Après avoir participé à la « création » d’Orange en 2001 et à la restructuration de Lagardère Active en 2006, Didier Quillot se lance un nouveau défi : redynamiser Motor Presse, qu’il vient d’acquérir. Pour cela, il compte se séparer d'une cinquantaine de salariés sur 180.
Décideurs. Vous n’êtes pas le seul homme d’affaires à investir dans la presse. Comment cela s’explique-t-il ?
Didier Quillot.
Selon moi, il y a trois facteurs. Le premier est que ce secteur est dans un cycle bas. Faiblement valorisés, ces groupes attirent l’intérêt des investisseurs. Le deuxième est que ces entrepreneurs ont le sentiment qu’ils peuvent inverser cette tendance grâce à une vision et une manière de faire différente. Enfin, pour la presse d’opinion, comme Libération par exemple, il y a aussi une dimension personnelle. Les groupes de presse peuvent alors apparaître comme des leviers d’influence. Au final, l’intérêt des hommes d’affaires pour les groupes de presse d’opinion n’est pas éloigné de celui des milliardaires pour les clubs de foot.

Décideurs. Pourtant, malgré de nombreux plans de restructuration, ces titres peinent à retrouver l’équilibre. Sont-ils condamnés ?
D. Q.
Non, la presse écrite est seulement en mutation. Et celle-ci ne se fera pas du jour au lendemain. Les titres de presse deviennent des marques. On passe donc d’un contrat de lecture à un contrat de marque. Les groupes de presse doivent diversifier leurs activités en cohérence avec le positionnement de leurs titres. C’est le meilleur moyen de valoriser la notoriété acquise auprès de ses lecteurs. La transformation en cours est d’autant plus brutale qu’elle est amplifiée par la transformation numérique du secteur. Pour y faire face, il faut diminuer les coûts. Il y a aussi de nouveaux modes de production. Avec l’utilisation du numérique, le workflow devient de plus en plus simple et efficace. Enfin, les avantages sociaux des journalistes doivent être revisités, ils correspondent à une époque désormais révolue.

Décideurs. Comment cela se traduit-il pour le groupe Motor Presse ?
D. Q.
Nous réalisons en ce moment un plan de sauvegarde de l’emploi afin de réduire nos coûts. Ce PSE fait partie d’un plan stratégique plus global. Pour développer notre offre digitale, nous venons de recruter un directeur du numérique. Enfin, nous allons créer une activité d’organisation d’événements sportifs de course à pied et de vélo afin de capitaliser sur nos marques phares, Jogging et Le Cycle. Dans le secteur du camping, nous sommes également très présents avec un titre s’adressant aux exploitants et un autre aux vacanciers. Nous réfléchissons en ce moment à compléter notre présence sur la chaîne de valeur en créant une plate-forme de réservation en ligne. Nous espérons pouvoir lancer ces deux projets dès 2016.

Décideurs. Internet va-t-il entraîner la fin de la presse payante ?
D. Q.
Je ne pense pas, on peut sortir de la fatalité du gratuit. Tout ce qui a de la valeur a un prix. Regardez le succès de Mediapart. En revanche, la hausse de prix pratiquée par les quotidiens ne peut se justifier que sur le court terme afin de redresser leurs comptes. La baisse des coûts doit entraîner une baisse des prix. C’est le seul moyen d’attirer de nouveaux lecteurs.

Décideurs. Et qu’en est-il de la presse papier ?
D. Q.
Là aussi, elle ne disparaîtra pas. Les jeunes continuent par exemple à acheter des magazines papier comme la presse féminine ou people. Ce type de presse va coexister avec le numérique. Les formes de lecture varient, les supports aussi. Il n’est pas anodin de voir qu’Auféminin.com, l’une des plus grandes réussites presse du Web, lance des déclinaisons print.

Propos recueillis par V.P.

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