La ministre de la Culture rappelle le rôle crucial de l’État, mais également celui des structures culturelles privées.
Décideurs. Comment l'État incite-t-il le mécénat privé ?

Fleur Pellerin.
L’action de l’État en matière de mécénat est d’abord législative. La loi du 1er août 2003, dite loi Aillagon, ainsi que les avancées successives de la législation ont doté la France d’un ensemble de dispositions juridiques et fiscales particulièrement propices au développement du mécénat et des fondations au profit de l’intérêt général. Ce sont parmi les plus incitatives au monde…
Dans le domaine culturel, mon ministère a par ailleurs su favoriser la diffusion du mécénat en engageant des partenariats avec des institutions du monde économique et juridique : les chambres de commerce, les experts comptables et le notariat avec lesquels des conventions ont été signées. Elles ont beaucoup contribué à installer le mécénat culturel dans les territoires. Je compte renouveler ces accords et les ouvrir au Conseil national des barreaux qui en a fait la demande.


Décideurs. Quels outils fonctionnent particulièrement bien ?

F. P.
Les données fiscales traduisent une progression continue de la pratique du mécénat, tant du côté des entreprises que des particuliers : plus de 37 000 entreprises et plus de 5,6 millions de foyers fiscaux les utilisent aujourd’hui.
Le succès du dispositif permettant aux sociétés de financer l’acquisition de trésors nationaux pour les collections publiques est bien connu : il nous a permis tout récemment de faire entrer les archives Turgot, plus de 14 000 documents, dans les collections nationales.
La progression du fonds de dotation créé en 2008 et amélioré par la loi relative à l’Économie sociale et solidaire est spectaculaire : une création par jour, plus de 2 000 fonds aujourd’hui, dont près d’un quart ont une vocation culturelle ou patrimoniale.
Enfin, je suis particulièrement satisfaite de l’essor du mécénat participatif, à travers les appels à la générosité publique d’établissements comme la Fondation du patrimoine ou le Louvre, et de la relève générationnelle de la philanthropie, assurée par le succès des plateformes de dons en ligne. Cet élan donne la mesure de l’importance de la culture dans la vie de la Cité.


Décideurs. Prévoyez-vous de nouvelles actions en ce domaine ?

F. P.
Le contexte budgétaire actuel ne permet pas d’envisager une évolution du dispositif de droit commun en faveur du mécénat, qui donnerait plus de marge au mécénat des petites et moyennes entreprises, contraint par le plafonnement annuel des dons à 0,5 % du chiffre d’affaires. J’ai donc demandé à mes services de réfléchir aux évolutions que pourraient connaître certaines dispositions propres au mécénat culturel… notamment en faveur de la création et de l’éducation artistique et culturelle. Ce travail est en cours.
La priorité est à mes yeux d’accompagner la dynamique du mécénat en favorisant une application de la législation conforme à ses principes fondamentaux, dans le respect tout à la fois du bien commun, des spécificités des établissements et des prérogatives des mécènes. C’est la finalité de la charte du mécénat culturel que j’ai rendue publique au mois de décembre dernier.


Décideurs. « Demain, tous mécènes »... Peut-on imaginer qu'à terme les acteurs privés aient entièrement pris le relais de l'État, de sorte qu'il puisse se désengager ?

F. P.
En France, la culture est par tradition de la responsabilité des pouvoirs publics, État et collectivités territoriales, qui mobilisent pour cela des financements que beaucoup d’autres pays nous envient.
Il est hors de question que l’État se désengage de ce qui est une politique publique fondamentale dont l’utilité nous est chaque jour rappelée.
En revanche, il est vrai que l’avenir des structures culturelles repose aussi sur leur capacité à développer leurs ressources propres – billetterie, locations d’espaces et redevances domaniales, politique de marque, mécénat, etc. –, de manière diversifiée et dynamique, dans le respect évidemment de leurs missions de service public.


Propos recueillis par Julien Beauhaire

Visuel © Nicolas Reitzaum

Cet article fait partie du dossier : Quand le mécénat réinvente la générosité 


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