Grâce à des prises de risque limitées, les entreprises familiales affichent des performances financières meilleures que la moyenne. Pourtant, les investisseurs se montrent toujours quelque peu réticents. La faute à des horizons temporels différents et à un actionnariat potentiel source de conflits.

Bien que les PME familiales génèrent plus de 70 % du PIB mondial, leurs sources de financement sont encore réduites. Ainsi, 28 % d’entre elles n’ont recours qu’à l’autofinancement et, plus problématique, 58 % sont actuellement à la recherche de solutions externes pour financer leur croissance. Le plus souvent, elles s’endettent auprès des banques. Mais, avec la crise, ce canal de financement s’est lui aussi rétréci.

 

Risque limité

Près des trois quarts d’entre elles déclarent ainsi que leur capacité à financer leurs projets a été amoindrie par le contexte économique. Car, contrairement aux autres sociétés, cette source de financement bancaire n’a pas pu être complètement compensée par des investisseurs privés tels que les fonds. Seulement 44 % d’entre eux ont déjà investi dans une entreprise familiale. Pourtant, celles-ci ont des atouts à faire valoir. « Elles développent des stratégies beaucoup plus claires et visibles dans le temps. Et le contrôle du capital est une garantie de leur mise en œuvre », explique Jean-Pierre Piotet, président de l’Observatoire de la réputation. Pour caricaturer, elles ont une gestion de « bon père de famille ». « Dans les entreprises familiales, la prise de risque est limitée, on investit seulement quand on peut », insiste Olivier Pelleau, managing partner de Turningpoint, cabinet spécialisé dans le développement du leadership. Cela leur permet d’être plus résilientes que les autres sociétés. Dans les années 2000, Bouygues a ainsi beaucoup mieux résisté à la crise du secteur des télécoms que Vivendi ou Orange. Résultat, 95 % des fonds témoignent d’une expérience positive lors d’un investissement dans des entreprises familiales. Comment expliquer alors ces difficultés à attirer des investisseurs privés ? La principale raison est temporelle. Alors que les entreprises familiales ont un horizon de rentabilité à long terme, les fonds raisonnent plutôt sur des périodes de trois à cinq ans, même si les choses évoluent. Autre problème, gérer la complexité des relations familiales. Passé la troisième génération, l’actionnariat des sociétés peut être très éclaté et poser des problèmes en termes de prise de décision. « On est parfois confronté à des situations loufoques au cours desquelles des membres de la famille sont payés même s’ils ne viennent pas au bureau, constate Jean-Pierre Piotet. Ce sont des "parasites" mais il faut quand même les nourrir car on aura besoin de leur vote lors des assemblées… » De plus, ces actionnaires non actifs vont souvent demander plus de dividendes, ce qui pèsera sur les résultats de la société.

Aligner les intérêts

Heureusement, malgré ces contraintes, entreprises familiales et investisseurs commencent à trouver des terrains d’entente. 62 % des financeurs privés se déclarent ainsi intéressés par la perspective d’investir dans une entreprise familiale. De leur côté, les sociétés font preuve d’ouverture au niveau de la direction puisque 52 % d’entre elles ont un conseil de gouvernance dont plus de la moitié des membres n’est pas issue de la famille. « Nos deux études montrent que, en moyenne, toutes les entreprises familiales sont plus performantes que les autres et que celles conduites par un dirigeant extérieur sont plus performantes que celles ayant un chef d’entreprise familial », explique Patrice Charlier, maître de conférences à l’EM Strasbourg Business School et responsable de la chaire Gouvernance et transmission d’entreprises. Euronext vient même de lancer un programme pour les attirer en Bourse. L’institution a aussi mis en place en janvier dernier Euronext Family Business. Un indice qui permettra enfin de dire si oui ou non ces sociétés ont la cote.

V. P.

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