La Commission européenne a lancé en grandes pompes Galileo, son système de positionnement par satellite. Toutes les fonctionnalités de ce projet alternatif au GPS américain ne seront opérationnelles qu’en 2020, lorsque les trente satellites du programme seront en orbite. Cette mise en marche reste un succès symbolique aux nombreuses retombées stratégiques.

Les étoiles du drapeau européen ont retrouvé quelque peu d’éclat ce jeudi 15 décembre. Dix-sept ans après la première conférence imaginant un GPS libéré de la tutelle américaine, le système de positionnement par satellite Galileo a été officiellement lancé par la Commission européenne. Composé pour l’heure de dix-huit satellites en orbite haute, à une altitude de 23 000 kilomètres autour de notre planète, la constellation complète devrait comprendre trente satellites d’ici à 2020 pour une utilisation civile, commerciale mais aussi militaire. Le démarrage de l’exploitation de ce programme soulève un élan d’enthousiasme dans les sphères politiques, économiques et scientifiques.

 

De nombreux obstacles à dépasser

 

Il faut dire que l’étendue des difficultés surmontées offre une saveur particulière à ce lancement officiel. Si l’étude technique du projet date de 1999 (soit trente ans après celle menée par les États-Unis), le premier accord-cadre entre l’Union européenne et l’Agence spatiale européenne a dû attendre 2003. Entre temps, plusieurs obstacles ont obstrué la rampe de lancement du projet, au premier rang desquelles on trouve les divisions internes entre les États-membres. Le partage des contributions financières et productives ainsi que la distribution des responsabilités ont été au centre de nombreux débats. À la suite des attentats du 11 septembre 2001, la crispation américaine sur les technologies à usage militaire et le lobby de Washington pour conserver un monopole dans la mesure de l’espace n’ont pas non plus aidé.

 

En avril 2008, la gestion de ce projet se fluidifie enfin lorsque le Parlement européen approuve un financement entièrement public du programme. Finalement, près de six ans de retard se sont accumulés et le budget alloué a dû être multiplié par trois. Selon la Cour des comptes, 13 milliards d’euros (dont 2,45 milliards pour la France) ont été nécessaires pour arriver à l’aboutissement de cette initiative européenne. Après le Brexit et les tensions entre États liées à la crise migratoire, cette réalisation commune a la valeur d’un symbole fort. El?bieta Bie?kowska, commissaire notamment en charge de l’industrie s’en est félicitée : « l'offre de services initiaux de Galileo est une avancée majeure pour l'Europe et le premier aboutissement de notre récente stratégie spatiale. […] Aucun pays européen n’aurait pu faire cela tout seul. »

 

Des marchés lucratifs en croissance

 

Après le GPS américain, le Glonass russe et le Beidou chinois, le programme Galileo est le quatrième système de positionnement opérationnel dans l’espace. Ce retard a soulevé de nombreuses critiques sur les politiques de coopérations entre les États, mais il est aussi à la source d’importantes avancées technologiques. En effet, durant ce laps de temps, les ingénieurs européens ont pu peaufiner un programme résolument moderne. Le réseau européen jouira ainsi d’une précision dix fois supérieur au GPS américain, promettant une localisation au mètre près. Le temps de transmission de l’information sera aussi plus rapide et le signal pourra être authentifié pour éviter les leurres.

 

Avec la diffusion des objets connectés et la prolifération annoncée des voitures autonomes, les calculs de latitude, de longitude et d’heure vont être au cœur de marchés stratégiques. Selon la Commission européenne, Galileo pourrait générer des revenus à hauteur de 90 milliards d’euros en vingt ans. Les enjeux économiques sont transversaux et concernent de nombreux segments d’activité. « Quelque 10% du PIB européen dépend aujourd'hui des systèmes de positionnement par satellites et d'ici 2030, ce pourcentage pourrait grimper à environ 30 % », selon le Cnes, l'agence spatiale française. Les principaux usages hors militaire se concentrent dans le sauvetage en milieux hostiles (mer, montagne, forêt), la gestion de réseau d’énergie intelligent et connecté ou encore la gestion de sinistre. Pour compléter la constellation satellitaire, les infrastructures au sol sont également opérationnelles et dix-sept fabricants de puces réceptrices se sont déjà positionnés pour accompagner le développement de ce nouveau réseau. Seul un smartphone produit en Espagne est actuellement équipé pour utiliser ce système de positionnement européen. D’autres produits devraient vite étoffer la liste. Les constructeurs de téléphones et d’automobiles seront parmi les premiers sollicités afin d’installer des puces compatibles.

 

Enfin, un enjeu géopolitique est également à souligner. Après les révélations d’Edward Snowden sur le système de surveillance généralisée instauré par l’agence de renseignement américain, il était impératif pour l’Europe d’être autonome en matière de système de localisation. Soucieux de ne pas se laisser distancer, le gouvernement américain a déjà commandé la prochaine génération de GPS, dénommée GPS III. Plus de trente-deux mois de retard ont été accumulés dans la production du premier satellite à être lancé dans l’espace, alors que la première mise en orbite est prévue pour le 3 mai 2017.

 

 

Thomas Bastin

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