La Ville de Paris a sommé fin juin Numericable-SFR de lui payer des arriérés de redevance pour un montant de 8,37 millions d’euros. Ce nouveau grain de sable donne à voir les limites de la méthode Drahi.
La mairie de Paris a adressé le 26 juin dernier un courrier à Numericable l’enjoignant de régler ses arriérés de redevance s’élevant à 8,37 millions d’euros. La ville reprochait au câblo-opérateur de ne pas s’être acquitté de l’ensemble des sommes qu’il devait lui verser pour la mise à disposition de locaux techniques. À défaut de règlement, Paris avait menacé de couper la télévision et l’Internet aux abonnés de Numericable le 10 août prochain.

Le différend ne date pourtant pas d’hier. En 2009, l’opérateur de Patrick Drahi refuse de signer une convention, pourtant acceptée par ses concurrents, revoyant à la hausse les tarifs de ses redevances. Selon Anne Hidalgo, les loyers versés par Numericable auraient dû augmenter de 62 772 euros par an, ce qui n’a pas été le cas. Le groupe a contesté l’augmentation car il souhaitait payer uniquement pour la surface réelle utilisée. Demande à laquelle la collectivité ne pouvait accéder sans en faire bénéficier les dix-sept autres opérateurs, et par conséquent se priver de sommes importantes. Après avoir déposé plusieurs recours devant la justice administrative, l’opérateur a dû plier et s’est engagé à solder l’intégralité de ses impayés.

Prochainement, une nouvelle convention devrait être signée entre la Ville et Numericable-SFR pour adapter le loyer à l’occupation réelle de l’espace. Un accord convenable pour ce dernier qui doit faire face à d’autres différends : les Hauts-de-Seine lui réclament 96,7 millions d’euros de pénalités pour les retards constatés sur le déploiement de la fibre optique.

Patrick Drahi, l’hyperphage

L’homme d’affaires enchaîne les cafouillages. Le 23 juin dernier, Martin Bouygues, P-DG du géant du BTP, a refusé de lui céder sa division télécoms, malgré une offre alléchante fixée à dix milliards d’euros. Jusqu’à présent, aucun obstacle n’avait véritablement entravé la route du bouillonnant milliardaire franco-israélien. Si ce n’est, peut-être, le rachat par John Malone de Time Warner Cable sur lequel M. Drahi espérait mettre la main.

Sa holding Altice est le fruit de vingt années de fusions-acquisitions successives. L’homme d’affaires est aujourd’hui à la tête d’un puissant groupe médias, Altice Media Group, qui rassemble Libération et L’Express. À cette boulimie médiatique s’ajoute la percée foudroyante dans les télécoms de celui qui était il y a deux ans encore un « nobody ». Tout est allé très vite. Le 2 juin dernier, Numericable-SFR finalise l’acquisition de l’opérateur portugais, Portugal Telecom, pour 7,4 milliards d’euros. Mi-mai, le patron français a déjà posé ses jalons aux États-Unis en rachetant pour 6,7 milliards de dollars 70 % du câblo-opérateur américain Suddenlink. En France, Virgin Mobile et SFR sont tombés dans son escarcelle après que l’homme d’affaires a mené une véritable blitzkrieg au détriment de Bouygues Telecom.

Cette succession d’acquisitions ne va pas sans impacter la santé financière du groupe. Pour financer ces opérations, Patrick Drahi a recours à l’endettement : la dette de son groupe s’établit à trente-trois milliards d’euros pour une valorisation en Bourse portée à trente-deux milliards d’euros. Des sommes colossales qui cristallisent l’anxiété, notamment celle du gouvernement français : « Il faut faire attention à ne pas fonder un empire sur le sable de l’endettement », a mis en garde le ministre des Finances, Michel Sapin, sur RFI en juin dernier. Si certains parlent de « bulle Altice », les ratios d’endettement du géant demeurent stables à quatre fois le résultat d’exploitation et ce, grâce aux marges dégagées par les sociétés acquises.

Nombre d’experts estiment toutefois que ces ratios, s’ils sont soutenables par des opérateurs du câble, le sont beaucoup moins pour des acteurs de la téléphonie mobile. Un avertissement pour le boulimique milliardaire qui, loin de s’en alarmer, lorgnerait déjà sur sa prochaine cible : l’opérateur de télécommunications néerlandais KPN.

Sophia Sanni Soulé et Émilie Vidaud

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