Conseil historique de groupes comme Hermès, Galeries Lafayette, Etam ou Teleperformance, Philippe Ginestié, associé fondateur du cabinet d’avocat Ginestié Magellan Paley-Vincent, est investi auprès des familles pour protéger leur indépendance et leur culture d’entreprise. Il évoque pour nous le sujet sensible de la gouvernance.

Décideurs. Sous l’impulsion de Geoffroy Roux de Bézieux et de Patrick Martin, le Medef vient de créer un nouveau comité sur la gouvernance des entreprises, destiné à aider les sociétés non cotées sur le sujet. Quel regard portez-vous sur cette initiative ?

Philippe Ginestié. C’est un pas dans la bonne direction. Le Medef est déjà très impliqué sur les questions de gouvernance pour les sociétés cotées dans le cadre des recommendations Afep-Medef. Ces règles sont parmi les plus contraignantes d’Europe et, parfois, trop rigides, les réalités étant très diverses. L’enjeu est ici d’appliquer des règles adaptées aux sociétés non cotées, qui ne soient pas trop dogmatiques. Je mesure très bien la difficulté de prendre des dispositions qui prennent en compte la diversité des situations et qui auront vocation s’appliquer à tous.

Les entreprises familiales ont-elles conscience des enjeux autour de la gouvernance ?

Les entreprises familiales d’une certaine taille ont de plus en plus conscience des enjeux de succès et de pérennité conditionnés par la gouvernance. Les familles travaillent sur l’organisation qu’elles vont donner au pouvoir dans leur entreprise et sur la répartition des rôles entre les membres de la famille. Avec la question fondamentale : quelles conditions pour qu’un membre de la famille travaille dans l’entreprise familiale ?

Lors de notre dernier échange vous nous aviez dit combien « il était fascinant de voir comment les familles ont su maintenir leur culture au fil des générations ». Comment Ginette Moulin, principale actionnaire du Groupe Galeries Lafayette, a-t-elle fait pour maintenir cette culture lorsqu’elle a repris les rênes de l’entreprise ?

Elle a organisé une offre publique d'achat (OPA) pour sortir l’entreprise du marché et pour que la famille puisse contrôler 100 % du capital. C’est évidemment une façon énergique et efficace pour maintenir la culture de l’entreprise. La famille Hermès avait choisi une autre façon de faire, en mettant en place une société en commandite par actions. Cette forme sociétale a permis à la famille de contrôler le commandité et donc l’associé chargé de nommer les managers. Le maintien de la culture de l’entreprise passe ainsi par la mise en œuvre de véritables structures de gouvernance.

« La gouvernance peut influer de manière décisive sur le futur du groupe familial »

Tous les membres d’une famille ne peuvent pas trouver leur place au sein de l’entreprise familiale. Comment s’opère la sélection ?

Un très grand chef d’entreprise avait pour principe de dire : « Les membres de la famille ne rentrent dans le groupe qu’avec le titre de directeur, et ces derniers doivent avoir obtenu un titre équivalent dans un groupe de taille similaire. » C’est une règle exigeante. Les membres de la famille qui intègrent la société sont ainsi respectés par les autres collaborateurs dès leur arrivée. Cela permet aussi d’éliminer les aspects émotionnels de la sélection. Une autre technique consiste à faire appel à un comité de recrutement extérieur, composé par exemple de trois patrons référents dans leur domaine et sans lien aucun avec la famille.

Pour une petite société, se doter d’un outil de gouvernance rime pourtant souvent avec l’adoption de contraintes supplémentaires.

Les familles comprennent de mieux en mieux la nécessité d’établir de bonnes règles de gouvernance. Je fais notamment référence aux situations où la famille doit confier, au moins momentanément, la gestion d’un groupe à un tiers, extérieur. C’est par exemple le cas d’Hermès qui avait notamment nommé Patrick Thomas de 2003 à 2014, avant de confier les destinées du groupe à Axel Dumas, le neveu de Jean-Louis Dumas, membre de la sixième génération Hermès. La transition a été parfaitement gérée et la succession a été assurée avec le plus grand succès.Ce sont des décisions qui ne sont pas toujours naturelles pour une famille.

Les conflits les plus souvent rencontrés opposent-ils les actionnaires familiaux ayant des responsabilités managériales aux actionnaires que l’on pourrait qualifier de « passifs » ?

C’est effectivement une source de tension car ceux qui travaillent dans l’entreprise reçoivent une rémunération, considérée à tort par certains membres de la famille comme une forme d’avantage. Ils préfèrent, le plus souvent, réinvestir les bénéfices réalisés alors que les autres veulent percevoir les dividendes. La rémunération est un sujet très sensible au sein des familles. Les règles de gouvernance peuvent régir les règles de distribution des résultats, par exemple en distribuant un pourcentage des bénéfices et en mettant le reste en réserve. Si l’entreprise le permet, il est essentiel de verser une rémunération correcte des capitaux investis des membres de la famille qui ne travaillent pas dans le groupe.

Propos recueillis par Aurélien Florin

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