Le marché des banques privées est très concurrentiel. Sur quels critères faut-il les évaluer ? Comment les entrepreneurs ou les grandes fortunes doivent-ils choisir leur conseil ? Laurent Garret, Président du Directoire de la Banque Neuflize OBC se confie.

Décideurs. Quels conseils donneriez-vous à nos lecteurs pour les aider à bien choisir leur banque privée ?

Laurent Garret. Quatre éléments doivent être analysés de près.

La solidité de la banque tout d’abord. Beaucoup d’entre elles vont en effet annoncer des résultats négatifs dans les trimestres à venir. Neuflize OBC a pour principal actionnaire ABN Amro, dont le capital est lui-même détenu à 56 % par l’État hollandais, l’un des pays les plus solides de la zone euro. Notre ratio Tier One est de 14 % à fin 2019. Ces chiffres démontrent notre solidité.

La qualité de la relation personnelle qu’un client peut construire avec son banquier privé me paraît aussi essentielle. Le rôle du banquier privé ne se cantonne pas à la tenue de comptes, il doit être le véritable chef d’orchestre de la gestion de patrimoine de son client. Pour cela, l’établissement bancaire doit être capable de proposer une gamme de produits importante, en architecture ouverte de préférence.

Je conseille également aux clients de s’assurer que leur banque a véritablement pris le virage de l’Investissement Socialement Responsable (ISR), ce qui est notre cas. Les clients, et notamment les plus jeunes, y portent un grand intérêt.

Enfin, une banque privée doit être capable de s’adresser aux millenials dont certains constitueront ses clients de demain. Cette nouvelle génération, âgée de 20 à 35 ans, a besoin de donner un sens à ses actions. C’est le rôle du banquier privé de pouvoir les accompagner sur leurs problématiques, en matière de crédit, d’investissement et de philanthropie notamment.

Ces dernières années, les banques privées ont dû s'adapter à de profonds changements réglementaires. Cela a-t-il eu des incidences sur leur tarification ? Est-ce l’un des critères clé examiné par les clients ?

Il faut savoir faire des choix. Cela nous a conduit à céder notre clientèle détenant moins de 500 000 € de patrimoine. Accompagner ces clients aurait impacté notre rentabilité. Nous devons, en effet, faire face à des structures de coûts toujours plus importantes pour répondre aux nouvelles contraintes réglementaires et au développement de nouveaux outils digitaux. Ces coûts seront difficiles à assumer pour les banques privées d’une taille plus modeste, ayant moins de 10 milliards d’euros d’encours. C’est d’ailleurs pour cette raison que certaines d’entre elles sont à vendre. Neuflize OBC conseille aujourd’hui 25 000 clients. Nous leurs proposons un modèle différent. On insiste sur la qualité de nos services, de nos expertises qui sont nombreuses, plutôt que l’effet volume. Nous avons adapté notre tarification au fur et à mesure de l’évolution du marché. Mais en pratique, si les conseils effectués par la banque sont de qualité, les clients acceptent de payer le juste prix.

"Les coûts supplémentaires seront difficiles à assumer pour les banques privées d’une taille plus modeste" 

Comment s'assurer de l'indépendance et de la pertinence des conseils délivrés ?

Le corollaire de la transparence est l'indépendance. Dès 2016, nous avions par exemple anticipé la règlementation imposée par Mifid 2 en lançant des contrats de gestion « clean share », c’est-à-dire sans rétrocessions versées au distributeur. L’idée est ainsi d’offrir le meilleur placement pour le client, sans avantage financier de notre part à pousser un contrat plutôt qu’un autre. Le fonctionnement en architecture ouverte me semble indispensable. C’est pour cette raison que nous avons cédé une partie de la gestion d’actifs en direct de ABN Amro Investment Solutions à Candriam en 2018. Nous préférons faire appel à des maisons extérieures lorsqu’il en va de l’intérêt de nos clients. Sur le segment du private equity, nous sommes ainsi amenés à travailler avec des acteurs aussi prestigieux que Carlyle Group, Ardian, Apax Partners ou encore IK Investment Partners.

Les grandes fortunes doivent-elles écarter les banques privées qui ne fonctionnent pas en architecture ouverte ?

Certains établissements ont constitué de réelles expertises. Ils doivent les conserver. Mais le modèle visant à proposer aux clients uniquement des produits créés par leur établissement ne me paraît pas sain. Il est conseillé de diversifier ses investissements. Il me semble également dangereux pour une banque d’être trop dépendante d’une seule expertise ou d’un faible nombre de produits. Certaines sociétés de gestion, dont le succès a reposé sur les performances d’un seul fonds, en ont fait l’amère expérience.  

Propos recueillis par Aurélien Florin (@FlorinAurélien)

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