Pierre Kosciusko-Morizet, cofondateur et président d'Isai, associé gérant de Kernel Investissements nous parle passé, présent et futur de ce qui l'anime : l'entrepreneuriat.
Décideurs. Est-ce l’opportunisme ou bien la volonté d’indépendance qui vous a emmené sur le terrain de l’entrepreneuriat??
Pierre Kosciusko-Morizet. Un mix des deux. Je n’ai pas toujours su que je serais entrepreneur. Enfant, je voulais devenir pompier ou «?un petit oiseau?»?! Je suis issu d’une famille où être entrepreneur n’était pas l’option numéro un… J’ai eu envie de devenir entrepreneur au fil du temps et de mes rencontres. D’abord en Asie, où j’ai rejoint Aden Services, une société spécialisée dans le «?facility management?» qui venait de se créer quelques mois auparavant, et qui compte aujourd’hui 12?000 salariés. J’étais chargé de développer l’activité de restauration de l’entreprise. J’en garde un excellent souvenir. Ensuite au sein d’HEC Entrepreneurs, j’ai rencontré un grand nombre de patrons qui avaient l’air tellement heureux que je me suis dit?: «?Je ferai comme eux, j’aurai ma propre entreprise.?» Ce qui me plaisait c’était l’idée de liberté, de travailler avec qui on veut, d’être unique, dans le sens de créer et surtout d’être utile.

Décideurs. ? quoi attribuez-vous votre réussite?? Quels sont vos secrets??
P.?K.-M.
Je ne pense pas qu’il y ait des secrets pour réussir. Personnellement, j’ai une grande confiance en moi, qui me permet de tenter plein de choses. J’ose?! Pour moi, ceux qui échouent sont des gens qui n’essayent jamais. Mon impatience et mon exigence insatiable m’aident à mettre en place mes projets rapidement. La confiance en soi ne suffit pas. Dans l’aventure Priceminister, j’ai porté une attention particulière aux personnes qui allaient m’entourer. Il est primordial de constituer un cercle de confiance. De manière générale, pour favoriser le succès d’un projet, il faut convaincre les bonnes personnes, avoir un peu de chance et savoir la provoquer ainsi que la saisir?! Pour qu’un projet rencontre le succès, les intérêts de chacun doivent s’aligner. Les acteurs doivent partager une vision à long terme sans jamais se demander dans combien de temps ils vont être rachetés et à quel prix. Enfin, il est évidemment nécessaire d’être persévérant.

Décideurs. Quels échecs/difficultés avez-vous rencontrés??
P.?K.-M.
Créer une entreprise n’est pas un long fleuve tranquille. Lors de la création de Priceminister, nous avons eu des difficultés, comme toute entreprise. Par exemple, nous avons eu beaucoup de mal à lever des fonds. Nous avons failli mettre la clé sous la porte à plusieurs reprises. À l’échelle internationale, nous avons investi trop peu d’argent et trop tard?! Ensuite, la vie de Priceminister a rencontré quelques mini-crises de croissance, mais cela est très courant dans la vie d’une société. Nous avions embauché trop de gens trop vite et nous avons dû nous en séparer. Nous n’étions pas habitués à ce genre de problématique, c’était une période difficile. De même, lorsqu’en 2008 nous avons réalisé des acquisitions très rapides dans le but d’entrer en Bourse, ce fut une période délicate.

Décideurs. Si c’était à refaire, que changeriez-vous??
P.?K.-M.
Rien?! Je ne changerais rien car mon projet a été un succès?! On ne veut rien changer quand cela fonctionne?! Plus sérieusement, si on refaisait le match, je penserais à l’international plus tôt et avec plus de moyens. Même si je l’ai fait à l’époque, je le ferais plus fort, plus vite?! Et je pense que je miserais encore plus sur la technologie.

Décideurs. Pensez-vous qu’il y a quarante ans, vous auriez pu réussir de la même manière??
P.?K.-M.
Oui, car lorsque l’on décide de monter une boîte, on est convaincu par le projet. Il y a quarante ans j’aurais aussi été entrepreneur. Qu’est-ce que j’aurais créé, comment et avec qui?? Je ne saurais pas le dire. En revanche, une chose est sûre, à chaque époque, son bon moment. Avec Priceminister, nous sommes arrivés au bon moment avec la bonne idée?! Nous avons eu la chance de ne pas mettre nos billes dans un projet sans marché, comme beaucoup de sociétés. Notre offre a rencontré ses utilisateurs instantanément.

Décideurs. Quel regard portez-vous sur la nouvelle génération d’entrepreneurs qui se lance dans cette aventure??
P.?K.-M.
Je trouve cet élan absolument génial?! Autant d’énergie mobilisée pour créer des sociétés, c’est extraordinaire. C’est un courant de dynamisme fabuleux pour la France?! Avant, les jeunes de 25 ans rêvaient de devenir banquiers ou d’intégrer un grand groupe du CAC 40. Aujourd’hui, pour la plupart, leur rêve est de monter leur propre business?! Même les consultants d’aujourd’hui s’imaginent en créateurs de start-up.

Décideurs. Pour certains d’entre eux vous êtes un modèle, quels conseils leur donneriez-vous??
P.?K.-M.
Si mon exemple avec Priceminister peut inspirer et pousser certains jeunes à se lancer, alors tant mieux?! Cela me fait évidemment plaisir?! Je leur dirais de bien s’entourer, de toujours rester concentrés sur leurs clients, de se demander pourquoi ils viennent chez moi plutôt que chez le concurrent… et surtout d’avoir une vision à long terme de leur position sur le marché. C’est essentiel pour réussir.

Décideurs. D’«?anciens entrepreneurs?» les mettent en garde sur la propriété du capital. Pour vous, est-il préférable d’être actionnaire d’un groupe à forte capitalisation ou l’inverse??
P.?K.-M.
Il est évident que le capital est la ressource la plus chère et la plus rare dans une entreprise. Pour moi, il est plus intéressant d’avoir une petite part d’un très gros gâteau et d’avoir un impact sur le monde qui nous entoure. L’inverse n’est pas vrai. Quoi qu’il en soit, lorsqu’une entreprise va bien, le sujet du capital est un faux problème, la question se pose lorsqu’une société commence à aller moins bien. Heureusement dans les belles histoires, la question du capital ne se pose que très rarement. La vraie question est le choix de ses investisseurs. Encore une fois, il faut bien s’entourer.

Décideurs. Sur quelles qualités de leader vous appuyez-vous le plus dans l’exercice quotidien de vos fonctions??
P.?K.-M.
Je suis consensuel tout en sachant trancher lorsque cela est nécessaire. Je cherche à convaincre plutôt qu’à m’imposer. J’aime aligner les intérêts de tout le monde, que chacun trouve sa place et je m’assure que l’ensemble des équipes sont motivées par le projet commun.


Propos recueillis par Camille Drieu

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