L'intitulé du poste est clinquant et continue d'évoquer une créativité et une force d'analyse stratégique pour l'entreprise. Toutefois, le directeur marketing n'est plus aussi présent qu'autrefois dans les comités exécutifs des groupes cotés et souffre d'un déficit de confiance auprès des directions générales. Face à la pression des CDO et directeurs de la com, la profession se réinvente pour justifier sa plus-value.

« Marketing is dead ». Ce titre sous forme d’annonce nécrologique a fait sensation il y a cinq ans lorsque Bill Lee, président du Forum de la référence client, enterrait le marketing traditionnel dans la Harvard Business Review en août 2012. L’article clouait au pilori les méthodes consacrées autour de la publicité, des relations publiques, de l’image de marque et de la communication corporate qui ne prenaient pas en considération l’accumulation nouvelle de connaissances et le règne des consommateurs. Le manque d’attention des acheteurs aux signaux des marques mais aussi la faible crédibilité commerciale des chief marketing officers (CMO) auprès de leur direction et l’absence de considération des réseaux sociaux constituaient les étapes clés de ce chemin de croix.

Un prestige vacillant

Qu’en est-il aujourd’hui ? Le poste demeure prestigieux dans les mentalités, au même titre que les directeurs financiers ou les directeurs des ressources humaines. À la tête d’activités vitales pour les sociétés, les directeurs marketing ont toujours pour rôle de faire rayonner leurs produits, de prévoir et de stimuler les besoins des acheteurs tout en adaptant les canaux de vente et les caractéristiques de leur offre. La nouvelle étude de Forbes, publiée en juillet 2017 et consacrée aux directeurs marketing les plus influents du monde, souligne l’aura dont continue de bénéficier la profession. Dans l’introduction de leurs travaux, les enquêteurs mettent en lumière les nouvelles perspectives du métier où la simple transmission des messages de l’entreprise ne suffit plus à définir l’importance inédite des CMO. De plus en plus liées à l’engagement des consommateurs vers l’acte d’achat final, leurs initiatives sur les terrains physiques et digitaux s’avèrent décisives. Et pourtant…

Lorsque l’on passe au crible la composition des comités exécutifs des sociétés du CAC 40, les directeurs marketing brillent surtout par leur absence. Seule une société sur quatre a nommé un CMO au sein de son organe de prise de décision stratégique. En comparaison, la fonction finance est représentée dans l’ensemble des Comex tandis que le DRH est présent à trente-cinq reprises. Les directeurs de l’innovation/R&D mais aussi les directeurs de la stratégie et les directeurs juridiques sont eux aussi plus nombreux que les directeurs marketing dans ces instances dirigeantes du CAC 40. Le relatif effacement de cette fonction support s’explique en partie par la présence de directeurs de la communication ou du digital dans quelques cas. La fonction se renomme parfois, mais elle perd aussi et surtout de sa substance. Au-delà d’évolutions terminologiques, la source du problème semble d’abord résider dans le champ de responsabilités des marketeurs ainsi que dans leurs relations avec la direction générale.

L'instabilité comme symbole d'un désarroi

C’est ce qu’expliquent Kimberly Whitler et Neil Morgan dans leur article « Pourquoi les directeurs marketing ne durent qu’un temps ? », publié dans la Harvard Business Review de l’été 2017. On y apprend notamment que 53 % des CMO tiennent leur position depuis moins de trois ans. Cette rotation, largement supérieure aux roulements des DAF ou DRH, se justifie par une distribution inappropriée des responsabilités et par une inadéquation entre les attentes pressantes du directeur général et les moyens alloués à cette direction. Les directeurs marketing sont toujours plus nombreux à se concentrer sur la stratégie de marque et sur les actions à mener pour gonfler les ventes, notamment à travers le digital, les réseaux sociaux, la publicité, les événements et les partenariats. Ce prisme commercial a pris le dessus sur la vision stratégique qui pouvait conduire, encore il y a peu, les directeurs marketing à proposer des évolutions dans les produits et des innovations dans les services afin de mieux répondre aux attentes des consommateurs. Si l’on espère de grands bouleversements d’un CMO, encore faut-il qu’il puisse exprimer sa créativité sur des segments à forts enjeux pour la société. Sans responsabilité au niveau des pertes et profits, le directeur marketing voit son importance décroître à grande vitesse. Jusqu’à s’éteindre définitivement ? L’impact de ce métier sur les performances de la marque doit être remis au goût du jour. Il est devenu impératif de démontrer que si le marketing meurt, c’est l’entreprise qui peut aussi trépasser.

 

Thomas Bastin (@ThBastin)

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