À l’occasion de la sortie de son rapport sur la souveraineté numérique, la Fondation Concorde organisait ce jeudi 1er octobre un petit-déjeuner débat pour en présenter les conclusions. Le lobby prône une stratégie conquérante, aux antipodes des initiatives du gouvernement.

La députée d’Eure-et-Loir, Laure de la Raudière, a animé le groupe de travail chargé d’écrire le rapport de la Fondation Concorde sur la souveraineté numérique. Cette ancienne ingénieure des télécommunications s’insurge du manque d’initiatives à ce sujet alors que « le numérique dévore le monde depuis les États-Unis ». Selon elle, pour garantir notre souveraineté numérique, la seule solution est de devenir une grande puissance dans ce domaine. De la nécessaire implication du gouvernement au soutien des start-up, le rapport de la Fondation Concorde ne laisse rien au hasard. S’il faut résister à la tentation protectionniste, la création d’un label « hosted in Europe » pourrait par exemple permettre de s’opposer à la vague américaine. Didier Renard, le président du Français Cloudwatt et de l’Institut de la Souveraineté numérique (ISN), ironise : «Nous nous sommes endormis car nous sommes sous le charme de ces applications et de ces grands patrons à la Steve Jobs.» Pour Jacques Marceau, de l’ISN, « Il ne s’agit pas de créer une ligne Maginot numérique » mais plutôt de tirer notre épingle du jeu. Dans l’assistance, certains auditeurs sont sceptiques : « Nous n’avons plus les moyens de nos ambitions », réplique l’un d’entre eux. Et la députée de l’Eure-et-Loir de s’emporter : « Il est hors de question que nous ne livrions pas bataille », s’exclame-t-elle, avant de conclure sur son engagement auprès de Bruno Le Maire qui sera « président de la République en 2017 ».

 

La loi Lemaire

Le gouvernement n’est pourtant pas silencieux sur le sujet. La secrétaire d’État au Numérique Axelle Lemaire et le Premier Ministre Manuel Valls ont soumis leur texte à une consultation publique fin septembre. Intitulé « Loi pour une République numérique », le projet de loi est organisé autour de trois axes et contient trente propositions. Il promet plus de sécurité sur le net notamment pour les mineurs avec un droit à l’oubli accéléré. Le texte consacrerait également le droit à la mort numérique, autorisant tout individu à décider du sort de ses données après son décès. L’ébauche de législation ne s’arrête pas là. Elle définit la neutralité de l’internet (non-discriminant pour certains contenus) et propose le maintien de la connexion dans les foyers les plus fragiles. Peu convaincue par le morcellement des lois sur le numérique entre les lois Lemaire et Macron, Laure de la Raudière tape sur « la feuille de route peu claire du gouvernement ». Selon elle, au niveau européen, « les chefs d’État doivent s’emparer de cette question ». S’il est vrai que le projet n’est pas exhaustif, il a néanmoins suscité l’intérêt des internautes français : au cinquième jour de sa publication, on comptait 2 306 contributions, 1 748 participants et pas moins de 18 269 votes. Axelle Lemaire et Manuel Valls inaugurent une nouvelle étape en matière de démocratie participative.

 

Un cadre européen

Reste que le cadre franco-français de cette loi sera sans doute problématique. Un différend oppose toujours Google et la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Cette dernière a mis en demeure l’entreprise américaine de procéder au déréférencement des demandes favorablement accueillies sur toutes les extensions du moteur de recherche. Même si Google doit s’exécuter, la seule sanction que peut appliquer la CNIL est une amende de 150 000 euros. Face aux géants du Web, l’Hexagone manque encore de moyens pour faire valoir sa souveraineté. Mais, des règles trop contraignantes risqueraient de faire fuir les multinationales attirées par s des territoires voisins dotés d’une réglementation plus souple. Et la députée d’Eure-et-Loir de conclure qu’une règlementation franco-française en la matière serait un « coup d’épée dans l’eau ». Un « cadre européen est nécessaire pour que notre territoire puisse dicter ses règles ». Alors que l’Union européenne n’arrive pas à trouver un accord sur une politique d’immigration commune, y parviendra-t-elle pour le numérique ?

 

Sophia Sanni Soulé 

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