avec ceux-ci serait beaucoup plus efficace. Deuxièmement, il existe un problème de distorsion de concurrence : le recouvrement amiable des créances publiques est réservé à ces mêmes huissiers, alors qu’ils ne bénéficient d’aucun monopole en matière de recouvrement amiable et que leur cœur de métier est le recouvrement forcé. Troisièmement, en cas de faillite, les créances sont confiées au mandataire judiciaire. Or, compte tenu de leur système de tarification, ceux-ci n’ont pas les moyens de faire appel aux sociétés de recouvrement. Aussi, de nombreuses créances demeurent impayées faisant supporter ainsi un coût à la collectivité. Enfin, la responsabilisation du débiteur consommateur : il faut revoir les textes exonérants directement ou indirectement les débiteurs particuliers de toute responsabilité au titre des impayés dont ils sont à l’origine.

 

Propos recueillis par Mathieu Marcinkiewicz

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