Roland Ziadé et Marc Petitier, respectivement avocats associés en arbitrage et en fusions-acquisitions au sein du cabinet Linklaters, nous éclairent sur le déroulement de leurs activités sur un continent en pleine expansion : l’Afrique.

 

Décideurs. Comment les équipes de Linklaters interviennent-elles en Afrique ?

MARC PETITIER. À Paris, environ un tiers des associés intervient actuellement sur au moins un dossier actif sur le continent. Cela représente plus d’une cinquantaine de dossiers gérés en simultané pour notre clientèle d’entreprises, d’industriels, de fonds et d’entités publiques ; des acteurs internationaux, mais également de plus en plus locaux. La place de l’Afrique dans nos activités est donc très significative.

« Sur le continent, l’environnement juridique s’est fortement développé au cours des dernières années de manière à rendre plus attractifs les investissements internationaux »

Pourquoi ne pas avoir de bureaux en Afrique ?

ROLAND ZIADÉ. Nous faisons le choix bien réfléchi de couvrir une multitude d’Afriques (francophones, anglophones, lusophones et arabophones) depuis nos bureaux à Paris, Londres et Lisbonne, sans avoir d’implantation sur le terrain. Seule notre alliance stratégique avec le cabinet sud-africain Webber Wentzel fait exception.

Nous préférons en effet nous déplacer et collaborer avec des experts locaux. Cette stratégie nous permet une grande flexibilité et une réponse plus adaptée aux attentes de nos clients. Les synergies créées, entre nos équipes d’une part et notre réseau local d’autre part, nous permettent de bénéficier d’un panel d’expertises très variées, auxquelles nous faisons appel en fonction des domaines d’intervention et des complexités et spécificités de chaque dossier.

Comment conjuguez-vous vos expertises en arbitrage et en corporate sur le continent ?


R. Z. Nos expertises sont tout à fait complémentaires, notamment lorsque nos clients souhaitent investir sur le continent. Dans ces cas précis, il n’est pas rare que des compromis doivent être trouvés entre les différentes parties pour déterminer le droit applicable ainsi que les juridictions compétentes. Nous intervenons ainsi souvent ensemble aux stades des négociations aux côtés de notre client.

Nous incitons également nos clients et nos collègues des équipes corporate et project à structurer leurs investissements de manière à pouvoir bénéficier des garanties tant substantielles que procédurales des traités bilatéraux et multilatéraux de protection des investissements. Nous faisons enfin en sorte d’insérer – de manière quasi systématique – une clause d’arbitrage, qui permettra à l’investisseur d’externaliser un éventuel litige. Cela lui donne la garantie, si « les choses tournent mal », que l’affaire sera portée devant une institution indépendante et impartiale.

Comment se développe l’arbitrage en Afrique ?


R. Z. Bien qu’il soit délicat de faire des généralités puisqu’il n’existe pas « une » mais « des » Afriques, il ne fait aucun doute que la tendance générale est au développement de l’arbitrage sur le continent. Cela s’explique notamment par l’augmentation du nombre de dossiers qui impliquent une partie africaine (à titre d’exemple, nous sommes en ce moment actifs sur une dizaine de dossiers d’arbitrage en Afrique du Nord et en Afrique subsaharienne).

En outre, je constate un déplacement du centre de gravité des arbitrages – historiquement à Genève, Paris et Londres – vers les marchés émergents, dont l’Afrique fait indéniablement partie. Certains territoires africains souhaitent par ailleurs se positionner comme des places d’arbitrage incontournables : l’île Maurice et Casablanca en sont deux exemples.

Je constate également une complexification des procédures. Ce phénomène n’est pas propre au continent, mais y est fortement marqué, car il est fréquent que des États africains ou les sociétés étatiques africaines soient parties à l’arbitrage. La présence d’intérêts publics lors de la procédure d’arbitrage est alors source de plus grande complexité puisqu’elle implique l’application de règles spécifiques, ainsi que souvent une plus grande transparence.

« L’arbitrage offre à l’investisseur une garantie
de neutralité pour ses projets en Afrique »

L’existence d’un tiers financeur a-t-elle déjà été portée à votre connaissance ? Êtes-vous en faveur d’une révélation du tiers à l’arbitre ?


R. Z. J’ai en effet déjà travaillé – en tant qu’avocat – sur des dossiers dans lesquels un tiers financeur finançait la partie adverse. Celui-ci s’est soit révélé spontanément durant la procédure, soit ne s’est pas révélé du tout – mais nous soupçonnions fortement sa présence. Bien que les recours à des tiers financeurs restent encore assez exceptionnels, la tendance est au développement de cette pratique de financement. La révélation de la présence du tiers à l’arbitre comporte un bénéfice indéniable puisque cela permet d’éviter de potentiels conflits d’intérêts, mais tant le principe que l‘étendue d’une telle révélation restent à ce jour une question délicate et débattue.

Comment la pratique des fusions-acquisitions évolue-t-elle sur les différents pays africains ?


M. P. On peut distinguer, quatre catégories de pays africains.  C’est au sein des économies en transition – le Cameroun, la Côte d’Ivoire par exemple – que la pratique se développe le plus fortement et que nous intervenons le plus fréquemment. La deuxième catégorie, celle des économies diversifiées inclut l’Afrique du Sud, le Maroc…et connaît depuis plusieurs années déjà une forte activité ; l’activité en M&A et en private equity y est développée. L’Afrique du Sud en particulier est très structurée pour accueillir des opérations de ce type. Troisièmement, dans les pays pétroliers, l’activité concerne principalement des opérations liées aux hydrocarbures même si nous y intervenons aussi sur des deals en infrastructure ; je pense au Gabon en particulier. Enfin, dans les pays en « pré-transition » — moins développés mais avec une croissance exponentielle – comme l’Éthiopie, la Sierra Leone, la République démocratique du Congo, il y a moins d’opérations.

 

Comment aimeriez-vous voir la pratique évoluer ?


M. P. Sur le continent en général, l’environnement juridique s’est fortement développé au cours des dernières années de manière à rendre plus attractifs les investissements internationaux. En matière de gestion des risques et de compliance cependant, les outils juridiques mis en place ne sont pas toujours suffisants, suscitant parfois des appréhensions. En pratique, nous notons aussi qu’il subsiste bien souvent des incertitudes sur des textes qui n’ont pas encore été appliqués et, parfois, des décalages entre ces textes et la façon dont ils peuvent être appréhendés par la pratique locale.

La formation est également un véritable enjeu pour développer le droit des sociétés sur le continent. Une initiative est par exemple menée par le Club Afrique de l’Association française des investisseurs pour la croissance (Afic) pour former et familiariser les entrepreneurs africains à ce type d’opérations.C’est une excellente initiative.

 

Vous vous intéressez aux énergies renouvelables et à l’économie circulaire. Quels sont aujourd’hui les enjeux en Afrique ?


M.P. Les évolutions vont dans le bon sens. Pour accompagner les besoins du continent, de nombreux schémas juridiques (accords sur les tarifs, mécanismes de concession, etc.) ont été mis en place pour favoriser le développement des énergies renouvelables. Si les efforts sont palpables, l’Afrique doit néanmoins s’adapter à sa croissance démographique. Au Nigeria, par exemple, les statistiques prédisent entre 400 et 450 millions d’habitants à horizon 2050 (contre 170 millions aujourd’hui). Le défi de l’Afrique est alors immense : répondre aux besoins énergétiques de ses populations actuelles, mais également de celles à venir.

 

Interview réalisée par Camille Guével 

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