Malgré le vote du Brexit en juin 2016, les débats sur la Juridiction unifiée du brevet, dont une section de la division centrale sera à Londres, ne sont pas au point mort. Le gouvernement britannique a affirmé fin novembre sa décision de mener à bien le processus de ratification du projet. Michel Abello, avocat et spécialiste des brevets revient sur cette avancée.

Décideurs. La Juridiction unifiée du brevet (JUB), au-delà de l’avancée juridique qu’elle représente, se construit dans un contexte politique compliqué. Quelle est votre vision de ce chantier en cours ?

 

Michel Abello. Ce projet est un beau pari politique et stratégique. L’annonce récente du gouvernement britannique qu’il ratifiera prochainement l’Accord sur la JUB est une heureuse surprise car une juridiction unifiée sans le Royaume-Uni – qui est la troisième place majeure des brevets en Europe - serait nettement moins attrayante. Cette ratification devrait permettre un lancement fin 2017. A terme, il est probable que la JUB entrainera une redistribution du contentieux en Europe, compte tenu de la spécialisation des sections de la division centrale, notamment à l’avantage de Londres (où le contentieux est actuellement très coûteux) et également de Paris qui accueillera le siège (soit environ 55% du contentieux européen en se fondant sur les données statistiques de Darts-IP). L’Allemagne, qui est aujourd’hui l’un des pays référents du contentieux des brevets (juridictions rapides, fiables et pro-brevetés) restera attractive, notamment grâce à ces 4 divisions locales et sa section spécialisée en Mécanique à Munich. Ce rééquilibrage sera probablement bénéfique à l’attractivité de la place européenne pour les grands procès internationaux de brevets..

 

Pouvez-vous, à ce stade, vous prononcer sur les avantages et inconvénients de la future juridiction unifiée ?

 

L’inconvénient principal qui ressort est intrinsèque au caractère unitaire de l’action en nullité du brevet lui-même : cela implique qu’une seule action en nullité pourra entraîner la perte de la protection sur le tout le territoire de l’Union européenne pour le brevet unitaire, mais aussi pour les brevets européens. D’un autre côté, les titres qui auront survécu à une action en nullité jouiront d’une forte protection compte tenu de l’autorité de la chose jugée sur ce même territoire. Il faudra donc réfléchir en amont, dès le dépôt du titre, à l’opportunité d’opter pour un brevet unitaire, ou au moment de la délivrance du brevet européen (ou lors de l’entrée en vigueur de la JUB pour les brevets européens déjà délivrés), d’opter pour un opt-out, en tenant compte de la force du brevet et surtout du secteur d’activité ; une autre stratégie de plus en plus sérieusement envisagée par l’industrie serait de procéder à des dépôts nationaux pour pouvoir continuer à défendre le titre indépendamment devant chaque Etat membre.

 

Comment aller vous accompagner votre clientèle dans les projets de juridiction unifiée et de brevet unitaire ?

 

Nous sommes membre fondateur du réseau UPCLA (Unified Patent Court Lawyers and Attorneys), dont le lancement est prévu pour 2017 (www.upcla.eu). L’objet de ce réseau est de regrouper des cabinets d’avocats et de mandataires en brevets européens qui sont des leaders nationaux en matière de brevet, afin de coordonner des actions devant la Juridiction unifiée. Le fait de regrouper des techniciens et des juristes fait échos à la future composition de la juridiction unifiée. A ce stade, le réseau comprend déjà neuf membres fondateurs  en France, en Suisse, en Italie, en Belgique et au Luxembourg.

 

 

Propos recueillis par Paul Demay

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