Pour éviter que la société civile ne se transforme en western, où règnent l’anarchie et les fausses croyances, le gérant doit maîtriser les règles inhérentes au compte courant d’associé et les faire respecter. En la matière, mieux vaut être shérif que hors-la-loi.

Par Julien Trokiner, notaire associé de 1768 Notaires.

Dans le cadre d’un investissement immobilier familial, il est très fréquent que parents et enfants constituent ensemble une société civile. La tentation est alors grande pour les parents de définir un capital social d’un montant symbolique, permettant ainsi à leurs enfants d’obtenir un statut d’associé égalitaire, voire ultra-majoritaire.

La bonne «marche» du comptant «courant»

L’objectif à peine voilé consiste ici à leur transmettre, à terme, une richesse non négligeable, a fortiori si le bien immobilier s’apprécie dans le temps, le tout avec une imposition fiscale proche de zéro… et même « pour une poignée de dollars », répliqueront les cinéphiles du genre ! Cette technique n’est bien sûr pas dénuée de fondement quand elle s’adosse à un investissement locatif : le loyer espéré ayant vocation à autofinancer les mensualités du prêt bancaire sollicité pour l’occasion. À l’inverse, la flèche (« brisée ») risque de manquer sa cible lorsque les parents sont les principaux contributaires de l’opération. En effet, qu’il s’agisse de leur apport initial pour payer tout ou partie du prix au moment de l’achat, de leur financement direct de travaux au nom et pour le compte de la SCI, ou encore de leur paiement des mensualités bancaires au fil de l’eau, dans tous les cas – « rivière sans retour » – il y a mécaniquement création (ou abondement) d’un compte courant d’associé. Au strict sens comptable, et sauf remboursement, pas de marche arrière possible donc.

Une notion impossible à éluder

Inutile de se convaincre que « son nom est personne » et que le compte courant d’associé n’a pas d’autre destin que de finir aux oubliettes civiles et fiscales : il existe ! Dette pour la société, créance pour l’associé concerné, il constitue une valeur patrimoniale à part entière. Par conséquent, il s’avère totalement illusoire de réaliser une opération de transmission entre deux générations sans prendre en considération cette notion civile et comptable. En cas de donation, le donateur doit prendre conscience que la transmission de ses seules parts sociales n’implique pas la totalité du patrimoine. Il doit avoir le réflexe de donner, dans le même temps, tout ou partie de son compte courant. Une alternative (préconisée si le donateur souhaite conserver l’usufruit) consiste à incorporer préalablement ledit compte courant par augmentation du capital : les nouvelles parts sociales attribuées au titulaire du compte pourront, à leur tour, faire l’objet de la donation. D’un point de vue fiscal, le compte courant d’associé relève des actifs patrimoniaux assujettis à l’impôt sur le capital (gageons que les réformes fiscales changent peu la donne pour les sociétés à prépondérance immobilière). Sur le plan successoral, tout comme les parts sociales, le compte courant d’associé, s’il existe, doit être intégré à l’actif successoral taxable. Encore faudra-t-il que la tâche de l’héritier contribuable soit facilitée par la tenue d’une comptabilité. À défaut, il y aura lieu de la reconstituer a posteriori au moyen de relevés bancaires ou de factures.

Famille recomposée: il était une fois dans l’Ouest…

En présence d’une famille dite « recomposée », et même s’il faut toujours tordre le cou aux clichés, force est de constater qu’un règlement successoral serein n’est pas systématiquement garanti entre les enfants d’un premier mariage et l’un des beaux-parents survivant.

Au strict sens comptable, et sauf remboursement, pas de marche arrière possible

Ainsi par exemple, s’il vient à l’esprit du « futur défunt » – père de deux enfants d’un premier lit, puis remarié en secondes noces – l’idée saugrenue que sa succession sera un jour le théâtre de divers « comportements de cow-boys » et autres « duels au soleil » entre « un bon, une brute et un truand », bien lui prendra alors l’initiative de consulter son notaire pour la mise en place d’une société civile (dans laquelle ne figureront que son épouse et lui, ou que ses enfants et lui). Les règles statutaires « fermées » stipuleront un agrément obligatoire, que tout ayant droit désireux d’intégrer la société civile devra obtenir de la part du ou des associés survivants.Toutefois, il faudra parer à l’inconvénient suivant lequel le refus éventuel d’agrément ne peut concerner que les parts sociales, mais pas le compte courant de l’associé décédé. Son notaire lui conseillera alors la rédaction d’un testament adapté afin d’attribuer sous forme de legs son compte courant à tel ou tel associé survivant. Ou encore la mise en place d’un contrat d’assurance-vie pour permettre à l’associé survivant de désintéresser, dans le cadre d’un partage, les autres héritiers de la valeur du compte courant.

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