Alors qu’un nouveau confinement a été décrété de part et d’autre du Rhin, Jean-Marc Guillen, managing director de Drees & Sommer France, détaille les points communs et les différences entre la France et l’Allemagne dans la pratique du télétravail en se basant sur une enquête interne réalisée par le groupe spécialisé dans le pilotage de projets immobiliers.

Décideurs. Quels sont les principaux enseignements de l’étude internationale réalisée par Drees & Sommer sur l’expérience télétravail ?

Jean-Marc Guillen. Cette enquête interne a été réalisée entre juillet et septembre 2020 lors des différents déconfinements dans les 17 pays dans lesquels Drees & Sommer est implanté. Sur les 3 800 collaborateurs du groupe, environ 1 500 ont répondu. 93 % des répondants pensent que la crise sanitaire aura des répercussions importantes sur nos vies privées et professionnelles. Même si le home office faisait déjà partie de la culture d'entreprise chez Drees & Sommer, 41 % des personnes interrogées n'avaient encore jamais travaillé depuis leur domicile avant le premier confinement du fait de notre métier consistant certes à conseiller et concevoir mais aussi à manager des projets de construction. Aujourd’hui, ils sont 86 % à penser que la part du télétravail va augmenter et 83 % estiment que celle-ci oscillera, hebdomadairement, entre une et trois journées.

Quels sont les points communs dans la pratique du télétravail entre la France et l’Allemagne ?

Nous avons comparé les résultats de notre étude interne, qui a une forte prédominance allemande compte tenu de l’origine de notre groupe, et ceux de l’enquête, à caractère plus sociologique, "L’impact de la crise sanitaire sur les environnements de travail" réalisée par Kardham pendant et après le confinement auprès de 3 049 collaborateurs d’entreprises travaillant pour la plupart en France. Le panel est similaire au niveau du profil des sondés : en majorité des cadres âgés de 30 à 50 ans qui travaillent dans des bureaux. Il ressort des deux études que le passage en télétravail s’est globalement bien déroulé car nous avions tous les outils nécessaires pour le gérer. Nous constatons également qu’une très large majorité des répondants souhaitent, désormais, pratiquer davantage le télétravail. En fait, l’équilibre entre télétravail, travail présentiel et distanciel constitue un nouveau défi de management. Si, pendant le confinement, dans l’ensemble, les collaborateurs, de part et d’autre du Rhin, ont travaillé avec motivation et en symbiose avec leurs collègues proches, leur noyau central, des difficultés sont apparues, notamment en termes de circulation de l’information, avec les équipes aux activités plus éloignées. Les managers doivent donc trouver des solutions pour transposer, en ligne, la transversalité et contribuer au maintien des liens sociaux. Ces raisons, ainsi que la nécessité d’identifier des solutions pour basculer avec fluidité d’un mode de travail à l’autre, se révèlent des enjeux capitaux pour le management des entreprises. C’est pourquoi, un certain nombre de managers allemands et français, se montrent encore réticents à développer le télétravail.

L’étude de Drees & Sommer témoigne par ailleurs du même enthousiasme, en Allemagne, à revenir travailler au bureau que celui manifesté en France lors du déconfinement. Le bureau n’est pas mort, il reste primordial pour entretenir le lien social. Il est porteur des valeurs de l’entreprise. Il s’oriente vers un mode de fonctionnement plus phygital. La ventilation des mètres carrés dans les espaces de bureaux va probablement évoluer dans les années à venir mais aucun consensus ne se dégage selon nous pour l’instant dans notre profession à ce sujet.

"Nous avons développé un nouveau concept programming, hardware, software, soulware"

Quid des différences ?

Contrairement aux idées reçues, le télétravail était moins répandu en Allemagne qu’en France avant le confinement. Les Français semblent désormais aspirer à faire un à deux jours de télétravail par semaine tandis que nos collaborateurs allemands envisagent plutôt une moyenne de deux à trois jours. Chez Drees & Sommer, nous avons pris acte au niveau macroéconomique de ces changements comportementaux et avons réfléchi quant aux conséquences induites pour les bâtiments. Nous avons ainsi développé un nouveau concept "programming, hardware, software, soulware". La première phase consiste à recueillir les besoins des clients, puis à construire les bâtiments et à assurer leur exploitation. La grande nouveauté réside dans l’introduction du facteur humain, le soulware, dès la phase de conception du projet, pour apporter toujours plus de valeur-ajoutée au client.

Quelles sont les bonnes pratiques identifiées par Drees & Sommer au cours de son enquête ?

Au début du premier confinement, Drees & Sommer a rapidement déployé une cellule de crise rassemblant différentes fonctions, notamment les ressources humaines et les juristes. Ce réflexe a été crucial pour expliquer aux collaborateurs les mesures prises et les transposer suivant la réglementation en vigueur dans les pays où Drees & Sommer est implanté. A Paris, nous disposions d’espaces de bureaux suffisamment spacieux pour ne pas avoir à instaurer un roulement présentiel-télétravail entre nos 22 collaborateurs. En parallèle, nous avons investi pleinement le digital. Nous avons notamment compensé l’impossibilité de faire nos workshops habituels avec nos clients par des visioconférences.

"Le principal enjeu concerne le recrutement"

Comment abordez-vous le deuxième confinement ?

Nous avons rebasculé en télétravail généralisé de manière fluide en prenant appui sur les bonnes pratiques identifiées au cours du premier confinement. De plus, nous avons l’habitude de travailler en mode projet et nous avons suivi des formations pour maîtriser tous les nouveaux outils digitaux. Le principal enjeu concerne le recrutement. Nous devons adapter notre processus d’embauche en période de confinement.

A moyen terme, quelle sera la place accordée au télétravail dans l’organisation de Drees & Sommer ?

Les discussions sont en cours à l’échelle du groupe pour formaliser contractuellement le télétravail. A Paris, disposer d’une journée de télétravail par semaine semble d’ores et déjà acquis. Cette durée pourrait même passer à deux, voire trois jours, suivant les enseignements que nous tirerons de ce deuxième confinement et du bon équilibre entre home office et travail au bureau dans la conduite des projets.  

Propos recueillis par François Perrigault (@fperrigault)

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