Associé fondateur de la société Kusuntu, Jean-Luc Koffi Vovor promeut le capital-investissement en Afrique depuis 2009. Il coanime l’Observatoire africain du Capital-Investissement de l’AFIC. Il nous livre son analyse de l’évolution du capital-investissement sur le continent, son devenir et les conditions de sa réussite.

Quelles sont les raisons ayant présidé à la création de Kusuntu ?

Depuis 2009, Kusuntu a évolué vers une société d’information, d’assistance et de conseil en vue de dynamiser l’investissement et le soutien au secteur privé en Afrique. Nous souhaitons promouvoir le développement de « champions économiques » africains.

Nous fournissons des informations spécifiques au capital-investissement africain, accompagnons des investisseurs internationaux vers l’identification et l’investissement dans des fonds de capital-investissement en Afrique et accompagnons la structuration de fonds d’investissement à destination de l’Afrique. En ce sens, nous sommes des bâtisseurs de liens.

Comment a évolué le secteur du capital-investissement sur le continent ?

À l’échelle mondiale, c’est celle qui progresse le plus vite même si les flux et volumes d’activités restent faibles. Sur une période de huit ans, la part du capital-investissement africain dans l’ensemble de cette industrie dans le monde émergent est passée de 4 % à près de 10 %.

La modélisation d’un portefeuille théorique exposé au capital-investissement à travers le monde alloue 3 % des investissements au continent africain. Les grands acteurs essaient de répliquer un tel modèle de portefeuille.

Grâce à cela, le continent attire les leaders internationaux de l’industrie tels Carlyle, KKR ou TPG. Cependant, les volumes africains de levée demeurent portés par les fonds de taille importante – plus de 450 millions de dollars – et donc des opérations d’investissement de taille considérable.

Entre 2009 et 2015, les volumes annuels de levées de fonds ont été multipliés par cinq passant d’un peu moins de un milliard de dollars à près de cinq milliards de dollars par an avant de s’infléchir fortement pendant l’année 2016 à deux milliards.

Au total, vingt-deux milliards de dollars ont été levés par 230 fonds depuis 2009 dont quinze milliards totalement investis dans 130 opérations. À l’heure où beaucoup parient sur le potentiel de l’entreprenariat dans un contexte de boom démographique, il subsiste toujours le chaînon manquant du financement des PME.

Quelles en sont les raisons et comment y remédier ?

L’importance du chaînon manquant des fonds de taille plus modeste et qui s’adressent au secteur des PME se réduit très lentement.

Il existe un accroissement du phénomène dit de « dry powder » c’est-à-dire une surabondance de capitaux pour un nombre réduit d’opportunités – notamment sur les grandes entreprises là où, en même temps, on note un nombre important d’opportunités dans les PME pour lesquelles l’offre de capital-investissement est faible.

Ce marché a été évalué à près de huit millions de PME candidates pour un volume d’investissement annuel de 50 milliards de dollars pour les dix prochaines années.

Pour faire évoluer cette situation, nous préconisons en premier lieu, des mesures d’accroissement de capacités par la promotion de fonds faisant ainsi un lien entre l’offre importante de capitaux et des fonds de taille plus réduite que l’on doit promouvoir en vue de s’adresser au secteur des PME.

Ensuite, des mesures d’accroissement des opportunités sont nécessaires, avec la définition et la mise en oeuvre opérationnelle de réformes légales, fiscales et réglementaires de nature à favoriser l’accroissement et le renforcement du tissu entrepreneurial.

L’ensemble de l’Afrique rassemble 200 équipes de capital investissement alors que la France en compte près de 600. Compte tenu de la taille, du stade de développement et de la démographie du continent, il faudrait entre 800 et 1 000 équipes pour enfin réussir à répondre aux besoins en fonds propres des PME !

Quelles leçons tirez-vous de l’expérience des marchés africains ?

Les marchés financiers africains sont encore jeunes et manquent d’étendue et de profondeur – peu de valeurs cotées, peu de participants et donc une liquidité
faible avec des situations de très grande volatilité. Mais ils sont nécessaires pour la dynamique financière du continent.

Le capital-investissement va demeurer longtemps encore le meilleur moyen de prendre une exposition financière sur l’Afrique. C’est le meilleur vecteur de soutien financier à la constitution d’un secteur privé et de marchés financiers dynamiques.

L’étape du capital-investissement est préparatoire à la satisfaction des meilleures conditions d’une entrée en Bourse par la suite, notamment par les sorties. Enfin, il joue un rôle social et sociétal : la création d’emplois – 11 000 au total depuis les premières années – mais aussi sur les actions en responsabilité sociétale et environnementale.

 

E.S.

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