Par Patrice Grenier, avocat associé. Grenier Avocats
La proposition d’expertise du cabinet Grenier Avocats s’articule autour de la prévention juridique de l’ensemble des contrats liés à la maîtrise des risques. Nous accompagnons nos clients sur les risques auxquels ils sont confrontés et nous les sensibilisons sur les nouveaux en leur proposant de nouvelles stratégies d’appréciation à travers une vision et une analyse tournées vers l’avenir.

A périmètre constant, la gestion de la garantie des risques d’une entreprise évolue chaque jour, que ce soit par l’évolution des risques eux-mêmes ou par celle des techniques de garantie proposées sur les différents marchés. Lorsque le périmètre varie, cette évolution s’accélère et l’impact sur les risques garantis doit être appréhendé le plus tôt possible.

Un enjeu complexe
Dans leurs opérations de M&A, les entreprises associent très en amont leurs directions juridiques dans la définition de la stratégie globale de l’opération, puis dans la stratégie juridique et la recherche d’une optimisation. La direction juridique est donc associée à une approche globale qui le plus souvent revêt un caractère confidentiel, cette confidentialité étant parfois une condition essentielle pour la réalisation de l’opération. Les discussions portent alors principalement sur les enjeux financiers et les mécanismes juridiques et leurs supports qui seront mis en place pour faciliter et optimiser l’opération. Les projets d’actes, notamment le SPA, sont établis à un moment où l’opération est toujours couverte sur le sceau d’une confidentialité la plus grande, et la question des risques notamment techniques et des garanties prises pour s’en prémunir n’est réellement discutée avec les directions des assurances que dans une seconde phase. Cette situation est inévitable, mais crée un retard au détriment des fonctions assurances des entreprises qui doivent pourtant veiller à assurer une conformité de l’opération par rapport à des problématiques spécifiques aux mécanismes d’assurance, tant pour les garanties à maintenir que pour celles à faire cesser ou à souscrire. à cette première difficulté vient se greffer, pour les opérations à caractère international, la complexité résultant de l’existence, dans le monde, de deux, voire trois systèmes de mode de déclenchement des garanties.
Nul n’ignore en effet les complications nées de ces différents modes de déclenchement qui sont, en résumé, la réclamation (claims made basis) et le fait dommageable (occurrence basis).

Des difficultés liées à l’accélération de l’opération de M&A
La première phase des opérations de M&A, qu’on appelle généralement la phase avant closing, ne pose pas de difficulté du point de vue de l’assurance puisqu’il est inévitable que durant cette phase chaque entité conserve son propre programme d’assurance à l’identique. Cependant cette phase est importante pour préparer la phase après closing qui va brutalement voir s’opérer la résiliation de polices d’assurance souscrites ou la souscription de nouvelles. Il appartient alors à la direction des assurances de commencer à identifier, programmer et évaluer les mécanismes futurs d’assurance dans une phase dite sombre durant laquelle l’information qu’il pourra donner au marché sur l’opération en cours ne peut être que sommaire, voire inexistante pour pouvoir garder à l’opération son caractère de confidentialité. Il lui appartient en conséquence, s’il fait appel à des prestataires (courtiers, avocats), d’assurer la constitution d’une équipe resserrée et sensibilisée à cet impératif de confidentialité. Durant cette même période, la difficulté pour la direction assurances est généralement double : tout d’abord, elle doit concilier les incompatibilités entre les différents modes de trigger pouvant exister ou qui pourront exister du fait principalement de la nationalité de l’acquéreur, du cédant ou du partenaire et ce, alors même que, le plus souvent, il lui est demandé de travailler à partir d’un draft de SPA qui a été rédigé dans une approche anglo-saxonne du droit, largement dominée par le trigger de l’« occurrence basis ». La direction des assurances doit alors négocier un ajustement, voir une refonte, de la clause assurance du projet de SPA : elle devient, en interne, porteur d’une complexification de cette clause, mission évidemment difficile à porter au sein de son entreprise. Sa mission est d’autant plus difficile qu’elle a, dans le même temps, pour objectif, en cas de cession, que l’acquéreur ne puisse pas déclarer de sinistre au titre des polices existantes après closing, même pour des faits survenus avant la date du closing. S’engage alors généralement une discussion avec l’acquéreur sur la notion du passé connu, autre notion complexe, ambigüe et différente selon le type de droit applicable et le mode de trigger dominant. S’ensuivent donc des discussions parfois interminables pour définir cette notion de passé connu, discussions qui dérivent rapidement sur la garantie dans le temps, et la notion française de subséquente. Parallèlement, la direction des assurances doit anticiper le sort de la gestion des sinistres déclarés avant closing et pour lesquels elle devra garantir le support d’entités opérationnelles qui ne feront plus partie de son groupe. Elle doit donc anticiper les procédures qui permettront que ce suivi soit effectif et efficient.

Une anticipation nécessaire
Ce résumé des différentes problématiques rencontrées lors des opérations de M&A plaide pour que, le plus en amont possible, soient recherchées des harmonisations des systèmes d’assurance au niveau international, permettant d’assurer un sort prévisible aux assurances. Ceci a été largement fait d’un point de vue purement juridique sur les garanties de passif. Le droit des assurances, déjà très largement exposé à l’internationalisation des marchés, devrait donc y parvenir ; pour la sécurité des assurés mais aussi celle des assureurs. D’ici là, plusieurs directions sont à privilégier :
- La première, qui tend à se développer si elle est elle-même une source possible de complexité, est celle de la définition de double triggers dans certaines polices : ceci peut avoir un intérêt pour des activités plus directement exposées à des pays où deux triggers différents existent sans que l’un domine totalement l’autre.

- La deuxième voie est celle de la mise en place de polices/mécanismes financiers ad hoc permettant de financer les risques de « trou de garantie » et de donner la possibilité de répondre par la souscription d’une garantie spécifique à une discussion financière (par exemple de l’acquéreur qui souhaiterait diminuer un prix de cession eu égard à un risque de non garantie).

Ainsi, la direction des assurances peut avoir un rôle plus proactif au sein de l’entreprise et proposer des solutions permettant à un moment donné, important dans la vie de l’entreprise, de proposer des solutions alternatives à la discussion purement financière sur le prix de l’opération de M&A. Il est ainsi devenu important pour une direction des assurances, dans une phase hors M&A, d’anticiper, à tout le moins pour des activités à risque (en fréquence/volume ou du fait d’un risque juridique local particulier) ces garanties additionnelles ou alternatives et d’éviter ainsi de devoir, dans l’urgence et dans un contexte le plus souvent tendu en phase finale de l’opération de M&A, avoir à construire entièrement des solutions, sans avoir eu les éléments pour les anticiper et sans voir la réelle possibilité d’optimiser leur valorisation. Ceci est de l'intérêt de l'entreprise et profitera aux directions juridiques et des assurances.

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