Un médecin à la santé ? Le refrain est connu. Bernard Kouchner (gastro-entérologue), Jean-François Mattei (pédiatre) et Philippe Douste-Blazy (cardiologue) ont tous trois occupé ce poste clé. Les succès sont contrastés et bien souvent à nuancer. L’impressionnant CV d’Agnès Buzyn fera-t-il la différence ?

La quinquénaire a dirigé pendant une vingtaine d’années le service des soins intensifs d’hématologie et de la greffe de la moelle osseuse à l’hôpital Necker. Une « Excellente technicienne de la santé » selon Laurent Alexandre, chirurgien-urologue énarque, auteur et entrepreneur. Agnès Buzyn a également été professeure à l’Université Pierre et Marie Curie et a exercé par ailleurs des fonctions au sein de société savantes et de conseils d’administration. Agence de biomédecine, Établissement français du sang, Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, Commissariat à l’énergie atomique… La liste est longue. Elle s’est particulièrement faite remarquer pour son action au sein de l’Institut national du cancer (Inca) dont elle est devenue la présidente en mai 2011. On lui doit, entre autres, la mise en œuvre du troisième « plan cancer » (2014-2019) axé sur la lutte contre les pertes de chance face à la maladie. Lorsque Jean-Luc Harousseau quitte la présidence de la Haute Autorité de la Santé (HAS) avant la fin de son mandat, Agnès Buzyn est la candidate idéale pour prendre sa succession. Le problème : seule une personne du même sexe peut succéder à un membre ayant quitté ses fonctions plus de six mois avant l’expiration de son mandat.  Il aura fallu un changement législatif temporaire, inséré dans la loi de modernisation du système de santé du 26 janvier 2016, pour qu’une femme puisse prendre la présidence de la HAS. Fonction qu’elle assurera avec grand professionnalisme, une qualité que tous lui reconnaissent et qu’elle va désormais pouvoir mettre au service de la République.  

 

Le choix de la sécurité

Sa nomination au poste de Ministre des Solidarités et de la Santé est saluée par de nombreux experts du secteur. Michèle Delauney, ministre en charge des Personnes âgées et de l'Autonomie sous le gouvernement Ayrault, a félicité la nouvelle ministre via son compte twitter : « Agnès Buzyn, éminente partenaire de la lutte contre le tabac, sera une grande ministre de la santé. » À son savoir-faire s’ajoutent des qualités personnelles, que son entourage ne manque pas de souligner. « Agnès Buzyn n'a pas froid aux yeux et saura s'imposer sans braquer ses interlocuteurs » confie Guy Vallancien, fondateur et président de l’École européenne de chirurgie, qui se réjouit de sa nomination au poste de ministre des Solidarités et des Affaires sociales. « C’est une femme sérieuse qui fera avancer les dossiers ». Autre avantage non négligeable : « c'est un médecin qui connait bien les instances publiques grâce à ses fonctions passées ». Le nouveau président de la République française et son Premier ministre, Édouard Philippe, semblent donc avoir pris une décision raisonnable. Laurent Alexandre voit dans cette nomination un choix stratégique : celui de la sécurité. « Emmanuel Macron a comme priorité de réussir la transformation économique du pays. De nombreuses polémiques sont à prévoir. Il a donc tout intérêt à éviter un accident industriel du type Médiator ». 

 

Une femme de caractère

Pourtant, Agnès Buzyn ne fait pas l’unanimité. Après sa nomination à la HAS, elle avait choqué l’opinion publique en déclarant que « les liens d’intérêt entre experts et laboratoires pharmaceutiques sont un gage de compétence ». Elle est elle-même aux conseils d’administration des laboratoires Novartis et Bristol-Myers Squibb. Pour Laurent Alexandre, c’est au contraire une case de plus à cocher dans la liste de ses qualités. « Un bon professionnel de la santé se doit de côtoyer les lobbys s’il veut pouvoir prétendre connaître l’univers de la santé complètement », explique-t-il. « Il est primordial d’avoir un lien avec tous les acteurs locaux ».  Nommée Chevalier de la Légion d’Honneur en 2009, Agnès Buzyn avait déclaré aux Échos au moment de sa nomination à la Haute Autorité de la Santé : « J’espère avoir du courage. Les convictions sont plus fortes que la carrière ». Le ton est donné !

 

Marion Robert (@Marion_rbrt)

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