Emeric Préaubert, associé fondateur de Sycomore Asset Management le confirme : malgré un environnement économique décevant, le marché hexagonal demeure encore attractif, comme en témoigne le succès de nombreuses sociétés françaises à l’international.

Décideurs. Malgré un alignement des planètes (baisse de l’euro et du prix du pétrole, facilité de financement pour les entreprises), la croissance française n’a guère fait mieux que 1,1 % en 2016. À la vue de cet environnement économique, ne vaut-il pas mieux se détourner des actions françaises ?

Emeric Préaubert. Il y a deux ans, pas une seule journée ne se passait sans que l’on entende parler de l’alignement des planètes que vous évoquez. Or, douze mois plus tard, les marchés avaient perdu 25 %. Il faut donc se méfier des raisonnements trop simplistes. La macroéconomie et la performance boursière sont souvent déconnectées. Si la croissance française est plus faible que celle de la zone euro, elle demeure cependant en amélioration. Aujourd’hui, beaucoup d’entreprises françaises réalisent l’essentiel de leur activité à l’étranger. Il faut donc regarder la dynamique propre à chacune d’entre elles, indépendamment de leur nationalité. Il reste de très belles histoires en France !

 

L’inflation aux États-Unis pourrait tendre vers les 3 %. Peut-on s’attendre, toutes proportions gardées, à la même dynamique en France ?

En 2016, la hausse des prix a atteint 0,6 %. Un chiffre, certes modeste, mais qui demeure le plus élevé depuis 2014. Nous pensons qu’elle continuera à augmenter sous l’effet conjugué de la hausse des matières premières et de la politique de la BCE. On peut donc s’attendre à une inflation de l’ordre de 1,2 % en 2017 et de 1,4 % en 2018.

Le risque politique figure parmi les principales préoccupations des investisseurs étrangers que nous côtoyons

 

Le risque politique français est-il déjà intégré dans le prix des actifs ?

Mon sentiment est que ce risque n’est pas du tout intégré dans les cours. L’arrivée au pouvoir d’un candidat populiste aurait un impact très fort sur les marchés. Le risque politique figure parmi les principales préoccupations des investisseurs étrangers que nous côtoyons. Nous avons adapté nos positions en conséquence en mettant en œuvre une stratégie d’investissement prudente.

 

À l’image du rapprochement entre Essilor et Luxottica, le marché des fusions et acquisitions connaît une période de forte activité. Est-ce une dynamique qu’il faut jouer ?

C’est une dynamique intéressante même si nous n’en faisons pas un critère exclusif d’investissement. Le marché du M&A devrait demeurer actif au cours des prochains mois et ce, pour deux raisons. D’une part, les taux de financement demeurent extrêmement bas. Et d’autre part, il bénéficie de l’optimisme qui règne actuellement sur les marchés financiers. Car, paradoxalement, plus les actifs sont chers plus l’activité de M&A est élevée.

 

Le second semestre de l’année 2016 a donné le coup d’envoi d’une rotation sectorielle favorisant des titres jusque-là délaissés par les investisseurs. Cette tendance est-elle amenée à perdurer ?

Le rebond fut important, à tel point que l’écart de valorisation très élevé entre les titres de croissance et cycliques a été comblé. Nous pensons que pour créer de la valeur, il est nécessaire de dépasser cette analyse growth/value. À notre sens, la différence se fera sur d’autres critères.

Le contexte actuel ne constitue pas un point d’entrée favorable pour investir sur le segment des small & mid-caps.

 

Quels sont-ils ?

Nous avons développé une grille de lecture en quatre axes.

Le premier : investir sur des entreprises capables de se différencier par un produit innovant ou un nouveau modèle économique.

Le second consiste à profiter des grandes tendances économiques et sociétales que sont la transformation digitale, la mutation sociodémographique et la transition énergétique.

Le troisième vise à se positionner sur des entreprises qui osent investir. Nous préférons de très loin des sociétés qui investissent plutôt que celles versant uniquement de hauts niveaux de dividendes à leurs actionnaires.

Le quatrième et dernier critère met en exergue des entreprises qui impliquent, motivent et fidélisent leurs collaborateurs. Selon nous, valoriser le capital humain est primordial.

 

Le segment des small et mid-caps réalise des performances de haute tenue. Au regard de la volatilité historique de ces marchés, est-ce trop tard pour investir sur ces entreprises ?

C’est un vivier tellement large qu’il y a toujours des sociétés à découvrir et des opportunités à saisir. C’est important de rester présent sur ce segment. Cela dit, il faut reconnaître qu’aujourd’hui cet univers est plutôt cher. Le contexte actuel ne constitue pas, à notre sens, un point d’entrée favorable pour investir sur ce segment.

 

Pouvez-vous nous donner un exemple d’entreprise sur laquelle vous êtes actuellement investis ?

Parmi nos valeurs préférées figure Maisons du monde, société introduite en Bourse l’année dernière. Elle génère des marges brutes élevées et dispose d’un modèle économique réplicable à l’international. Soulignons aussi la grande qualité de son management. Le président, Gilles Petit, est un fin connaisseur du secteur de la distribution puisqu’il fut auparavant le président de Carrefour France.

 

Propos recueillis par Aurélien Florin (@FlorinAurelien)

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