Même si le droit de l’urbanisme et le droit de l’environnement demeurent deux législations indépendantes, force est de constater que les dernières réformes du Code de l’environnement en matière de participation du public, d’évaluations environnementales et d’autorisation environnementale ont des incidences tout à fait notables sur les projets d’aménagement.

Par Laura Ceccarelli-Le Guen, avocate associée au sein du cabinet DS Avocats, qui assiste les porteurs de projets publics et privés dans le montage réglementaire de leurs opérations d’urbanisme. Elle a une expertise reconnue en matière de prise en compte de l’environnement dans le cadre des documents d’urbanisme et des projets d’aménagement et de construction. Elle enseigne le droit de l’urbanisme dans le cycle urbanisme de Sciences-Po.

 

La réalisation de projets d’aménagement nécessite la mise en oeuvre de procédures et l’obtention d’autorisations successives relevant de réglementations diverses : concertation, zone d’aménagement concerté (ZAC) ou permis d’aménager, expropriation, évolution de s do cumen t s d’urbanisme, permis de construire, autorisation au titre de la loi sur l’eau… Plusieurs réformes récentes en matière environnementale impactent de façon notable chacune de ces étapes : La réforme des procédures de participation du public, dont la majeure partie des dispositions est applicable depuis le 1er janvier 2017, qui renforce la participation en amont du processus décisionnel (débat public, concertation) et modernise la participation en aval (participation par voie électronique, enquête publique), en prévoyant sa dématérialisation. La réforme des évaluations environnementales, entrée en vigueur à des dates successives, qui privilégie une approche par projet, réduit de façon notable le nombre de projets soumis à étude d’impact au profit du cas par cas tout en renforçant le contenu de l’étude d’impact lorsqu’elle est requise. Elle impose également de soumettre l’étude d’impact à l’avis des collectivités territoriales et leurs groupements intéressés simultanément à l’avis de l’autorité environnementale et de prendre une décision motivée. Elle permet de mutualiser les procédures d’évaluations environnementales. La mise en place de l’autorisation environnementale3, à compter du 1er mars 2017, avec la possibilité, dans certains cas, d’opter pour l’application de l’ancien régime jusqu’au 30 juin 2017, qui remplace les autorisations au titre des installations classées et de la loi sur l’eau, et englobe d’autres autorisations telles que l’autorisation spéciale au titre des sites classés, la dérogation au titre des espèces protégées, l’autorisation de défrichement… En outre, le porteur de projet peut choisir le moment du dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme, sous réserve de ne pas l’exécuter avant la délivrance de l’autorisation environnementale (sauf permis de démolir, en l’absence d’atteinte aux intérêts protégés). Il est également possible de mener parallèlement une procédure d’évolution du document d’urbanisme et l’instruction de l’autorisation environnementale.

Les nouvelles dispositions en matière environnementale présentent de réelles opportunités pour les projets d’aménagement, mais aussi quelques risques non négligeables

 

Une simplification des procédures, permettant d’optimiser les plannings

Ces réformes créent de nouveaux dispositifs susceptibles de réduire les délais de réalisation des projets d’aménagement : les projets devant faire l’objet d’une évaluation environnementale seront sans doute moins nombreux, si l’autorité environnementale parvient à faire le tri au stade du cas par cas. Ceux qui y seront soumis pourront mutualiser cette procédure avec l’évaluation environnementale éventuellement requise au titre de l’évolution du plan local d’urbanisme, dans le cadre d’une procédure commune ou d’une procédure coordonnée. Les travaux et constructions réalisées à l’intérieur d’une ZAC ou d’un permis d’aménager ayant déjà fait l’objet d’une évaluationenvironnementale réalisée conformément aux nouvelles dispositions applicables, ne seront pas soumis à évaluation environnementale en tant que tels. En revanche, si nécessaire, l’étude d’impact globale devra être actualisée et jointe au dossier de permis de construire ou d’aménager. Les conditions d’actualisation de l’étude d’impact en cas d’autorisations successives sont mieux encadrées. L’autorisation environnementale impose que l’instruction des autorisations relevant de différents Codes (environnement, forestier, énergie…) se fasse en mode « projet » dans un délai de neuf mois, et renforce les pouvoirs du juge administratif de plein contentieux (annulation partielle, régularisation, cristallisation des moyens). Mais le fond des dossiers reste identique.

