Si les Gafa jouent un rôle clé dans la propagation des fausses informations, ils peuvent agir massivement pour les contrer. Ce qu’ils commencent à faire. En collaboration avec les professionnels de la presse.

Vive les Gafa

Si les Gafa sont légitimement accusés de propager, involontairement ou non, les fake news, ils sont également en première ligne pour agir. Et ils ne s’en privent pas. « Ce sont des professionnels de la donnée mais pas de la rédaction de l’information. Pour limiter les fake news ils ont besoin de professionnels de la presse », note Fabrice Fries, PDG de l’AFP habitué à travailler étroitement avec Facebook « qui nous achète du contenu qu’il sait de qualité, puis le met en avant sur son réseau, le tout sans jamais aborder la question de la ligne éditoriale ». De quoi permettre, en partie, d’amortir le coût des 40 experts en fact checking que l’AFP déploie dans 25 pays mais aussi la conception d’un logiciel qui permet de remonter à la source de la fake news.

«Whatsapp est également en train de reconfigurer ses algorithmes pour rendre de plus en plus difficile la viralisation d’une fake news. C’est important dans la mesure ou les intox sont relayées massivement sur les réseaux sociaux », complète Nic Newman de Reuters. Au-delà d’une question d’image de marque ou d’une véritable volonté de défendre la démocratie, une autre raison essentielle pousse les Gafa à agir : l’aspect financier. « Combattre une fake news coûte dix fois plus cher que la diffuser », estime Matthieu Courtecuisse, CEO de SIA Partners. Mais les Gafa n’ont pas le choix pour l’expert qui estime que « la propagation des fausses nouvelles est un risque systémique pour les États, les médias et l’économie, par exemple avec la publication de faux commentaires commerciaux ».

D’autre part, certains magnats de la tech utilisent leur manne financière pour racheter des « médias traditionnels ». Avec succès si l’on en croit Fabrice Fries qui cite l’exemple américain : « Ce n’est pas à moi d’expliquer pour quelles raisons Jeff Bezos a racheté le Washington Post. Mais depuis son arrivée, de gros moyens sont mis sur la table ».

L’avenir est aux journalistes

Une chance, car l’éradication des fakes news ne pourra être effective sans une meilleure reconnaissance du rôle des journalistes. Pour Matthieu Courtecuisse, à l’heure où tout le monde peut s’exprimer sur tout et où la notion de vérité devient relative, « les médias doivent labelliser l’information, leur place dans le débat public doit être réhaussée, ce sont des tiers de confiance ».

Ce qui, pour le fondateur de SIA Partners passe par « la fin de la paupérisation du travail de journaliste. Il est difficile d’obtenir de l’information de qualité si l’on paie mal les professionnels. » Autre piste évoquée selon lui, la protection juridique des professionnels des médias : « Les journalistes sont les premières victimes du cyberharcèlement. La volonté est claire : sortir les professionnels du débat public. Or sans journalistes engagées et protégés, qui s’opposera aux fake news ? ». Autre piste évoquée par Fabrice Fries : poursuivre pénalement et sanctionner les propagateurs d’intox.

Le Cercle des économistes est sur la même longueur d’onde. Il propose pour sa part « d’établir, de protéger et de respecter les institutions indépendantes chargées d’une mission d’information du public : instituts statistiques, agences d’évaluation des risques, instances d’évaluation des politiques publiques ». Il suggère également de créer une « instance de fact checking » et de demander à la BPI de « créer un fonds dédié aux start-up dans le domaine du fact checking ».

Les journalistes compétents et rigoureux prennent également à bras le corps la question des fake news et de la digitalisation de l’information en créant de nouveaux supports. Outre-Atlantique, Quartz, ou la nouvelle formule en ligne du Washington Post mélangent rigueur journaliste et digitalisation tout azimut. Avec succès, comme en témoigne la hausse du nombre d’abonnés.

Lucas Jakubowicz

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