Ancien ministre de la Justice de la République du Bénin, le professeur Dorothé Cossi Sossa est secrétaire permanent de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada) depuis le 31 mars 2011. Tour d’horizon des avancées réalisées et des réformes à venir.

Décideurs. Vous avez fêté les vingt ans de l’Ohada en octobre 2013 avec tous les chefs d’État des États parties. Quel bilan pouvez-vous dresser de ces deux décennies d’existence de l’Organisation ?

Dorothé Cossi Sossa. Le Traité initial de l’Ohada date de 1993 et l’organisation est effective depuis 1997. Cet anniversaire a été l’occasion de réaliser une étude sur l’impact économique de l’Ohada. S’il existe aujourd’hui un renouveau économique en Afrique, l’Ohada y a beaucoup contribué ! Dans certains pays, la croissance était peu importante et elle a augmenté de façon considérable. À titre d’exemple, le Mali n’était pas présent sur le plan minier en 1993. Depuis, de nombreux investissements ont été réalisés et, en dépit des difficultés politiques de ces dernières années, le Mali est devenu le troisième pays de la zone Ohada à attirer ces investissements. De la même façon, au Niger beaucoup d’actions ont été mises en œuvre pour favoriser l’implantation de sociétés minières et le crédit bancaire et ainsi les activités économiques du pays. Avec un cadre juridique fiable et harmonisé, le droit Ohada aide à développer le secteur privé par le biais des investissements.

Décideurs. Quelles seront les réformes à venir au service de la croissance du continent ?

D. C. S. S'il existe par exemple un chantier très avancé en droit du travail, nous avons conscience de ce que certaines matières comme le droit fiscal et le droit foncier peuvent difficilement être appréhendées par l’Ohada. Des retouches ont déjà été apportées aux textes essentiels et plusieurs Actes uniformes ont été révisés. En 2010, certaines dispositions ayant trait au droit commercial général et au droit des sûretés ont été révisées, de même que le droit des sociétés coopératives a été uniformisé. En 2014, des réformes de pointe ont été introduites en droit des sociétés commerciales, mais aussi dans le Règlement de procédure de la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA) afin d’améliorer l’accessibilité et l’efficacité de la Cour. Dans le projet Ohada, le recours à l'arbitrage est envisagé comme une réponse aux insuffisances des systèmes judiciaires nationaux. Nous souhaitons donc promouvoir le recours à l'arbitrage, dont les textes vont d’ailleurs être actualisés, légiférer sur la médiation commerciale et accompagner les États qui le souhaitent dans la mise en place de tribunaux de commerce. Le droit comptable et le droit des procédures collectives d’apurement du passif sont en cours d’actualisation. Il est crucial que les investisseurs soient informés des garanties que nous proposons aux acteurs économiques.

Décideurs. Vous avez évoqué la volonté de consolider le droit Ohada. Quelle est votre position sur l'élargissement de l’espace à de nouveaux États parties ?

D. C. S. L'espace Ohada regroupe déjà des pays très variés. Le Cameroun est un pays bilingue à double système juridique, la Guinée Bissau est lusophone et la Guinée Equatoriale à dominante hispanophone. La République démocratique du Congo nous a rejoints en 2012, ce qui témoigne de la volonté de l'espace de s'agrandir. Mais pour étendre l'espace Ohada, il est nécessaire d'avoir une politique spécifique. Les gouvernements nous ont mandatés pour enquêter sur les pays prêts à être rejoindre l'espace. Dans la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), le Ghana par exemple est un pays attrayant. Des actions sont également en cours afin d’approcher des pays ayant le droit continental en héritage.

Décideurs. Parmi la multiplicité des institutions produisant des normes, comment l’Ohada peut-elle entraîner un basculement du secteur informel au secteur formel ?

D. C. S. Malgré la multiplicité des organisations, la volonté des chefs d’État est celle d’une approche concertée dans la production des normes. L’Ohada a beaucoup œuvré pour faire impulser cette concertation, et développé des instruments spécifiques attrayants pour les acteurs de l’économie informelle. Le statut d’entreprenant a été créé, le crédit facilité et le texte sur les sociétés coopératives adopté dans ce sens. Maintenant nous devons effectuer un vaste travail de communication sur ces réformes, afin que les investisseurs y soient sensibilisés. Les perspectives sont positives. Il faut maintenir l’effort et poursuivre dans cette voie. Il n’y a pas de raison de douter !

Propos recueillis par André-Franck Ahoyo & Elodie Sigaux



 

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