Alors que l’investiture de Donald Trump marque la fin d’une présidence particulièrement médiatisée, l’historien spécialiste des États-Unis, Romain Huret, revient sur les spécificités du « style » Obama, sur ses forces et ses faiblesses.

Décideurs. Que retiendra-t-on des années Obama ?

Romain Huret. D’abord une empathie et une proximité avec le peuple, mais aussi et surtout un style. Barack Obama a marqué les États-Unis par son exercice pragmatique du pouvoir, impliquant la compréhension de ses adversaires, la prise en compte de leurs positions et la recherche permanente du compromis. Ceci jusque dans la composition de son équipe faite de gens de tous âges, de toutes ethnies et de sensibilités politiques variées qu’il sollicitait régulièrement avant de prendre une décision. C’est un type de gouvernance très respectueux des différences et des individualités.

 

Cette recherche du consensus lui a aussi été reprochée…

Il est vrai que la confrontation systématique des points de vue antagonistes explique que, sur quelques dossiers emblématiques – comme l’assurance santé ou encore Guantanamo, dont la fermeture était une promesse phare de campagne qu’il n’a pas pu tenir, ce qui a été très mal perçu… – il ait été en deçà des attentes. Cette gouvernance très modérée, très centriste, a déçu certains de ses électeurs et notamment une population d’ouvriers qui a voté Trump parce qu’ils avaient attendu plus de sa présidence.

 

Son refus d’intervenir à Alep a également été mal vécu. Pourquoi un tel choix ?

Obama est très intellectuel, très réfléchi. Chacune de ses décisions était mûrement soupesée. C’est pourquoi il a fait le choix de ne pas intervenir à Alep : parce qu’il n’était pas convaincu que cela améliorerait la situation. C’est cela aussi le style Obama : le fait de n’être ni dans l’affect, ni dans la réaction, mais de toujours réfléchir aux conséquences. Cela lui a valu des critiques mais lui a permis de maintenir une grande cohérence intellectuelle. Ce qui explique aussi son niveau de popularité élevé au terme de deux mandats.

 

« Il savait qu’il n’y aurait pas de Grand Soir aux États-Unis » 

Le fait que son élection ait suscité tant d’attentes l’a-t-il desservi ?

Sans aucun doute, d’autant qu’à son arrivée au pouvoir il a eu à gérer une situation très compliquée. La crise économique, la guerre en Irak et la gestion catastrophique de l’ouragan Katrina avaient discrédité la puissance publique. Il fallait restaurer l’autorité du politique et l’image du pays à l’international, et il y est en grande partie parvenu tout en restant sur un positionnement modéré. Pour le reste, il est clair que son élection a suscité des attentes démesurées, mais ce n’était pas un magicien !  

 

Qu’en est-il de la situation de cohabitation avec laquelle il a dû composer ?

Il est évident qu’il aurait pu aller beaucoup plus loin sur nombre de sujets s’il n’avait pas dû faire face, durant les deux tiers de son mandat, à une opposition interne au Congrès et à la Chambre des représentants. La réforme de l’assurance santé aura ainsi représenté deux ans de compromis uniquement parce qu’il n’a pas voulu passer en force. Le style Obama c’est l’anti 49-3 Mais il a toujours été conscient que les structures politiques et institutionnelles de son pays restaient conservatrices, qu’il n’y aurait pas de « grand soir » économique ou social aux États-Unis, que l’on ne pouvait procéder que par petites avancées.

 

Pensez-vous qu’il puisse inspirer ?

De par son engagement et son style oui, mais aussi de par son parcours personnel qui le crédibilise : c’est son expérience du terrain qui l’a fait élire. Il était avocat et il a choisi de devenir « community organizer » dans les quartiers pauvres de Chicago pour aider à l’émergence d’un tissu économique et citoyen. Il a utilisé ses compétences juridiques pour agir sur le terrain, faire émerger des solutions concrètes. C’est cette légitimité de terrain qui manque aujourd’hui à beaucoup de politiques français.

 

Propos recueillis par Caroline Castets

@CaroCastets1 

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