Après des études de droit international public en France et aux États-Unis, Fabrice Le Saché s’est lancé en 2006 dans l’aventure entrepreneuriale dans le domaine de la finance carbone. Il dirige aujourd’hui le groupe Aera, leader en ingénierie financière climatique sur le continent africain, avec plus de quarante projets dans une vingtaine de pays.

Décideurs. La finance carbone en quelques mots… de quoi s’agit-il ?

 

Fabrice Le Saché. La finance carbone est l’un des outils dont s’est doté la communauté internationale à Kyoto en 2005 pour lutter contre le réchauffement planétaire. Il s’agit d’associer un prix à la tonne carbone tout en permettant aux États et aux entreprises d’échanger des tonnes de CO2 afin que ceux qui entreprennent les efforts les plus importants pour réduire les émissions soient récompensés financièrement. La finance carbone a connu une application concrète en Afrique via le mécanisme de développement propre (MDP): la dispense d’émission d’une tonne de CO2 donne droit à un crédit carbone. Ces derniers peuvent être revendus et constituent donc des revenus complémentaires pour les projets d’énergies renouvelables, de traitement des déchets ou d’efficacité énergétique par exemple. Le protocole de Kyoto a créé de nombreuses opportunités professionnelles. C’est ainsi qu’est né mon projet entrepreneurial.

 

Décideurs. Quelle est la mission d’Aera group ?

 

F.L.S. Notre métier s’articule autour de deux axes : la certification de projets et la monétisation des crédits carbone qui en résulte.

 

La première étape consiste à accompagner nos clients tout au long de la procédure de certification de leurs projets. Nous rédigeons les dossiers, ce qui comprend par exemple le calcul des réductions d’émissions, et nous coordonnons les audits et interactions avec l’ONU qui supervise le système, enregistre les projets et délivre les crédits carbone. Notre expertise a été particulièrement aiguisée par le terrain puisque notre équipe a enregistré le record de projets crédits carbone africains auprès du Conseil exécutif onusien en charge de ces questions (CNUCCC). Notre portefeuille est aujourd’hui le plus important du continent avec plus de quarante projets dans dix-sept pays.

 

La deuxième étape consiste à générer des revenus pour les porteurs de projets. Aera se positionne comme négociant et offre deux atouts dans un marché complexe : la liquidité et la possibilité d’intégrer une composante de prix fixe pour sécuriser des revenus. La monétisation des crédits carbone est le but final de notre activité. Un exemple concret : pour une centrale hydroélectrique de 16 mégawatts en Afrique Australe nous avons obtenu plus d’1,5 million d’euro sur les trois dernières années grâce aux crédits carbone. Cela peut donc avoir un impact significatif pour certains projets.

 

Décideurs. Pourquoi l’Afrique ?

 

F.L.S. Il y a dix ans, personne ne s’intéressait au continent dans notre secteur d’activités. Les marchés semblaient trop étroits à nos concurrents. En tant que dernier entrant et start-up, nous pensions qu’il y avait plus de valeur ajoutée à repousser les frontières de notre secteur dans des zones complexes mais plus rémunératrices. Et quelle chance ! Nous avons découvert des pays avec d’énormes d’opportunités qui ont besoin, parfois plus qu’ailleurs de la finance climatique au regard des défis de croissance démographique et économique. Nous avons démarré en Côte d’Ivoire, et nous sommes progressivement étendus dans dix-sept pays subsahariens. Notre action a été pionnière dans de nombreux États. Nous avons ainsi enregistré le premier projet crédit carbone dans neuf pays africains.

 

Décideurs. Aera fait partie du réseau « Up Afrique », composé de dix start-up françaises positionnées sur les secteurs de l’économie verte.

 

F.L.S. Up Afrique est un réseau de start-up françaises actives sur le continent. Nos entreprises conçoivent des produits et services qui rationalisent et optimisent l’empreinte environnementale avec une performance économique forte. Cela comprend des solutions innovantes mais très opérationnelles telles que l’énergie solaire prépayée, la construction de nanoréseaux d’électricité intelligents en zone rurale, la récupération et réutilisation de chaleur dans les usines, le financement de la transition énergétique par financement participatif ou grâce à la finance carbone. Nous sommes des jeunes entrepreneurs extrêmement dynamiques : nous appréhendons le continent de façon enthousiaste et pragmatique. Il faut que l’action publique accompagne cet élan entrepreneurial : moins de think tank et plus d’outils de financement.

 

E.S. 

Newsletter Flash

Pour recevoir la newsletter du Magazine Décideurs, merci de renseigner votre mail