Alors que Donald Trump sort de l’été fragilisé au sein de son propre camp comme sur la scène internationale, certains s’interrogent sur sa capacité à se maintenir au pouvoir jusqu’au terme de son mandat. Historienne, politologue spécialiste des États-Unis et auteur des Secrets de la Maison-Blanche (éditions Perrin), Nicole Bacharan revient sur les récents événements qui ont affaibli le Président américain.

 

Ces dernières semaines ont vu le Président américain multiplier les éclats et les maladresses. Son coup de force avec la Corée du Nord a donné le ton.

Le problème avec la Corée du Nord est bien antérieur à l’arrivée de Trump au pouvoir. Mais la façon dont celui-ci a choisi de le traiter a révélé au grand jour la vision simpliste qu’il a du monde et sa méconnaissance totale des usages diplomatiques. Il a procédé avec la Corée du Nord comme il a toujours fait avec ses adversaires en affaires : il a tapé du poing sur la table pour la faire reculer. Mais il n’est plus promoteur immobilier et tout est plus compliqué : il se heurte ici à un régime obscur, isolé et doté de l’arme nucléaire qui le place sur un terrain volatil et face à une personnalité imprévisible. Le scénario redouté par beaucoup étant qu’une menace brutale proférée sur un coup de bluff entraîne une réplique militaire aux conséquences dramatiques. Trump ne semble pas en avoir conscience.

Les émeutes de Charlottesville ont été un autre épisode désastreux de cet été. Que pensez-vous de sa réaction ?

Elle est révélatrice du fait que, bien qu’il s’en défende, Donald Trump est foncièrement raciste. Il a nuancé le message sans ambiguïté porté par des gens qui brandissaient des flambeaux – en référence évidente aux Ku Klux Klan – et s’étaient rassemblés autour de croix gammées et de drapeaux confédérés, c’est inacceptable ! On aurait pu croire que ce serait là l’écart de trop mais non. Il conserve une base solide qui lui reste fidèle, bien qu’il multiplie les maladresses et les provocations.

Pourtant, les lâchages se sont récemment multipliés au sein de son propre camp…

Effectivement et cela le fragilise inévitablement. Il est aujourd’hui très affaibli mais conserve la majorité au sein du Congrès. Le parti républicain espère encore obtenir de lui des lois et des réformes, notamment dans le domaine fiscal. Je dirais qu’aujourd’hui il a deux points faibles majeurs : le premier a trait à ses promesses de campagne - on ignore encore comment il compte tenir celles portant sur des hausses des salaires et de créations d’emplois dans les zones industrialisées du pays -, le second concerne l’enquête en cours sur la collusion avec la Russie. Tout cela fait qu’il est comme assiégé et le rend d’autant plus dangereux. C’est pourquoi il y va de l’intérêt de tous de ne pas l’isoler sur le plan international. Plus il sera affaibli et contesté, plus il sera dangereux.

Comment interpréter le limogeage brutal de Steve Bannon?

Steve Bannon a trop tiré la couverture à lui ; il a bénéficié d’une trop grande couverture médiatique. C’était devenu insupportable pour Donald Trump. À cela s’ajoute le fait qu’il était en guerre avec plusieurs personnalités intouchables de son entourage – dont notamment son gendre – et soupçonné d’être à l’origine de certaines fuites. Sa proximité avec les courants nationalistes blancs a permis à Trump d’en faire un fusible après la polémique liée aux émeutes de Charlottesville.

L’arrivée de John Kelly est-elle de nature à pacifier le climat au sein du gouvernement ?

Il est clair que Trump compte sur Kelly pour mettre de l’ordre à la Maison-Blanche et instaurer une discipline. Son arrivée devrait contribuer à clarifier certains choix politiques et à redonner une forme de cohérence mais, comme le chaos vient du président lui-même et que personne ne peut le discipliner, il n’y a aucune raison pour que les choses changent vraiment. Trump est un homme d’impulsion. Il est imprévisible et brutal. Il  continuera à multiplier les éclats et les volte-face comme il le fait depuis le premier jour de son arrivée au pouvoir. Au point qu’il devient aujourd’hui impossible de distinguer l’incompétence de la provocation.

Propos recueillis par Caroline Castets

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