Loin d’être de simples investisseurs, les « third party funders » sont à la fois conseillers de leurs clients et garants de l’exécution des sentences de leurs adversaires. Une activité controversée qu'une majorité d'acteurs voudrait voir mieux régulée.

Apparu pour la première fois dans les années 1990 en Australie, le third party funding (TPF) n’a commencé à se développer en France qu’au début des années 2010 et reste peu connu. « Le tiers financeur porte les coûts de la procédure pour son client. Il va par exemple financer les honoraires des avocats, des experts, des arbitres, sans recours en cas de sentence défavorable ou d’impossibilité d’exécuter contre le débiteur. Il n’est pas partie à l’arbitrage et n’a pas d’intérêt préalable dans le litige, explique Alain Grec, directeur général de La Française International Claims Collection. Nous avons une activité similaire aux fonds d’investissement en “private equity”. Une différence est que nos investisseurs ne connaissent pas quels dossiers leurs capitaux permettent de financer, à cause du caractère confidentiel de la plupart des arbitrages. »

 

Une activité peu réglementée

Ni assureur, ni prêteur, le tiers financeur choisit cependant ses dossiers avec soin. Car sa rémunération est conditionnée à l’issue favorable de la procédure pour la partie financée, et peut atteindre deux à trois fois la mise de départ. Interdit dans certains pays comme l’Irlande et Singapour, encadré en Allemagne ou en Suisse, le recours à un tiers financeur n’est soumis à aucune réglementation en France. Pour cette raison, « il faut bien choisir la juridiction qui va régir le contrat entre le client et le third party funder », analyse Joël Alquezar, associé du département contentieux et arbitrage international du cabinet King & Spalding. Mais également sélectionner son partenaire avec soin, ajoute Vanessa Benichou, associée du même département : « Les équipes du TPF sont très importantes car elles vont mener un audit avant de donner leur accord pour financer la procédure. Leur sérieux permettra de dire si oui ou non les chances de succès sont importantes. »

 

Définir la relation

Si son conseil est précieux, le tiers financeur ne doit pas pouvoir s’immiscer dans les choix de son client. « Les conflits d’intérêts entre le client et le financeur peuvent intervenir dans le cadre du choix des arbitres, des experts, des avocats, détaille Vanessa Benichou. Le contrat doit être bien ficelé pour que le third party funder soit source de conseil mais ne puisse pas imposer ses vues. » S’il n’a pas vocation à avoir une influence sur la procédure, le tiers financeur constitue en revanche un atout précieux pour aider à l’exécution de la sentence financière en cas de victoire de la partie financée. « On estime entre 20 % et 25 % le nombre des sentences d’arbitrage qui ne seraient jamais exécutées », indique Alain Grec. Mais courir après des États ou des grandes entreprises n’est pas chose aisée. « Il faut identifier leurs points de vulnérabilité et les actifs qu’ils détiennent dans des pays de droit. L’idée est de mettre en œuvre des stratégies de recouvrement légales visant ces points et ainsi convaincre le débiteur d’honorer sa dette », poursuit-il. Ce qui lui permet d’optimiser les chances du client, en cas de victoire, de voir sa sentence transformée en cash. 

 

Révéler ou ne pas révéler

En 2009, il existait moins d’une dizaine d’acteurs spécialisés dans le monde. Aujourd’hui, on en compte environ soixante-dix, dont douze sont implantés en Europe. Le recours à ce type de financement est pourtant loin de faire l’unanimité. La question de la révélation de la présence d’un tiers est l’un des points qui cristallisent le débat. « Certains arbitres ne souhaitent pas connaître la présence d’un tiers financeur pour ne pas être influencés. D’autres au contraire veulent le savoir pour s’assurer une vision la plus claire possible de la situation, explique Alain Grec. L’adversaire souhaite également exploiter ce genre d’information de façon tactique. » Certains arbitres, comme le Suisse Laurent Lévy, qui a arbitré l’affaire des frégates de Taïwan, ont notamment exprimé leur préférence à l’ignorance. « La révélation de l’existence d’un tiers peut par exemple donner au marché le signe de la mauvaise santé financière de l’entreprise », explique Vanessa Benichou. Mais la tendance est plutôt à la révélation : « Les accords et projets d’accords les plus récents, comme le Tafta ou l’accord UEEA-Vietnam, incluent l’obligation de révéler la présence d’un tiers, mais pas de dévoiler le contrat qui le lie avec la partie », détaille Joël Alquezar. Selon une étude menée en 2015 par l’université Queen-Mary de Londres et le cabinet White & Case, 71 % des acteurs du secteur souhaiteraient que le TPF soit mieux régulé. Ils sont également une majorité à penser qu’il devrait être obligatoire, dans le cadre de procédures internationales, de dévoiler la présence et l’identité d’un tiers financeur.

 

Camille Prigent

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