Marie Ducastel pilote le troisième groupe de formation professionnelle français. Au cœur de la gestion des talents, la dirigeante revient sur la stratégie d’Abilways sur un marché en tension.

Décideurs. Le CPF peine à porter ses fruits, comment un groupe comme Abilways s'adapte et rebondit ? 

Marie Ducastel. En 2015, la réforme a provoqué un attentisme et une désorganisation du marché. Les clients ont été en suspension pendant plusieurs mois du fait de leur incompréhension et de leurs difficultés à s’approprier le compte personnel de formation. Nous avons récemment interrogé nos clients et prospects sur leur maîtrise du dispositif. Parmi eux, 25 % ne le connaissent pas et 49 % des formés ne savent pas à quoi correspond le sigle CPF. L’objectif de cette loi est d’ouvrir à tous les Français la possibilité de prendre en main sa formation. Cette philosophie, appliquée en Allemagne et dans plusieurs autres pays, va dans le bon sens. Mais le texte ne favorise que les programmes longs et certifiants. Dans le contexte d’obsolescence des connaissances qui est un constat consensuel, ce nouveau système ne répond pas aux enjeux de compétitivité du marché du travail et à l’incidence efficace sur l’employabilité. La loi aurait dû conserver l’éligibilité des formations courtes, indispensables à l’employabilité de tous, des demandeurs d’emploi mais aussi de l’ensemble des actifs. Le problème du chômage n’est pas abordé à travers le bon angle. La question n’est pas économique mais tient au fonctionnement des institutions en charge de la réintégration des personnes en marge de l’emploi. Cette réalité, la réforme ne s’y attelle pas.

 

« 25 % de nos clients ne connaissent pas le compte personnel de formation »

 

Décideurs. Croyez-vous à l’organisme de formation 100 % digital, 100 % ubérisé ?

M. D. Le risque d’ubérisation du marché est possible de maintes façons par de multiples acteurs. Cependant, le relatif échec du e-learning me fait croire qu’on ne peut pas tout digitaliser. L’organisme de formation qui se limite à faire de la mise en relation sera davantage sujet à l’ubérisation. Mais la valeur ajoutée de notre métier consiste à offrir une prestation d’ingénierie et de conseil, à proposer une offre qui relie le besoin des entreprises et les savoirs des experts. Les formateurs sont toujours accompagnés par nos chefs de projet pour adapter leurs contenus et leurs interventions aux spécificités de nos clients. Parallèlement, il ne faut pas confondre la médiatisation digitale des formations et la transformation digitale. Le digital learning est un format qui présente des avantages évidents sur le plan des coûts et de l’accès mais il n’est qu’un moyen. La formation doit rester un domaine mixte pour conserver l’ensemble de ses effets sur la montée en compétences de toutes les populations.

 

Décideurs. Le groupe a lancé le processus vision cette année, quels sont les objectifs d’un tel programme ?

M. D. L’enjeu est de lancer un processus bottom up pour construire et partager la vision de ce qu’on veut être avec tous les collaborateurs. Abilways est une entreprise de services, où tous les acteurs qu’ils soient étudiants, salariés, formateurs ont un lien, une connexion avec le client. Il est donc opportun d’associer tout le monde à la réflexion stratégique du groupe. Le process durera un an et demi. Grâce au processus vision, nous souhaitons transformer l’entreprise sur le plan managérial et travailler sur l’engagement des collaborateurs.

 

Décideurs. Quelles sont vos priorités stratégiques ? 

M. D. Notre objectif est de répondre de manière prospective aux enjeux opérationnels et humains de nos clients. Avant même la construction d’outils, l’acculturation sur l’évolution des compétences est indispensable. Aujourd’hui, certains métiers sont en train de devenir des compétences. Les entreprises et les professionnels ne sont pas assez lucides face à cette réalité. Par exemple, tous les jeunes qui sortiront d’école demain auront un niveau de graphiste junior, quelle que soit leur formation. Par conséquent, les exigences du marché à l’égard du jeune graphiste qui s’est formé spécifiquement à ce métier seront donc plus élevées et nécessitent des formations adaptées. L’autre mission consiste à accompagner les entreprises face à un double constat : des compétences obsolètes de plus en plus rapidement et parallèlement des salariés qui travaillent toujours plus longtemps. Notre rôle est de les aider à capitaliser sur la mixité d’âge et de profils. Certaines missions nécessitent de l’expérience, d’autres de laisser la place aux jeunes. Une réflexion doit être également menée sur l’optimisation des compétences des seniors, auprès desquels il n’est pas forcément réaliste d’exiger les mêmes capacités d’adaptation, au fil du temps. Accompagner les entreprises dans ce nouveau paradigme de gestion des talents est une de nos priorités.

 

Propos recueillis par Alexandra Cauchard 

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