Identifiée par Emmanuel Macron comme un axe structurant de la relance économique, la rénovation énergétique des bâtiments est revenue avec force sur le devant de la scène ces dernières semaines. La nouvelle ministre déléguée au Logement, Emmanuelle Wargon, s’emploie à organiser la déclinaison opérationnelle de la vision présidentielle. Explications.

Il y aura un avant et un après Covid-19 pour la rénovation énergétique des bâtiments. "Nous n’avions pas vu un tel élan depuis le Grenelle de l’environnement", se réjouit Philippe Pelletier, président du Plan Bâtiment Durable. Il faut dire que l’impulsion vient du Président de la République lui-même. "Il nous faut créer les emplois de demain par la reconstruction écologique qui réconcilie production et climat : avec un plan de modernisation du pays autour de la rénovation thermique de nos bâtiments, des transports moins polluants, du soutien aux industries vertes", indique Emmanuel Macron dans son discours du 14 juin. Une semaine plus tard, la Convention citoyenne pour le climat rend au gouvernement ses 149 propositions pour atteindre une baisse d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 (par rapport à 1990). Le logement figure en bonne place avec un objectif déclaré : rendre obligatoire la rénovation énergétique globale des bâtiments d’ici 2040. Le 29 juin, au lendemain des élections municipales marquées par une vague verte, Emmanuel Macron reçoit les membres de la Convention citoyenne pour le climat et annonce qu’il reprendra 146 des 149 propositions, notamment celles concernant la rénovation énergétique. Reste alors à orchestrer l'action.  

Mobilisation générale


Une personne va jouer un rôle clé dans la déclinaison opérationnelle des ambitions : Emmanuelle Wargon. Fin juin, celle qui est encore secrétaire d’Etat auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire et Julien Denormandie (alors ministre de la Ville et du Logement) confient une mission au Plan Bâtiment Durable et à la RICS en France "pour amplifier l’action des constructeurs, promoteurs immobiliers, aménageurs, opérateurs fonciers et investisseurs dans l’activité de rénovation de la ville et des bâtiments existants, tout en garantissant la qualité énergétique et environnementale des projets." Les premières propositions sont attendues pour la fin du mois de juillet, tout comme celles de la mission confiée à Pierre-André de Chalendar (PDG de Saint Gobain), le gouvernement ayant également sollicité les industriels pour qu’ils s’inscrivent dans ce mouvement d’amplification et d’accélération de la rénovation énergétique des bâtiments.

Les collectivités territoriales sont également embarquées dans le mouvement. Le 30 juin, Emmanuelle Wargon, Julien Denormandie et Renaud Muselier, président de Régions de France, co-président le comité d’orientation du comité d’orientation du programme national du "Service d’accompagnement pour la rénovation energétique" (SARE). A date, 11 conventions territoriales, couvrant 9 régions, sont votées ou seront soumises au vote d’ici fin juillet. Elles prévoient de mobiliser 100 millions d'euros de certificats d’économie d’énergie en complément de 150 millions d'euros des collectivités territoriales pour les trois prochaines années. De quoi informer et conseiller plus de 1,7 millions de ménages, accompagner 90 000 particuliers ou copropriétés dans leurs projets de travaux ou encore de mener plus de 70 000 audits énergétiques selon le gouvernement. Mais ce n’est qu’un début pour Emmanuelle Wargon : "L’objectif est désormais d’aboutir à une couverture par une convention de 100 % du territoire métropolitain d’ici la fin de l’année 2020, grâce à l’engagement à venir des régions Hauts-de-France, Normandie, Occitanie et Provence Alpes Côte d’Azur, ainsi que des départements franciliens du Val d’Oise et des Yvelines. Le déploiement en Outre-Mer se finalisera au 1er semestre 2021." 

Le lendemain, elle signe avec Danielle Mametz, vice-présidente la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), la convention de programme ACTEE 2 (Action des collectivités territoriales pour l’efficacité énergétique). Ce dernier, doté de 100 millions d'euros, doit permettre de rénover partiellement ou entièrement environ 50 000 bâtiments. "ACTEE est un déclencheur de projets profitables à l’emploi local qui offre un important effet levier : 1 euro investi génère plus de 10 euros de travaux, souligne Emmanuelle Wargon. Grâce à ce programme, nous allons pouvoir déclencher une vague de rénovation." Quelques jours plus tard, elle prend en charge le Logement au sein du gouvernement Castex et son nouveau ministère passe dans le giron de celui de la Transition écologique.  

Perspectives prometteuses… sous conditions financières


"Il est possible de conjuguer logement, développement urbain et écologie. C’est la feuille de route que nous a tracée la Convention citoyenne pour le climat dans la rubrique « Se loger », que nous suivrons sur la rénovation thermique pour aller encore plus loin – moi aussi je partage la fierté que nous avons ensemble sur MaPrimeRénov’ avec l’Anah, avec l’Ademe et la plateforme FAIRE et la nécessité d’aller plus loin, plus vite et d’investir encore plus", souligne Emmanuelle Wargon lors de la passation avec Julien Denormandie le 8 juillet. Le même jour, elle choisit pour son premier déplacement de visiter le chantier d’un ensemble de 304 logements sociaux en cours de rénovation énergétique par ICF Habitat La Sablière à Maisons-Alfort. Autant de signaux qui ne laissent aucune place au doute : la rénovation énergétique des bâtiments occupera une place de choix dans le plan de relance de l’économie française qui sera présenté à la rentrée. Elle annonce le week-end suivant la mobilisation de 4 à 5 milliards d’euros pour le bâtiment et la rénovation dans le cadre du plan de relance. Suffisant pour apporter une bulle d’oxygène salvatrice au secteur et à l’économie française ?

Dans un rapport réalisé avec le soutien d’EY et dévoilé le 10 juillet, le fonds mondial pour la nature (WWF) estime que l’application des propositions de la convention citoyenne pour le climat permettrait de quasiment doubler le nombre d’ETP soutenus d’ici 2022 pour atteindre 278 000 emplois soutenus. "L’augmentation du rythme des rénovations permettrait de doubler à nouveau les ETP (équivalent temps plein) soutenus entre 2022 et 2030, pour atteindre 406 000 ETP en 2030, estime l’organisation. Ce scénario permettrait d’atteindre 36 milliards d’euros de valeur ajoutée par an en 2030, soit 30 % de la valeur ajoutée par l’ensemble du secteur de la construction en 2019." Ces perspectives prometteuses ont néanmoins un coût : "Pour atteindre ces objectifs, l’Etat devrait investir 11 milliards d’euros supplémentaires par an par rapport aux 4 actuellement financés." Compte tenu du volume important de rénovations globales nécessaires pour l’atteinte des objectifs et du besoin en formation des artisans pour répondre à cette demande, le WWF France propose un palier intermédiaire à 4 milliards d’euros supplémentaires sur 2020 - 2023 avec une montée progressive à 11 milliards d’euros par an en 2030.

Une partie de la réponse pourrait également venir de l’Europe. Lors de la présentation fin mai de son plan de relance de 750 milliards d’euros, la Commission européenne a identifié la rénovation des bâtiments comme un axe important. "Le sujet est devenu interministériel sous l’impulsion du Président de la République, mobilise le monde économique et bénéficiera de financements européens, observe Philippe Pelletier. Toutes les planètes sont alignées pour accélérer et amplifier l’action." Reste à savoir si cet élan durera plus longtemps que celui du Grenelle de l’environnement.

Par François Perrigault (@fperrigault)

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