Forte d'un second tour de table de 10 M$ mené par un investisseur aussi discret que prestigieux que Red River West (Artémis), la plate-forme de location de résidences de luxe Le Collectionist va mettre le cap sur le marché nord-américain. Décryptage de l'opération de financement avec son co-fondateur et directeur général Max Aniort, en compagnie d'Alban Greget, associé du fonds tricolore.

 

Retrouvez la brève et les conseils ici.

 

Société : Le Collectionist

 

Activité : Plate-forme de location de résidences de luxe

 

Opération : Levée de fonds de 10 M$ (2 M€ en 2016)

 

Chiffres : 40 collaborateurs à Paris, 10 à Ibiza ; 15 bureaux de coordination dans le monde ; panier moyen de 26 000 euros pour dix jours ; 2 000 maisons en inventaire

 

Investisseurs : Red River West, XAnge, Partech Ventures, Nathalie Le Roy, Patrick Sayer

 

Dealmakers. Le Collectionist met en relation des locataires avec des propriétaires proposant des biens d’exception. Le surnom d'« Airbnb du luxe » est-il justifié ?

Max Aniort. Bien sûr, il faut rendre à César ce qui lui appartient, et Airbnb a largement contribué à la modification des comportements sur le marché de la location de biens pour une courte durée. Maintenant, il ne faut pas tout mélanger. Chez Le Collectionist, nous nous considérons plus proches d’une agence de voyages que d’un acteur comme Airbnb ou, dans un autre domaine, du Club Med. En fait, nos services vont beaucoup plus loin que la création d’un site internet permettant à l’offre et la demande de se rencontrer. En réponse aux exigences très élevées de nos clients, nous faisons tout pour que leur séjour soit une expérience inoubliable. En ce sens, pour chaque destination que nous ouvrons, nous recrutons un coordinateur local physique qui va assurer la recherche de nouveaux logements (villas, châteaux…), leur entretien, et surtout la mise en place de services/activités annexes comme le ferait une conciergerie.

 

Dealmakers. Quels sont ces services dignes d’une conciergerie ?

Cela varie en fonction des besoins de nos clients. Nous considérons leurs vacances comme la période la plus importante de l’année et ne laissons rien au hasard. Cela va du choix d’un petit déjeuner avec ou sans gluten jusqu'à leur alcool favori ou l’anniversaire des enfants, en passant par leurs hobbies… La prochaine étape, synonyme d’investissement technologique, est la prédiction des expériences souhaitées par nos voyageurs. On souhaite pouvoir les guider vers de nouvelles destinations ou aventures avant même qu’ils n'y réfléchissent.

 

Dealmakers. Votre stratégie de croissance, outre l’intégration de Bonder & Co, repose sur une implantation rapide en Amérique du Nord ?

Oui, et c’est bien pour cela que Red River West a décidé de nous soutenir. L’objectif est à la fois de faire connaître notre marque sur le marché américain – le premier marché au monde – et d'élargir notre offre avec de nouveaux points de chute (Hamptons, Aspen...), en enrichissant le catalogue. Et mieux vaut le faire maintenant que dans cinq ans. Avant d’effectuer ce virage à 90 degrés vers l’Atlantique, nous devons encore réussir l’intégration de Bonder & Co, leader de la location saisonnière à Ibiza.

Le marché de la location saisonnière de propriétés de luxe avec services est estimé entre 25 et 30 milliards de dollars annuels. Il est très éclaté. Si l’on prend ses deux grands leaders, Onefinestay et Luxury Retreats, tous deux respectivement rachetés par AccorHotels et Airbnb, ils ne pèsent pas plus de 350 millions de dollars. Cela signifie qu’il y a plein d’acteurs locaux à aller chercher, avec une clientèle récurrente. C’est typiquement le cas de Bonder. Souvent, ces groupes se concentrent davantage sur la construction d’un portefeuille de biens que sur l’attention portée au client. C’est même parfois le moyen idoine qu’ils ont trouvé pour anticiper une vente entre un propriétaire et un locataire, comme un agent immobilier en somme. Pour Le Collectionist, l’ambition est d’apporter un savoir-faire et de bâtir ce réseau global afin d’offrir à la clientèle une expérience homogène, que l’on réserve à Ibiza ou Mykonos.   

 

Dealmakers. Aujourd'hui, la qualité de l'expérience se joue-t-elle « au petit bonheur la chance » ?

Oui, si vous envisagez de partir à Megève, vous faites vos recherches sur Internet et il faut presque faire une due diligence pour vous décider. Certains sont bons mais d'autres sont très mauvais et ne se préoccupent ni de votre bien ni de la qualité de votre séjour. De notre côté, la qualité de service est primordiale. C'est aussi ce qui justifie le prix d'une réservation : en moyenne, il faut débourser autour de 200 euros par tête et par nuit, ce qui correspond aux tarifs pratiqués par les palaces étoilés par exemple.

Alban Greget. Ce qu'il faut comprendre, c'est que Le Collectionist est déjà une marque de luxe reconnue comme telle sur le marché. C'est une clientèle que nous connaissons très bien chez Artémis (promoteur de Red River West) à travers nos participations dans Kering, Christies, Château Latour ou encore Le Ponant. Vous n’attirez pas les clients à très fort pouvoir d’achat comme vous pourriez le faire auprès d’une cible plus vaste mais moins fortunée. Il est ensuite crucial de les fidéliser. C'est pour cela qu'il ne peut pas y avoir d'asymétrie entre le service promis et ce qui est délivré.

 

Dealmakers. Red River West, c'est une société d'investissement assez récente. Où en êtes-vous dans votre développement ?

A. G. Lorsque nous investissons, outre le financement, nous nous demandons systématiquement ce que nous allons pouvoir apporter. S'il n'y a que l'argent, d'autres personnes savent le faire. Si l'on prend Le Collectionist, les enjeux principaux sont de développer une marque de luxe à travers une expérience exclusive, de développer un catalogue de biens exceptionnels à l’international, notamment aux États-Unis qui représentent le plus gros marché mondial de destination pour ce type de locations, et enfin d’utiliser le digital pour attirer les locataires et améliorer la connaissance des clients. Ce sont trois dimensions sur lesquelles les équipes de Red River West peuvent apporter un accompagnement concret aux dirigeants-fondateurs.

Red River West a levé cent millions d'euros pour accompagner les jeunes entreprises françaises aux États-Unis. Nos associés basés là-bas ont fait le parcours du « créateur d'entreprise », celui qui a grandi en France et en Europe, puis changé de dimension à l’échelle globale grâce aux États-Unis justement. Ils peuvent donc soutenir de manière très concrète nos participations tant sur le plan de leur organisation interne que dans le cadre de leur développement commercial. Le Collectionist, notre premier investissement, reflète exactement ce que nous recherchons en matière de pertinence de business model, de potentiel d'internationalisation, de renommée de la marque et de qualité de management. Nous comptons investir dans une dizaine de sociétés durant les trois prochaines années. Nous nous autorisons aussi à réinvestir aux côtés des plus performantes d'entre elles lors de prochains tours de table.



@ Firmin Sylla

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