Daniel Segonds, président du conseil de surveillance de Ragt Semences, revient sur la très belle histoire du semencier européen.
Décideurs. Pouvez-vous nous retracer l’histoire de Ragt ?
Daniel Segonds.
De par son histoire, Ragt est un groupe unique. Créé en 1919 sous la forme d’une société coopérative, il fut, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, transformé en société anonyme. Un mouvement de fusion des coopératives avait été initié par l’État pour permettre aux agriculteurs de gagner en efficacité à une époque où la reconstruction du pays était au centre de toutes les préoccupations. Nos fondateurs ont alors préféré le statut de Société Anonyme et certains agriculteurs qui disposaient d’un grand nombre de parts sociales ont ainsi pu prendre le contrôle du groupe. C’est de ce moment-là que la société tire son caractère familial. À ce propos, nous avons coutume de dire que Ragt en a retiré le meilleur du monde des coopératives et des sociétés privées pour pratiquer un capitalisme que l’on pourrait qualifier de « vertueux ». Historiquement, les familles fondatrices ne recherchaient pas un retour sur dividende mais ont davantage axé leurs ressources sur le développement de la société. Cette stratégie à long terme a depuis largement porté ses fruits et demeure, encore aujourd’hui, la marque de fabrique de la société.

Décideurs. Comment se compose l’actionnariat de votre groupe ?
D. S.
Le capital est détenu à 58 % par les familles fondatrices et les cadres dirigeants réunis par un pacte d’actionnaire. Unigrain, fonds issu de la filière céréalière française, et Sofiprotéol, un acteur financier et industriel de la filière française des huiles et protéines végétales, détiennent chacun 8,5 % des titres de la société. Le Crédit agricole Nord Midi-Pyrénées dispose, quant à lui, de 6,5 % du capital tandis que les salariés en ont 3 %. Les 15 % restants étant entre les mains de petits porteurs qui n’ont pas souhaité rejoindre le pacte d’actionnaire. La composition de notre actionnariat, que l’on pourrait appeler green power, constitue pour nous une grande fierté car il est entièrement issu du monde agricole.

Décideurs. De quelle façon s’organise les activités de Ragt ?
D. S.
Le groupe Ragt, comme Rouergue Auvergne Gévaudan Tarnais, les régions naturelles où il puise son origine, a développé deux métiers complémentaires.
Le premier, Ragt Plateau Central, reprend les métiers de la coopérative d’origine. Nous conseillons et approvisionnons ainsi en semences et en intrants agricoles des agriculteurs pour leurs productions animales ou végétales sur notre territoire d’origine. Nous nous sommes également diversifiés avec la création d’un réseau de vingt-neuf magasins Ragt Jardin & Maison qui s’adresse aussi bien au grand public qu’aux professionnels en espaces verts. Cette partie de nos activités représente près de 160 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Le second, Ragt Semences est l’activité stratégique du groupe, avec 215 millions d’euros de chiffre d’affaires. Dans ce pôle nous commercialisons des produits et des semences dans le monde entier. Ragt couvre ainsi les espèces majeures de grandes cultures (blé, maïs, tournesol, colza…) et d’élevage en Europe. Nous disposons à ce titre d’un fonds génétique patiemment acquis qui nous permet d’être en pointe en matière d’innovation. Cette partie de notre activité mobilise 280 de nos 700 salariés et 15 % du chiffre d’affaires. Ce sont ainsi plus de 30 millions d’euros qui sont consacrés tous les ans à la recherche.
Avec ce modèle organisationnel et notre expertise, nous souhaitons participer au développement de l’agriculture de région et ambitionnons une position d' acteur majeur dans les semences sur le plan européen.

Décideurs. Comment avez-vous fait pour installer la marque Ragt comme l’une des références dans votre secteur ?
D. S.
De 1965 à 1998, nous avions comme partenaire la société familiale américaine Dekalb qui est aujourd’hui la propriété de Monsanto. Nous avons su résister aux sirènes financières pour pouvoir conserver notre indépendance. Ce choix marquait cependant la fin de notre partenariat stratégique en matière de recherche avec la Société Dekalb. Notre pôle innovation était, en effet, jusqu’alors financé à 50 % par chacune des sociétés. Pour continuer à investir dans ce domaine, nous avons donc accueilli de nouveaux partenaires financiers (les fonds d’investissement Unigrain et Sofiproteol).
Après la rupture de nos liens avec Dekalb, nous avons également dû recentrer notre stratégie de communication autour de la marque Ragt. En effet, durant près de trente ans notre matériel génétique et l’ensemble de nos variétés étaient vendus sous l’étendard Dekalb. Personne ne connaissait donc la marque Ragt. Pour véhiculer notre marque, le sport, et les valeurs qui y sont rattachées, nous semblait être le meilleur moyen d’y parvenir. C’est pour cette raison que nous avions à l’époque sponsorisé une équipe cycliste.

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