Ancien président de Médecins sans frontières, directeur général de la Fondation de France pendant près de 25 ans et créateur du Centre français des fonds et fondations (CFFF), Francis Charhon vient de prendre la tête du département dédié à la philanthropie au sein de Scala Patrimoine. Il revient sur les évolutions d’un secteur en plein bouleversement.

Décideurs. Comment expliquer l’essor de la philanthropie au cours de la dernière décennie ?

Francis Charhon. Les facteurs à l’origine de ce développement sont très variés. Le premier concerne le niveau d’engagement individuel qui ne cesse de croître. Avec 16 millions de bénévoles, plus d’un million d’associations et 5 200 fondations, le pays est incroyablement bien loti. Autre explication : un certain désengagement des pouvoirs publics. L’État ne peut pas tout. Ce n’est pas forcément une fatalité puisque les problèmes périphériques ne sont jamais mieux traités que par des intervenants locaux. De plus, avec la création du CFFF ou la publicité faite autour des donateurs érigés en exemple, la philanthropie gagne en visibilité et suscite des vocations. Enfin, outre un cadre juridique très complet, le secteur s’est fortement professionnalisé. Une condition sine qua non pour rassurer les bienfaiteurs en leur garantissant une transparence sur la façon dont sont utilisés leurs dons et mieux mesurer leur portée concrète. En bref, nous sommes entrés dans l’ère d’une philanthropie moderne à l’instar de nos voisins et des États-Unis.

« Le régime fiscal réservé au don permet de réduire son impôt mais pas de gagner de l’argent »

Quelles sont les motivations qui poussent des particuliers à sauter le pas et se transformer en philanthropes ?

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, l’avantage fiscal n’est pas ce qui déclenche le don. Il joue sur le montant mais pas sur le principe du don. La philanthropie est un acte éminemment personnel. Elle peut être motivée par la volonté de combattre une situation insupportable, telle la pauvreté ou la détresse de personnes âgées ou handicapées, qu’elle soit durable ou ponctuelle comme après la survenance d’une catastrophe naturelle. L’expérience de chacun peut aussi expliquer sa volonté de donner soit parce la personne a été affectée par un drame (maladie d’un proche par exemple) soit au contraire parce qu’elle a bénéficié dans sa jeunesse d’une aide pour mener à bien ses études ou s’insérer professionnellement et souhaite rendre un peu de ce qu’elle a reçu. La dernière explication tient dans la volonté de valoriser la mémoire d’un parent artiste, écrivain, musicien en créant une fondation à son nom ou de monter un projet familial qui se perpétue de génération en génération. 

 

Comment intégrer la philanthropie dans sa stratégie patrimoniale ?

La philanthropie peut être un formidable outil de transmission puisqu’elle n’est pas soumise à un droit de succession. Léguer avant sa mort peut également être un très bon calcul. Il est tout à fait possible de créer une fondation ou un fonds de dotation de son vivant, d’y allouer une certaine somme tous les ans pour qu’après son décès cette cause survive à son auteur. À plus court terme, le régime fiscal avantageux réservé au don est certes favorable mais ne permet pas de faire d’économie : il permet de réduire son impôt mais pas de gagner de l’argent.

« Il est révolu le temps où le mécénat n’était pensé que comme une opération de communication corporate. »

Quels conseils adressez-vous à ceux qui voudraient se lancer ?

Sachez vous entourer ! La philanthropie n’est pas nécessairement quelque chose de simple. Chaque projet est unique, l’imagination y est reine, mais pour aboutir, encore faut-il le mûrir longuement et être accompagné à chaque étape : identifier la cause à soutenir, créer la structure la plus adéquate pour atteindre son objectif, connaître les contraintes juridiques et fiscales… L’expertise de professionnels est primordiale, qu’il s’agisse de notaires, de family officers, de gestionnaires de patrimoine, d’avocats ou de fiscalistes.

 

De nouveaux donateurs émergent : les entreprises. S’agit-il d’un simple trompe-l’œil marketing ou d’une véritable prise de conscience sociétale ?

Effectivement, les initiatives se multiplient aussi du côté des entreprises qui soutiennent, souvent pour des montants importants, des projets structurés avec la conviction qu’elles ont une responsabilité dans la société. Il est révolu le temps où le mécénat n’était pensé que comme une opération de communication corporate. Aujourd’hui, les actions ainsi menées sont des critères pris en compte par les salariés pour choisir où postuler, au même titre que la qualité de vie au travail ou que la RSE.

Propos recueillis par Sybille Vié

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