La conférence de presse de SAS, entreprise spécialisée dans l’analyse de données digitales, a rassemblé à Paris quatre spécialistes du numérique pour parler des questions soulevées par cette « révolution algorithmique ». Au programme : mise en perspective et réglementation des méthodes d’utilisation.

Le traitement de données devient chaque fois plus performant.  « Nous pouvons désormais anticiper le comportement des consommateurs, renforcer les systèmes de sécurité civile et simplifier la vie quotidienne des personnes », s’enthousiasme Mouloud Dey, directeur Business Solutions chez SAS. Dominique Cardon, sociologue au laboratoire des usages d'Orange labs et professeur associé de l'université de Marne-la-Vallée juge que « ces algorithmes créent de véritables mondes dans lesquels nous vivons, parfois même sans nous en rendre compte ». Si les personnes ont l’impression d’être libres, le digital impose un certain mode de vie. Il ajoute : « On pense avoir le choix, mais notre monde est pré-structuré. Lorsqu’on fait une recherche sur Google, on peut choisir entre la première, la deuxième ou la troisième page, mais nous n’avons pas une liberté totale. » Autre méfiance du spécialiste : « Les algorithmes peuvent avoir des effets indésirables et peuvent présenter des résultats discriminants. »  En insistant sur ce fait, Dominique Cardon souligne la question du choix des méthodes de calcul : « Le big data doit arrêter de catégoriser les populations et prendre davantage en compte les comportements. »

 

« Pouvoir repasser en mode manuel »

 

Des limites qui reflètent les progrès qu’il reste à faire pour mieux maîtriser la technologie actuelle. « Aujourd’hui, les robots vivent en liberté dans le milieu des humains et révèlent leur supériorité dans de nombreux domaines », précise Alain Bensoussan, avocat à la cour d'appel de Paris, spécialisé en droit des technologies avancées. Le GPS en est le parfait exemple. D’une certaine manière, il influe sur le comportement de l’homme qui va lui obéir sans hésiter. Une solution : la pédagogie. « Elle est nécessaire pour apprendre aux gens comment apprivoiser les algorithmes », affirme Dominique Cardon. De cette façon, la population serait plus libre dans ses choix. Cet apprentissage est primordial pour « pouvoir repasser en mode manuel » et sortir du système imposé par l’automatisation des calculs.

 

« Faire des robots un sujet de droit »

 

Autre moyen de défense : la réglementation. Elle doit permettre plus de transparence sur les méthodes de calcul des algorithmes. « Il faut réguler le rapport entre l’homme et le robot. Pour cela, il est nécessaire de mettre en place un droit des robots, au même titre que le droit des hommes », insiste Alain Bensoussan, ajoutant que « faire des robots un sujet de droit, c’est pouvoir encadrer la liberté des robots ».  Si d’après Benjamin Benharrosh, cofondateur de Delair-Tech, leader français des drones industriels dans la collecte des données aériennes, « une réglementation de ces objets volants est en place en Europe et aux États-Unis, aucune loi n’existe ailleurs ». Une situation qui illustre les lacunes législatives, ne serait-ce que pour protéger les données à caractère personnel. Autre problématique : la loyauté des algorithmes. Pour l’expliquer, Dominique Cardon utilise deux exemples : celui de Google, qui se base sur les informations de son propre serveur pour établir des classements, ou d’Uber, qui pourrait cartographier sur son application plus de voitures qu’il en existe en réalité pour vanter les mérites de son service. Dans les deux cas, il y a un déficit de loyauté vis-à-vis des utilisateurs. Le problème est que légiférer risque de freiner l’engouement pour l’innovation, ce qui pourrait ralentir la croissance sur le long terme.

 

R. T.

 

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