La réforme de la procédure d’inaptitude promettait simplification et clarification qui ne pouvaient que satisfaire employeur, salarié et médecin du travail, tant cette procédure était synonyme de chausse-trappes et d’insécurité. Or, si un réel souci de réalisme et une volonté de concertation peuvent être constatés, cette nouvelle procédure engendre nombre d’incertitudes et d’incompréhensions.

Par Caroline Horny, avocate et associée. Bureau Lexavoué

Le législateur donne pour la première fois une définition de l’inaptitude, cette dernière s’appréciant par rapport au poste occupé : « Le médecin du travail qui constate qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n’est possible et que l’état de santé du travailleur justifie un changement de poste déclare le travailleur inapte à son poste de travail » (C. trav., L 4624-4).

Une seule visite est désormais nécessaire, sauf décision contraire du médecin du travail ; dans ce cas, la seconde visite doit avoir lieu dans un délai de quinze jours maximum (et non plus minimum).

Après examen médical du salarié, réalisation d’une étude de poste et échange par tout moyen avec l’employeur, le médecin du travail pourra alors se prononcer sur l’aptitude du salarié (C. trav., art. R. 4624-42).

De réels efforts de simplification mais insuffisants

Ces conditions sont cumulatives mais doivent-elles être réalisées selon cette chronologie ? En outre, l’article R 4624-42 du code du travail impose également un échange entre le salarié et le médecin du travail afin de recueillir les observations du salarié sur les avis et proposition du médecin du travail. Cet échange ne peut donc avoir lieu qu’après étude du poste. Cette chronologie imposerait donc un second rendez-vous et aboutirait en pratique au maintien de la seconde visite. Si cette volonté de concertation est louable, il est à craindre que le médecin du travail suive en pratique la même procédure qu’auparavant et se heurte aux mêmes écueils.

L’avis sera rendu sur un formulaire (C. trav., art. R. 4624-57), le médecin du travail devant l’avoir « éclairé par des conclusions écrites, assorties d’indications relatives au reclassement du travailleur » (C. trav., art. L. 4624-4). L’ensemble des contraintes précitées laisserait espérer que l’employeur n’ait plus à se débattre avec les casse-tête générés par certaines rédactions d’avis d’inaptitudes et plus encore d’aptitudes avec réserves. Or, aucune sanction n’accompagne ces contraintes et laisse donc augurer les mêmes difficultés pour l’employeur.

La procédure de contestation de l’avis d’inaptitude est très certainement le point qui a suscité – à raison – le plus de critiques. En effet, c’est désormais le conseil de prud’hommes qui est compétent et la contestation ne pourra porter que sur des éléments médicaux. Cette contestation se résume ainsi dans les faits à la demande de désignation d’un expert judiciaire. Mais quelle est la « partie perdante » devant assurer les frais d’expertise ? Et ce, d’autant plus que ce n’est pas le rapport de l’expert qui se substitue à l’avis d’inaptitude ou d’aptitude, mais le nouvel avis qui sera pris par le médecin. Quid également des autres contestations, hors les points médicaux et notamment les possibilités logistiques d’aménagements de postes ? Ainsi, les projets d’ordonnances Macron prévoient une consultation du médecin inspecteur du travail et non plus une désignation d’un médecin expert.

Le reclassement, point noir de la procédure

On aurait alors pu espérer que l’obligation de reclassement, cristallisation du stress de l’employeur en la matière, aurait été allégée de manière conséquente.

Il est vrai que le nouveau texte prévoit une dispense, dont l’importance doit être soulignée. En effet, l’article L 1226-2-1 du code du travail prévoit que si le médecin indique de manière expresse que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tour reclassement dans un emploi », l’employeur peut rompre le contrat. Cette modification est notable et devrait permettre de mettre un coup d’arrêt à l’incohérence posée par la jurisprudence qui voulait que, même si le salarié était déclaré « inapte à tout poste dans l’entreprise », l’employeur devait néanmoins chercher à le reclasser. Néanmoins, rien n’indique qu’une nouvelle construction jurisprudentielle ne viendra pas obliger l’employeur à tenter de reclasser le salarié, ces mentions rappelant les cas « d’inaptitude à tout poste » et « de danger immédiat ». Et l’employeur, qui doit notifier au salarié en cas de licenciement pour inaptitude les motifs de l’impossibilité de reclasser, doit-il informer le salarié de l’impossibilité engendrée par cette dispense ? Par prudence, on conseillera d’écrire au salarié pour l’informer des conséquences de cette dispense.

De la même façon, ce même article prévoit que l’employeur peut rompre le contrat en cas de refus « par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions ». Ainsi, dans tous les cas où l’obligation de reclasser subsiste, une seule proposition de reclassement suffirait et, en cas de
refus, l’employeur ne serait pas obligé de refaire une nouvelle recherche. Mais là encore, la plus grande prudence est de mise : en effet, plusieurs postes peuvent être attachés au même emploi et le salarié pourrait invoquer que la proposition de poste a été ciblée de manière à rendre le refus du salarié inévitable. Il semble donc prudent de faire une recherche complète de reclassement et de proposer l’ensemble des postes vacants et répondant aux instructions du médecin du travail. Enfin, si l’employeur devrait pouvoir faire cette recherche de reclassement uniquement dans l’entreprise et non dans le groupe – puisqu’il est simplement fait état de « l’emploi » et non d’entreprise ou de groupe –, des difficultés d’inter­prétation pourraient survenir. Ces difficultés devraient être aplanies puisque les projets d’ordonnances Macron envisagent de codifier la jurisprudence existante sur le périmètre de reclassement.

Les plus grandes vigilance et prudence restent indispensables

Il faut enfin mettre au crédit du législateur la volonté d’uniformisation de la procédure entre inaptitude d’origine non professionnelle et professionnelle et notamment la consultation des délégués du personnel, même si aucune sanction n’est prévue en cas d’inaptitude non professionnelle. Cette nouvelle obligation imposera en revanche d’autant plus aux employeurs d’être à jour en matière d’IRP…

La réforme de l’inaptitude ne remplit ainsi pas toutes ses promesses de simplification et de clarification. À notre sens, la plus grande prudence s’impose donc dans la mise en place de cette nouvelle procédure, en s’appuyant sur la jurisprudence antérieure.

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