Infatigable critique des institutions financières mondiales, le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz était reçu par le groupe SOS à l’ESCP pour faire la promotion de La Grande Fracture, son dernier ouvrage.

« La Grande Fracture n’est pas l’émanation de Dieu » a attaqué Joseph Stiglitz, la voix chevrotante mais l’humeur enjouée. Le prix Nobel d’économie s’est exprimé une heure durant devant un parterre d’étudiants fiers d’avoir attiré dans leur école un homme de son prestige. Son leitmotiv : l’aggravation des inégalités dans les pays occidentaux, États-Unis en tête où « 1 % de la population s’accapare 91 % de la croissance ». Un pays qui a perdu ses mythes fondateurs, selon le théoricien du salaire d’efficience. Avec une ségrégation économique toujours plus ancrée et banalisée, l’égalité des chances n’est même plus un rêve outre-Atlantique. Concluant le thème par une touche de cynisme, l’économiste s’esclaffe : « Si vous ne devez faire qu’un seul choix dans votre vie : choisissez les bons parents ! »


« L’euro mine la démocratie »


L’Europe et son bras armé, l’euro, ont eu droit à leurs réprimandes. Symptôme de la maladie, la Grèce se voit imposer toujours plus de mesures d’austérité malgré des votes de protestation. C’est là un des principaux griefs de l’économiste américain : la dictature d’institutions financières menant des politiques déconnectées de la réalité et avides de pouvoir. Il est revenu assez longuement sur le défaut de gouvernance dans cette Europe « engluée dans l’austérité », et mise au pas par l’Allemagne et la Troïka, s’exclamant : «  Le problème fondamental de l’Europe est l’euro, cette monnaie mine la démocratie. » Selon lui, une réforme du système bancaire et fiscal de la zone est indispensable pour rectifier le tir. Seule éclaircie dans le ciel européen, l’approche de la protection sociale comme droit humain fondamental.

 

« La main invisible n’existe pas »


Interrogé sur les réformes à adopter, Joseph Stiglitz reste extrêmement vague. Il clame « qu’il n’y a pas de remède miracle ». Ces évolutions – désastreuses – se sont construites sur le long terme et ne pourront être défaites qu’ainsi. Libéral, il insiste néanmoins sur la nécessité de réguler les marchés : « La main invisible d’Adam Smith n’existe pas. » « On ne crée pas plus de terres en augmentant la spéculation immobilière », poursuit-il. Invité à clore les débats sur un conseil pour la future génération de « décideurs », M. Stiglitz les exhorte à « ne pas se laisser enfermer dans leur train-train quotidien » et à « réfléchir à l’utilité sociale de leurs activités ». Sa solution ? «Faites-vous entendre ! »



Louis Tarrisse et Sophia Sanni Soulé

 

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