TENDANCE. Si les Français n’ont jamais été aussi connectés qu’aujourd’hui, ils sont aussi de plus en plus nombreux à rechercher des espaces de déconnexion. Véritable tendance ou simple effet de mode ?

Appels, SMS, mails, notifications, tweets… alors que le tourbillon de l’hyperconnexion touche une grande majorité de Français – 77 % possèdent un smartphone et le consultent en moyenne 26,6 fois par jours  –, la question du retour à la vie réelle est aujourd’hui au cœur d’un débat de société. Car si certains gèrent sans difficulté une connexion à outrance, celle-ci peut s’avérer toxique pour d’autres, allant même jusqu’à provoquer burn-out et dépression. « En moins de vingt-cinq ans, nous sommes passés d’un plaisir récent de connexion à un désir latent de déconnexion », confirme le sociologue spécialiste des technologies de communication Francis Jauréguiberry. Preuve de l’ampleur de la tendance : le législateur s’est lui-même emparé de la question en instituant un droit à la déconnexion. Depuis le 1er janvier dernier, les entreprises de plus de cinquante salariés ont ainsi l’obligation de mettre en place « des instruments de régulation de l’outil numérique ».

Connexion maîtrisée

Car si les nouvelles technologies sont d’extraordinaires portes ouvertes sur le monde, celles-ci peuvent aussi venir troubler l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Et pour cause : connectés via leur smartphone, certains salariés sont aujourd’hui joignables nuit et jour. 77 % des cadres ouvrent leurs mails en dehors de leur lieu de travail. Une situation jugée anxiogène par 82 % d’entre eux. Pour Cindy Felio, psychologue du travail et docteure en sciences de l’information et de la communication, le problème ne vient pas d’un excès de connexion. « Lorsqu’on est contraint de travailler en dehors des horaires de bureau, c’est généralement qu’il existe une mauvaise gestion du temps de travail, analyse-t-elle. La surconnexion est souvent révélatrice d’un problème de fond. » Se déconnecter ne serait donc qu’une solution superficielle. « C’est un peu l’arbre qui cache la forêt », résume la spécialiste. Difficile néanmoins de nier l’implication des nouvelles technologies dans le sentiment de surcharge professionnelle. « Même si elle n’est pas la cause de son mal-être, la surconnexion peut effectivement accélérer la sensation de mal-être d’un salarié », confirme Cindy Felio. Pas question pour autant de dramatiser. « Dans la plupart des cas, chacun oriente ses usages en fonction de ses besoins. » Une « connexion maitrisée » qui, selon Francis Jauréguiberry, suppose « d’instaurer des coupures, des sas temporels, des mises à distance ».

Retrouver son intériorité

Un laps de temps permettant de renouer avec une forme de tranquillité mais aussi de faire le plein de ressources personnelles et de dépaysement. La déconnexion serait même vécue par certains comme une « pratique de son intériorité ». « L’attente, l’isolement et le silence, longtemps combattus, car synonymes de pauvreté, d’enfermement ou de solitude, réapparaissent dans ce cadre non plus comme quelque chose de subi, mais des états choisis », analyse le sociologue. La quête d’un retour à soi n’est pourtant pas une tendance moderne. De tout temps, l’individu a recherché l’isolement pour réfléchir, écrire, méditer… La déconnexion ne serait-elle alors qu’un levier marketing ? Sûrement. En témoigne la multiplication d’offres pour des activités ou des voyages estampillées « digital detox ». « Je crois que l’effet de mode retombera lorsque chacun se sera rendu compte qu’il n’y a finalement pas grande différence avec un voyage normal », estime Cindy Felio. Que les drogués de la connexion se rassurent, les technologies de la communication ont encore de beaux jours devant elles.   

Capucine Coquand

@CapucineCoquand

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