Les ambitions affichées d’efficacité, d’équité et de transparence de la réforme de la formation professionnelle ont donné lieu à la négociation d’un projet d’accord national interprofessionnel finalisé le 22 février 2018. Le projet de loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » devrait aller encore plus loin dans la refonte de notre système de formation.

La gouvernance de ce système devrait, contrairement à l’idée qu’en avaient les partenaires sociaux, être profondément réformée. Les organismes paritaires collecteurs agréés (Opca) disparaitraient au profit des opérateurs de compétences dotés de nouvelles missions et organisés par filières (périmètre à définir en adéquation avec la restructuration des branches) afin de favoriser la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.

Seraient fusionnés au sein d’une nouvelle institution, l’Agence nationale France compétences (pilotée par l’Etat, les partenaires sociaux et les régions), le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (Fpspp), le Comité paritaire interprofessionnel national pour l’emploi et la formation (Copanef) et le Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (Cnefop). Cette agence aurait pour rôle d’assurer la qualité de la formation au travers de la certification des organismes et des centres de formation d’apprentis.

Au-delà de ce bouleversement des acteurs de la formation professionnelle, les modalités de son financement seraient revues.

Plutôt favorablement pour les entreprises, avec une simplification des démarches administratives par la collecte d’une cotisation unique regroupant la contribution formation et la taxe d’apprentissage par les Urssaf (et non plus les Opca).

Le taux global de cette nouvelle cotisation (respectivement de 1,23% et 1,68% de la masse salariale dans les entreprises de moins de 11 salariés / d’au moins 11 salariés), correspondant au cumul des contribution et taxe actuelles, serait sans incidence financière pour les entreprises.

À noter néanmoins que la solidarité financière des grandes entreprises à l’égard des plus petites, à hauteur de 0,1% de cette cotisation, est annoncée au bénéfice des entreprises de moins de 50 salariés au titre du plan de formation. Est-ce à dire que les entreprises de moins de 300 salariés qui bénéficiaient jusqu’alors de la mutualisation des fonds de la formation professionnelle pour leur plan de formation en seraient désormais privées ?

Toutes les entreprises, quel que soit leur effectif, pourraient définir leur plan de formation de manière plus souple, sans avoir à distinguer les différents types d’actions de formation dès lors qu’elles permettront à l’employeur de satisfaire à son obligation d’adaptation et d’employabilité des salariés.

L’action de formation serait plus largement définie afin de prendre en compte le développement des nouvelles formes de formation et de favoriser l’innovation pédagogique.

Aussi, le salarié serait davantage acteur de son parcours professionnel avec un accompagnement renforcé du Conseil en évolution professionnelle (Cep), qui serait sélectionné dans chaque région sur appel d’offres selon un cahier des charges et disposerait d’un financement dédié, et la refonte du Compte personnel de formation (Cpf).

Mesure phare de la réforme, source de discorde entre les partenaires sociaux et le Gouvernement, l’alimentation de ce compte ne serait plus réalisée en heures, mais en euros, à hauteur de 500 € par an dans la limite de 5.000 € (800 € plafonnés à 8.000 € pour les salariés non qualifiés), avec une valorisation des heures d’ores et déjà acquises à 14,28 €. Il n’y aurait plus de proratisation pour les salariés à temps partiel travaillant au moins à mi-temps et les possibilités d’abondement seraient conservées et adaptées en vue de l’intégration des droits à la reconversion du Congé individuel de formation (Cif) avec la mise en place de formations personnalisées, plus pertinentes et moins coûteuses.

Le Compte personnel de formation ne serait plus exclusivement dédié au suivi des formations inscrites sur les listes de formations éligibles mais pourrait être utilisé pour toute formation inscrite au Répertoire national de la certification professionnelle (Rncp) ou à l’inventaire.

L’utilisation de ce compte serait également facilitée pour les salariés par la mise en place d’une application mobile leur permettant de :

  • s’informer en consultant leurs droits acquis, les formations accessibles, leurs coûts, leurs dates ainsi que leur « popularité », les taux d’insertion dans l’emploi, le salaire à l’embauche des personnes ayant suivi les formations convoitées… ;
  • s’inscrire à la formation choisie et en régler directement le coût, sans intermédiaire.

Le succès des évolutions envisagées du Compte personnel de formation dépendra de la capacité des salariés à mobiliser ce dispositif à bon escient, dans la perspective de leur développement professionnel, là où la logique de sa co-construction avec les entreprises semble absente.

Le projet de loi, dont la présentation en Conseil des ministres est prévue pour mi-avril prochain, nous permettra d’apprécier plus précisément la portée de la réforme. L’apprentissage, autre volet de ce projet, intimement lié à la formation professionnelle, sera l’une des clés de sa réussite.

Audrey Gally, avocats, Capstan Avocats

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