L’inaptitude au travail d’un salarié doit être déclarée par le médecin du travail. Cette décision lui appartient mais la difficulté survient le plus souvent lorsque l’avis - à mi-chemin entre aptitude et inaptitude - comporte des restrictions plus ou moins claires (et réalistes) à l’exécution d’une tache ou à la présence dans un service de l’entreprise.

Quelles voies de recours pour l’employeur qui se trouve confronté à un avis d’(in)aptitude avec des réserves/restrictions bien contestables ou même impossibles à mettre en place en pratique ?

La contestation de l’avis délivré par le médecin du travail a fait l’objet de deux récentes réformes. La première issue de la loi dite « loi travail » du 8 août 2016 et la seconde de l’ordonnance dite « ordonnance Macron » du 22 septembre 2017.

Le contentieux sur l’avis d’(in)aptitude, qui revenait auparavant à l’inspecteur du travail, est désormais confié au Conseil de prud’hommes.

Le Conseil de prud’hommes, qui doit alors être saisi en sa formation de référé (c’est-à-dire la procédure d’urgence), est dorénavant seul compétent des contestations portant sur « les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émise par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale » (art. L.4624-7 al. 1 du Code du travail).

Il doit être saisi dans le court délai de 15 jours à compter de la notification de l’avis contesté et peut confier des mesures d’instruction à un médecin inspecteur du travail pour l’éclairer notamment sur les éléments médicaux de l’avis. Cette possibilité est bien heureuse car les conseillers prud’homaux sont a priori peu dotés de compétences médicales leur permettant de « juger » un avis médical…

L’ordonnance Macron du 22 septembre 2017 a apporté à cette procédure une nouveauté satisfaisante pour l’employeur. En effet, la « nature médicale » de l’avis d’inaptitude contesté devant la juridiction prud’homale imposait le respect du secret médical et, par conséquent, l’impossibilité pour l’employeur de se défendre utilement sans connaitre les pièces médicales du dossier du salarié sur lesquelles le médecin du travail s’était naturellement fondé pour rendre son avis.

L’ordonnance Macron a résolu cette difficulté en permettant à l’employeur de designer un médecin pour l’assister dans son recours en contestation. Ainsi, « à la demande de l’employeur, les éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail peuvent être notifiés au médecin que l’employeur mandate à cet effet » (art. L.4624-7 al. 2 du Code du travail).

L’employeur qui initie un recours en contestation de l’avis médical aura donc tout intérêt à s’adjoindre des compétences d’un médecin expert ne serait-ce que pour éclairer le Conseil de prud’hommes sur l’interprétation donnée aux éléments de nature médicale et cela d’autant plus si ledit Conseil n’use pas de sa possibilité d’avoir recours à un médecin inspecteur du travail pour l’accompagner dans la lecture des éléments médicaux comme vu ci-dessus.

On notera enfin que la prise en charge des honoraires et frais liés à l’instruction du dossier (notamment par le médecin inspecteur du travail) sont mis à la charge de la partie perdante, à moins que le Conseil de prud’hommes, par décision motivée, n’en mette tout ou partie à la charge de l’autre partie.

On peut néanmoins regretter que les récents textes n’aient pas précisé dans quel délai le Conseil de prud’hommes doit juger ces affaires. Un jugement trop long risque de limiter l’intérêt des contestations tout particulièrement lorsqu’elles portent sur des avis d’inaptitude au terme desquels, à défaut de reclassement sur un poste adapté, l’employeur doit reprendre le versement de la rémunération au bout d’1 mois.

A présent que les contours de la nouvelle procédure de contestation des avis, propositions et indications du médecin du travail sont posées, espérons que les juges prud’homaux soient suffisamment à l’écoute des besoins et contraintes de chaque partie pour rendre des décisions réellement applicables et efficaces en pratique. Le salarié comme l’employeur s’en porteront bien mieux.

Delphine Liault, avocat of Counsel, Capstan Avocats

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