 

La création de nouvelles contraintes

Lorsqu’ils sont soumis à évaluation environnementale, les projets publics ou privés dont le montant des dépenses publiques ou des subventions publiques est supérieur à dix millions d’euros, ainsi que les plans et programmes devront faire l’objet d’une procédure de concertation, soit au titre du Code de l’urbanisme s’ils y ont soumis au titre de l’article L. 103-2, soit, à défaut, au titre du Code de l’environnement, avec la création d’un droit d’initiative et l’obligation de publier une déclaration d’intention préalable. Cette nouvelle obligation est applicable depuis le 1er janvier 2017 aux plans et programmes, et à partir du 1er juillet 2017 pour les projets.

 

Une certaine insécurité juridique, liée à des difficultés d’interprétation

Ces différents textes soulèvent de nombreuses interrogations en matière de projets d’aménagement, notamment en ce qui concerne les ZAC. La difficulté la plus notable concerne les conditions d’entrée en vigueur de la réforme des évaluations environnementale, dans la mesure où les dispositions transitoires ne sont pas adaptées, en ce qu’elles visent soit la date du dépôt de la première demande d’autorisation (sans qu’il soit certain que la décision de création en soit une), soit la date d’ouverture de l’enquête publique (alors que la création de la ZAC en est dispensée). Dans le « Guide de lecture de la nomenclature des études d’impact » publié en février 2017, le ministère de l’Environnement a entendu résoudre cette difficulté en qualifiant la décision de création de ZAC d’autorisation et en affirmant que la date à prendre en compte est le 16 mai 2017. Même si cette interprétation a le mérite de la simplicité, elle devra être confirmée par le juge administratif. Par ailleurs, en matière d’autorisation environnementale, la notion d’autorisation par tranche méritera d’être précisée.

 

Une articulation délicate, en raison de l’entrée en vigueur successive de ces nouveaux textes

Compte tenu de l’entrée en vigueur successive de ces différentes réformes, un même projet d’aménagement pourra relever pour partie des anciens textes applicables, et pour partie des nouveaux. Il faut donc que les porteurs de projet s’approprient bien ces différentes réformes pour pouvoir optimiser au mieux les nouveaux dispositifs, sans fragiliser leurs procédures.

 

Les points clés

  • Les projets d’aménagement sont fortement impactés par les récentes réformes relatives aux procédures de participation du public, aux évaluations environnementales et à l’autorisation environnementale.
  • Ces réformes présentent de réelles opportunités, notamment en termes d’optimisation des délais et des procédures.
  • Mais elles suscitent aussi de nombreuses difficultés d’interprétation, source de risques non négligeables.
  • Elles nécessitent enfin une grande vigilance, compte tenu de leurs dates d’entrée en vigueur successives.

 

 

Dates clés pour l’entrée en vigueur de ces textes

  • 1er septembre 2016 : évaluation environnementale des plans et programmes
  • 1er janvier 2017 : participation du public (sauf droit d’initiative des projets) et évaluation environnementale des projets au cas par cas
  • 1er février 2017 : évaluation environnementale des projets soumis systématiquement, ne nécessitant pas d’autorisation
  • 1er mars 2017 : autorisation environnementale (avec possibilité d’opter pour l’ancien régime dans certains cas)
  • 16 mai 2017 : évaluation environnementale des projets soumis systématiquement, nécessitant une autorisation
  • 1er juillet 2017 : fin du droit d’option pour l’autorisation environnementale et droit d’initiative pour les projets.

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