Par Yves Tallendier, avocat associé. Capstan Avocats
Visant notamment à rendre la justice prud’homale plus rapide et plus sûre, le projet de loi n’en a pas moins soulevé une certaine opposition dans le monde de la prud’homie. Introduit-il un véritable bouleversement, ou s’agit-il d’un simple toilettage de façade ?

Avec toutes les réserves qu’impose l’analyse d’un texte en cours d’adoption, un rapide tour d’horizon des principales évolutions prévues n’est pas sans intérêt, pour tenter d’en mesurer les incidences futures.

Le statut des conseillers prud’hommes est précisé
Les conseillers exercent leurs fonctions en toute indépendance, impartialité, dignité et probité. Ils doivent se comporter de façon à exclure tout doute légitime à cet égard, et notamment s’abstenir de tout acte ou comportement public incompatible avec leurs fonctions. On n’en attendait pas moins, même si le caractère subjectif de ces principes doit être simultanément souligné.
Les manquements éventuels peuvent être déférés à une commission nationale de discipline, créée par le texte, dont la saisine est réservée au ministre de la Justice et au premier président de la cour d’appel dans le ressort de laquelle siège le conseiller visé, après qu’il l’ait entendu. Les sanctions éventuelles vont du blâme à la déchéance, assortie d’une interdiction définitive d’exercer les fonctions de conseiller prud’homme. Soulignons enfin que le premier président de la cour d’appel bénéficiera d’un droit propre lui permettant de rappeler à leurs obligations les conseillers exerçant dans le ressort de sa cour, en dehors de toute action disciplinaire.
Une formation, tant initiale que continue est également prévue, et la soustraction à la première d’entre elles, dans un délai à fixer par décret, conduira à considérer le conseiller comme démissionnaire.
Enfin, toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions est interdite aux conseillers… mais à la condition que le renvoi du dossier risque d’entraîner des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d’une partie. Ces dernières notions étant susceptibles d’interprétations divergentes, la portée réelle de cette disposition apparaît encore bien incertaine.

Les pouvoirs du bureau de conciliation sont élargis
Point d’entrée dans la procédure, il devient un bureau de conciliation et d’orientation, chargé avant tout de concilier les parties, qu’il peut désormais entendre séparément et de manière confidentielle. Si la conciliation n’aboutit pas, plusieurs options lui sont offertes :

- Si le litige porte sur un licenciement ou une demande de résiliation judiciaire, il peut renvoyer les parties devant la composition restreinte du bureau de jugement, qui devra alors statuer dans un délai de trois mois. Un tel renvoi est cependant subordonné à l’accord des parties ;

- Si les parties le demandent, ou si la nature du litige le justifie, il peut renvoyer l’affaire directement devant le bureau de jugement présidé par le juge départiteur, qui est désormais un magistrat du tribunal de grande instance désigné notamment en fonction de ses aptitudes et connaissances particulières ;

- Dans tous les autres cas, l’affaire sera renvoyée devant une formation de jugement identique à celle qui existe aujourd’hui, composée de deux conseillers prud’hommes employeurs, et de deux conseillers prud’hommes salariés.

On doit ici constater que les nouveautés procédurales introduites par le texte sont devenues, au fil des amendements, purement optionnelles et subordonnées à un double consentement : celui des parties d’une part, et celui de la juridiction d’autre part. Seule demeure l’hypothèse d’un litige dont la «?nature?» justifierait qu’il soit directement renvoyé devant le bureau de jugement présidé par le juge départiteur qui, selon le texte, n’est subordonné ni à la demande ni à l’accord des parties, et peut donc intervenir à la seule initiative du bureau de conciliation. L’interrogation est cependant permise sur les critères qui permettront d’identifier un litige de telle «?nature?».
De manière générale, le bureau de conciliation et d’orientation se voit encore attribuer la mise en état de l’affaire. Cette pratique, déjà répandue dans certaines juridictions, est consolidée par le texte qui retient la possibilité de désigner un ou deux conseillers rapporteurs dans ce but : ils pourront prescrire toutes les mesures nécessaires à la mise en état. à cet effet, ils peuvent demander aux agents de contrôle (1) les renseignements et documents relatifs au travail dissimulé, au marchandage ou au prêt illicite de main-d’œuvre.
Enfin, si l’une des parties ne comparaît pas, sauf motif légitime, le bureau de conciliation et d’orientation peut juger l’affaire sur le fond, sur la base des pièces et des moyens que la partie comparante aura communiqué de manière contradictoire. La vigilance sera donc de mise sur ce point, car l’appréciation de la légitimité du motif de l’absence fluctue parfois de manière significative d’un conseil de prud’hommes à l’autre.

Un nouveau mandat est créé : le défenseur syndical
Le défenseur syndical sera inscrit sur une liste arrêtée par l’autorité administrative, et disposera d’un crédit mensuel de dix heures pour exercer sa mission dans les établissements d’au moins onze salariés. La rémunération sera maintenue par l’employeur, et remboursée par l’état. Sur demande de sa part, il bénéficiera par ailleurs d’une autorisation d’absence –?rémunérée?– pour les besoins de sa formation, dans la limite de deux semaines par période de quatre ans.
Le défenseur syndical est un salarié protégé dans l’entreprise qui l’emploie, avec toutes les conséquences qu’un tel statut emporte habituellement en cas de rupture ou de transfert du contrat de travail, pour lesquels l’autorisation préalable de l’inspecteur du travail sera requise.

Un barème d’indemnisation indicatif… ou impératif
Un référentiel d’indemnisation indicatif, prenant notamment en compte l’âge, l’ancienneté et la situation du demandeur en matière d’emploi, sera établi selon des modalités prévues par décret : le juge pourra s’y référer s’il le souhaite.
Toutefois, si les parties en font conjointement la demande, l’indemnisation éventuellement due sera fixée par la seule application de ce référentiel.

(1) Il s’agit des agents visés à l’article L 8 271-1-2 du code du travail : inspecteurs et contrôleurs du travail, officiers et agents de police judiciaire, agents des impôts et des douanes, agents des organismes de sécurité sociale…

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