Visant à mieux maitriser le flux migratoire, le projet de loi prévoit de redonner pleine portée au droit d’asile et de conduire une politique de lutte contre l’immigration irrégulière « efficace et crédible ». Un texte qui inquiète les associations.

C’est le projet de loi qui aura sans doute suscité les plus vives réactions depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron. En cause : la distinction entre réfugiés et migrants économiques. Une dichotomie « simpliste et réductrice » selon Amnesty international. Inquiète, l’organisation de défense des droits de l’homme regrette la ligne « dure » du texte. Celui-ci prévoit notamment une réduction du délai de la demande d’asile — passant de 120 jours à 90 — et une augmentation de la rétention administrative, qui pourra s’élever jusqu’à trois mois. Sur ce point, l’association rappelle que « les textes internationaux régissant la détention des personnes prévoit qu’un État ne peut y recourir qu’en dernier recours, si aucune alternative n’est possible et uniquement de façon proportionnée ». Certains intellectuels ont également tiré la sonnette d’alarme. Le prix Nobel de littérature Jean-Marie Gustave Le Clézio dénonce « un déni d’humanité insupportable ». Décidé, le Président évoque de son côté une « confusion » et rappelle que, « sur le sujet migratoire, il faut avoir de la détermination, de l’efficacité et de l’humanité ».

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                       Laurent Chalard (géographe) « C’est du bricolage »

Décideurs. Quel regard, en tant qu’expert, portez-vous sur ce projet ?
Laurent Chalard. Il f
aut dépassionner le débat. Ce projet porte sur l’immigration illégale. Il est logique que l’État légifère sur ce point. Il faut ensuite resituer le contexte. La crise migratoire de l’été 2015 s’est poursuivie sur l’année 2016. Le nombre de migrants illégaux, qu’ils soient des réfugiés ou des migrants économiques profitant de la situation pour entrer sur le territoire de l’Union européenne, a explosé. En distinguant les deux, la loi est en cohérence avec la réalité. Les réfugiés, si leur dossier est valide pourront être accueillis. Les migrants arrivés sur le territoire pour des raisons économiques, eux, seront en revanche expulsés plus rapidement qu’avant.

La texte prévoit une réduction du délai pour les demande d’asile et un allongement des durées de rétention et de détention administrative. Est-ce réellement utile ?
Le gouvernement veut rassurer une partie de la population en donnant une impression de fermeté. Cela relève de la communication électorale. Ce sont quelques solutions, mais c’est surtout du bricolage.

Quelle serait la solution selon vous ? 
L’issue est européenne. Ce projet peut améliorer légèrement les choses mais, sur le fond, il ne changera presque rien. Si le flux s’est réduit ces derniers mois, il reste positif et il n’y a pas de raison qu’il disparaisse totalement. Tant qu’on ne remettra pas en cause l’image de l’eldorado européen véhiculé dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne, certains continueront à vouloir venir, alors qu’ils ne sont en réalité pas les bienvenus. 

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« Avec ce texte, les demandes d’asiles baisseront simplement pour des questions de délais. N’oublions pas que si les demandeurs remplissent les critères, l’État doit les accueillir. C’est une obligation internationale. Rappelons par ailleurs que la rétention administrative, qui sera prolongée si le texte est adopté en l’état, est une détention sans jugement. Mon discours n’est pas sentimental. Je refuse politiquement ce texte » 
Thomas Guénolé – politologue et membre de La France insoumise 

« Nous craignons d’assister à un recul de la dignité humaine. Les migrants économiques et les réfugiés sont avant tout des personnes en déstresse (…) qui doivent être traitées dignement et à égalité avec chacun de nous. Il ne faut pas monter les populations les unes contre les autres. Nous avons aujourd’hui besoin d’une politique globale de lutte contre la précarité. »
Claire Hédon – présidente d’ATD Quart Monde 

 

@CapucineCoquand

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