Malgré le scandale du Dieselgate, l’Europe ne parvient pas à se doter d’un régulateur supranational. Retour sur un échec.

Les députés de la commission d’enquête du Parlement européen ont mené pendant une année des travaux dans le domaine de l’industrie automobile qui les ont conduits à préconiser la création d’un mécanisme de surveillance indépendant. Son but ? Contrôler la conformité des voitures aux règles de protection de l’environnement et réguler les conflits d’intérêts entre États membres, organismes d’homologation et industriels. Le projet a pour le moment été purement et simplement rejeté : pour « raisons économiques », le Parlement européen a jugé suffisant de ne procéder qu’à un renforcement des pouvoirs de la Commission européenne. Serait-ce un moyen de repousser la mise en lumière d’autres scandales semblables à celui de Volkswagen ?

Les failles du cadre européen

Tout commence aux États-Unis, en septembre 2015, lorsque l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) pointe du doigt le constructeur allemand. Le scandale dit du « dieselgate » révèle que l’industriel a réduit, à l’aide d’un logiciel, les émissions polluantes de onze mille de ses véhicules lors des contrôles d’essai entre 2009 et 2015. Au même moment, Fiat Chrysler est accusé d’avoir eu recours à un procédé similaire sur plus de cent mille voitures diesel outre-Atlantique. Pour la première fois, les stratégies déployées par les constructeurs sont révélées au grand jour et au passage une réelle déficience, notamment européenne, dans le contrôle du secteur automobile.

Dès 1995, l’Union européenne avait mis en place une politique destinée à réduire les émissions polluantes des véhicules. Il faudra cependant attendre 2014 pour que le Parlement européen adopte un régime d’homologation préalable, censé garantir le respect de la réglementation des émissions de CO2 et de polluants des voitures. Deux ans plus tard, il prend brutalement conscience de ses failles à la suite du scandale Volkswagen et publie une proposition de texte pour durcir la directive qui fixe le cadre de l’homologation. À la suite de ces affaires, la ministre de l’Écologie française de l’époque, Ségolène Royal, met en place la « commission Royal » pour contrôler les voitures françaises et relever les éventuelles failles des institutions européennes dans la détection des fraudes.  En 2017, Renault puis Peugeot seront à leur tour épinglés : la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) leur reproche d’avoir installé un dispositif semblable à celui de leurs concurrents pendant les tests de pollution. L’information judiciaire ouverte le 12 janvier dernier par le parquet de Paris contre la marque au losange met en cause l’industriel français pour tromperie aggravée. Le mois dernier, une refonte majeure du cadre législatif en vigueur est alors engagée pour renforcer la surveillance du marché automobile.

Première tentative avortée

Le pouvoir d’influence des constructeurs sur les gouvernements nationaux n’en demeure pas moins un frein puissant à un quelconque contrôle des véhicules. Si la France compte des autorités comme la DGCCRF et des organismes tels que l’Union technique de l’automobile et du cycle (Utac) qui veillent au contrôle des voitures en circulation, il n’existe toujours pas d’organe de régulation indépendant à l’échelle européenne. En tout état de cause, il y a fort à parier que la question se reposera tôt ou tard. Et la course à la voiture autonome engagée (voir encadré ci-dessous) pourrait être l’occasion d’instituer une instance automobile qui réglera le problème.

Marine Calvo

Voitures autonomes : l'exemple américain

Alors que la pression se renforce sur les États européens, invités à modifier leurs législations pour permettre la mise en circulation des voitures autonomes, les États-Unis semblent de leur côté déjà bien armés pour affronter la question. La National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA), agence en charge de la sécurité routière aux États-Unis, a récemment publié une première version des « lignes directrices » qu’elle compte instaurer pour ce type de véhicules, dont l’harmonisation des législations des États américains afin de mettre en place une réglementation générale sur l’ensemble du territoire. Si les lignes directrices du régulateur américain ne sont pas contraignantes vis-à-vis des constructeurs, elles révèlent cependant sa volonté d’encadrer les voitures autonomes. Un bon exemple à suivre pour l’Europe car derrière l’auto-certification qui permet à chaque constructeur d’appliquer librement les dispositions en vigueur, la NHTSA peut contrôler a posteriori que les véhicules mis sur le marché les respectent bien.
Une démarche similaire est indispensable à l’échelle européenne : bâtir un régulateur permettrait d’instaurer une réglementation uniforme et réglerait la question des voitures autonomes en créant un statut propre à ces véhicules. Cinq États américains (la Californie, le district de Columbia, la Floride, le Michigan et le Nevada), ont déjà autorisé leur mise en circulation sur routes ouvertes. Il est donc urgent de combler les vides juridiques quant à l’assurance et la responsabilité en cas d’accident, qui demeurent autour de cette nouvelle génération de voitures. Si l’Europe n’a pas encore sauté le pas sur le volet de contrôle des émissions, la voiture autonome est l’occasion à ne pas rater pour enfin concrétiser le projet.

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