Réunis ce week-end sur les places publiques des métropoles françaises, des coursiers de la plate-forme Deliveroo protestaient contre la baisse de leur rémunération. Un mouvement de fond qui touche quasiment toutes les start-up travaillant avec des indépendants.

Au moment de lancer leur application, les deux fondateurs du service de livraisons de plats cuisinés Deliveroo, Will Shu et Greg Orlowski, avaient opté pour une stratégie de « sprint ». Investir en masse pour développer rapidement le service, proposer des rémunérations attrayantes et des primes pour se constituer une large réserve de livreurs et doter ces derniers de contrats courts pour changer librement de mire une fois le service lancé. Après quatre années d’hypercroissance et de levées de fonds d’ampleur (195 millions de dollars en 2015, 275 millions en 2016), c’est un pari gagnant pour l’entreprise britannique. Maintenant qu’elle a atteint une taille critique, elle souhaite soigner sa rentabilité en baissant la rémunération de ses indépendants. Une stratégie risquée pour deux raisons. Si les livreurs partent à la concurrence, elle perdra en qualité de service. De plus, si le mouvement prend de l’ampleur, ses clients pourraient se détourner vers des plate-formes plus respectueuses de leurs « salariés ». Dans le VTC, Chauffeur privé avait ainsi profité de la grogne des chauffeurs d’Uber pour gagner des parts de marché.

20 à 30 % de pertes de revenus

Et manque de chance pour Deliveroo, la colère de ses livreurs ne désemplit pas. Paris, Lyon, Bordeaux et Nantes : toutes les grandes villes françaises sont concernées. Une quarantaine de livreurs avaient déjà fait voix commune place de la République à Paris il y a deux semaines pour dénoncer la précarisation de leur emploi. À partir de la rentrée, Deliveroo rémunèrera ses livreurs à raison de cinq euros par course (5,75 à Paris) contre sept euros horaires auparavant, auxquels s’ajoutait une prime de deux à quatre euros en fonction de la qualité du service. Si 92 % des livreurs percevaient déjà la nouvelle tarification, en vigueur depuis plus d’un an et appliquée d’office à tous les nouveaux arrivants, c’est la convergence des rémunérations de l’intégralité des livreurs, même les plus anciens, qui a mis le feu aux poudres. Les syndicats chiffrent à 20-30 % les pertes moyennes de revenu pour les « bikers ». Les plus anciens d’entre eux devront effectuer 7,5 courses par heure pour pallier la nouvelle règlementation, alors que le nombre moyen de courses horaires avoisine deux.

Précarisation

Deliveroo affirme de son côté avoir pour objectif d’améliorer la logistique de son modèle. Réduire l’attente au restaurant pour le livreur et sa distance à parcourir une fois le plat dans le sac à dos est sa priorité. Le but est simple : fluidifier le trafic des bikers pour leur permettre de réaliser un maximum de courses ou bien en attirer davantage dans les zones les moins exploitées afin d’accroître la concurrence interne. Tout cela dans un contexte où les coursiers Deliveroo bénéficient du statut d’auto-entrepreneur. Celui-ci ne les assure pas contre les risques d’accident et les empêche de cotiser. Par ailleurs, la société est en droit de licencier ses « partenaires », comme elle les appelle, à tout moment, sans que ces derniers ne soient éligibles, non plus, aux allocations chômages. Pour l’instant, la direction n’a pas souhaité communiquer sur la situation. Côté bikers, on ne compte pas en rester là : un nouveau rassemblement d'ampleur nationale est prévu le 27 septembre prochain.

A.R.

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