La peur du nucléaire ne s’est pas encore dissipée que celle des robots tueurs émerge déjà. 114 dirigeants spécialisés dans l’intelligence artificielle ont envoyé une lettre ouverte à l’Onu pour militer contre le développement de ces armes autonomes, fléau présenté comme "la troisième révolution des techniques de guerre". Si l'opposition continue de s'organiser, les mesures concrètes se font encore attendre.

« Nous n’avons pas beaucoup de temps pour agir ». Le ton est volontairement alarmant, voire apocalyptique, pour éveiller l’intérêt des grands de ce monde. Dans une lettre ouverte adressée le 21 août 2017 à l’Organisation des Nations Unies, 114 dirigeants d’entreprises spécialisées dans l’intelligence artificielle dénoncent les brefs délais dont disposent les puissances gouvernementales pour entraver le développement des armes autonomes, aussi appelées robots tueurs. Parmi les signataires, quelques noms connus du grand public comme celui d’Elon Musk, fondateur de Tesla et de SpaceX, offrent une notoriété médiatique à ce projet. Six Français ont également apposé leur paraphe sous le texte, dont Jérôme Monceaux, cofondateur d’Aldebaran Robotics. Le Japon, pays à la pointe de ces technologies, ne compte qu’un seul représentant dans cette liste, alors qu’aucune entreprise coréenne n’a répondu à l’appel.

Un usage inconscient des progrès de la science fondamentale

Avec l’intensification récente des efforts de recherche portant sur la robotique et l’apprentissage automatique, ces programmes informatiques apprenant sans intervention humaine, l’industrie de l’armement est promise à une révolution prochaine. Les films de science-fiction comme Terminator ou les vidéos publiées par Boston Dynamics offrent un aperçu des potentialités de ces automates destructeurs. Dans certaines régions du monde, des modèles futuristes sont d’ores et déjà déployés et préfigurent les conflits de demain. Ainsi, aux frontières de la zone démilitarisée entre les deux Corées, Séoul a installé des Samsung SGR-A1, un type de robot militaire sentinelle qui remplace les soldats de l’armée nationale. Encore sous le contrôle d’un opérateur humain, cette arme peut automatiquement identifier et éliminer une cible. Le temps est donc compté avant de voir apparaître une machine dévastatrice et parfaitement autonome. Des experts cités par le quotidien britannique The Guardian parlent de quelques années et non plus de décennies, avant d’arriver à un tel résultat.

« Elles peuvent être des armes terrifiantes, des armes que des dictateurs et des terroristes utilisent contre des populations innocentes, et des armes piratées à des fins funestes », font savoir les signataires de la lettre. Il apparaît donc vital selon eux d’interrompre l’élaboration des robots tueurs avant que ces derniers ne prolifèrent. Les experts de l’univers sont formels : « Dès que cette boîte de Pandore sera ouverte, elle sera difficile à refermer ». Une course à l’armement est à craindre si jamais cette technologie venait à se déployer dans une partie du monde. C’est pourquoi l’Onu s’est saisi du problème et a établi un groupe d’experts gouvernementaux en 2016 pour se pencher sur la question. Cette décision, saluée dans la lettre ouverte des 114 spécialistes, n’a pas encore été suivie des faits puisque la première réunion de ce groupe a été reportée de trois mois et se déroulera en novembre 2017.

Les actions se multiplient face à cette menace

L’ONG Human Rights Watch, dédiée à la défense des droits de l’Homme et lauréat du prix Nobel de la paix en 1997, avait été la première à sonner l’alarme. HRW fait partie des cofondateurs du site Stopkillerrobots.org qui agrège les différentes actions menées dans le cadre de la campagne visant à bannir le développement de robots tueurs. L’opinion publique semble acquise à cette cause à l’heure où 47 % des Français affirment avoir peur de l’intelligence artificielle, dans un sondage réalisé par Odoxa en mars 2017.

En 2015, plus d’un milliers d’experts, de chercheurs et de scientifiques avaient déjà signé une lettre ouverte ayant pour but de mettre en lumière le développement de ces technologies autonomes. Le physicien Stephen Hawking, le cofondateur d’Apple Steve Wozniak et une nouvelle fois Elon Musk figuraient parmi ces spécialistes engagés.  

Thomas Bastin (@ThBastin)

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