Par Hubert Flichy, avocat associé. Flichy Grangé
Délais de jugement de plusieurs années, manque de temps pour traiter les affaires, engorgement des tribunaux : la justice d’État est en difficulté. La création du Centre national d’arbitrage du travail permettra de régler efficacement et rapidement, dans le cadre des dispositions du code de procédure civile, les conflits individuels et collectifs du travail.

L’arbitrage, une justice alternative utile
La France, en ce qui concerne les délais de la justice prud’homale, est un mauvais élève. L’État français fut condamné pour délais excessifs devant les juridictions prud’homales cinquante-huit fois en 2012, cinquante et une fois en 2013.
Ne voyez pas dans ce constat une critique à l’endroit des conseillers prud’homaux. Ils sont trop souvent submergés de dossiers. Dossiers pour lesquels ils n’ont, en raison de leur activité professionnelle, qu’une disponibilité limitée.
De tels délais de traitement des affaires doivent être raccourcis, même si les mesures du projet de loi Macron parviennent à diminuer la durée des procédures. Les délais particulièrement longs devant certains conseils de prud’hommes sont en effet fâcheux.
D’un côté, le salarié attend en moyenne quinze mois avant d’obtenir un dédommagement devant le conseil des prud’hommes. Lorsqu’il lui faut trouver un nouvel emploi, les longues procédures ne lui permettent que difficilement d’aller de l’avant. De l’autre côté, avec le temps, il devient plus difficile pour l’entreprise de reconstituer les faits. Mais aussi de donner toute sa portée à l’effet didactique de la sanction prononcée.
Une des raisons à l’origine de mon projet de création du Centre national d’arbitrage du travail, c’est donc le souci de faire gagner du temps aux justiciables.
Cependant, l’arbitrage n’a pas vocation à concurrencer les conseils des prud’hommes, ni à désengorger considérablement les tribunaux. Il s’agit plutôt de proposer une alternative souple et légère aux personnes qui le souhaitent.
J’ai la conviction personnelle que ce mode de développement des litiges doit se développer en droit du travail. Le recours à l’arbitrage en droit social est une formidable opportunité de donner toute leur importance aux conflits. En commençant par consacrer davantage de temps aux dossiers.
Nous répondrons ainsi au sentiment éprouvé par les justiciables, qu’un temps insuffisant leur est consacré. Ils ont au grand maximum trente minutes pour plaider leur cause. Alors qu’ils aimeraient s’expliquer plus longuement. Ou bien faire entendre des témoins plus librement. À ce titre, l’arbitrage offre une procédure sur-mesure se déroulant dans un cadre légal précis.
Enfin, sauf accord contraire, l’audience arbitrale et la sentence sont confidentielles (CPC, art. 1464). Confidentialité décisive pour les chefs d’entreprise voulant éviter que des éléments de leur stratégie soient divulgués.

Les modalités de la procédure arbitrale
L’idée est de favoriser l’arbitrage lorsque les parties souhaitent y avoir recours. La demande pourra venir du salarié, de l’employeur ou bien des organisations syndicales. Les deux parties devront être d’accord.
En pratique, la clause dite compromissoire inscrite dans un contrat de travail est inopposable au salarié. Cependant, cela n’interdit pas de recourir à l’arbitrage après la rupture du contrat de travail.
En matière individuelle, il s’agira d’abord des litiges de fin de contrat : existence d’une cause réelle et sérieuse de licenciement, imputabilité de la prise d’acte, remise en cause de la rupture conventionnelle…
L’arbitrage offrira aux parties un juge spécifiquement compétent. Le recours arbitral n’intéressera ainsi pas uniquement les cadres supérieurs et les dirigeants.
Le coût de l’arbitrage sera raisonnable et équitable. Nous avons fixé les modalités de calcul des honoraires des arbitres, organisé la répartition de leur prise en charge et arrêté un barème avantageux aux salariés.
Le juge étatique demeurera moins cher, mais la rapidité de l’arbitrage sera une source d’économies substantielles pour les parties. Surtout si la procédure a lieu sans possibilité d’appel. Les parties pourront obtenir en quelques mois ce qu’elles auraient obtenu après plusieurs années devant les prud’hommes. De plus, en France la procédure d’exequatur des décisions arbitrales est particulièrement efficace.
Enfin, l’arbitre sera en mesure de mettre à la charge de la partie perdante les frais d’avocat et les frais d’expertise. Connaissant les sommes parfois dérisoires accordées par les conseillers prud’homaux au titre de l’article 700 du code de procédure civile, il faut relativiser le coût de l’arbitrage. Un règlement pourrait prévoir un assouplissement de la règle, lorsque la partie perdante est le salarié.
Concrètement, une structure administrative jouera le rôle du greffe, informant chacun de ses droits. Le fonctionnement sera celui d’un véritable procès : le demandeur et le défendeur s’opposent par le truchement d’écritures échangées ou bien d’un débat contradictoire.
L’arbitre pourrait être un juriste, ancien avocat ou magistrat à la retraite. Le code de procédure civil ne prévoit qu’un seul arbitre, sauf décision contraire. Dans cette hypothèse, il n’y a qu’une seule exigence : que ce soit un nombre impair.
L’arbitrage est une décision qui vaut jugement. Le juge étatique étant autorisé à concilier les parties, l’arbitre pourra faire de même. À défaut de conciliation, le dialogue devrait permettre d’éliminer un certain nombre de demandes. Dans un procès prud’homal, certaines demandes sont tout à fait annexes. L’arbitre pourra tenter de régler ces difficultés annexes pour ensuite se consacrer à l’essentiel.
Un calendrier sera fixé, condition nécessaire à la réussite de l’opération. Il faudra quelques mois avant de trancher le litige, pas davantage.

Un progrès pour la justice sociale
La naissance du Centre national d’arbitrage du travail a surpris. Il faut s’en réjouir. Ce Centre a reçu un accueil très positif de la part des avocats comme des acteurs économiques.
Le recours à l’arbitrage en matière sociale est fréquent dans de nombreux pays, comme aux États-Unis, au Canada ou en Israël. Pourquoi ne pas s’en inspirer en France ?
Nous avocats, devons-nous donner les moyens de répondre aux mutations juridiques actuelles. Le territoire juridique connaît aujourd’hui des transformations qui ne s’accommodent d’aucun immobilisme. La demande de droit s’accroît chaque jour, alors que l’accès à la justice demeure encore difficile pour de nombreuses personnes. L’arbitrage en droit social est une manière de permettre à la profession d’avocat de répondre à ce besoin de justice.
Le recours à l’arbitrage ne permettra certes pas d’échapper à une réforme générale de la justice sociale. Cependant, le Centre national d’arbitrage du travail représente pour les avocats une belle occasion de développer leur activité au service d’une justice sociale qui progresse.

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