Au vu des contraintes réglementaires pesant sur les banques privées et les sociétés de gestion, un avantage est donné aux acteurs ayant atteint une taille critique. Nombreux sont donc ceux regardant l'opportunité de réaliser une opération de croissance externe. Une stratégie dont s'écarte le directeur général de la filiale française du banquier privé genevois Bordier & Cie. Il s'en explique.

Où en est Bordier &Cie (France) dans son développement ?

À ce jour nous disposons, en France, de 500 millions d'euros d'actifs sous gestion. 2016 fut marquée par une collecte importante et une croissance de notre encours sous gestion de 100 millions d'euros. Avec l’arrivée d'Éric Franceschini en tant que  directeur de la gestion, nous avons en parallèle réalisé un important travail de structuration de nos process de gestion et de contrôle des risques, mais également renforcé notre analyse des fonds de tiers. Nous avons par ailleurs élargi notre univers d'investissement en participant pour nos clients à notre premier investissement en private equity à travers un fonds de co-investisssement.

 

Le marché français, très mature, demeure-t-il encore favorable à une stratégie de développement d'une banque privée basée uniquement sur de la croissance organique ?

Je le pense. Bordier & Cie (France) en est la parfaite illustration. Notre développement est régulier depuis notre implantation sur le territoire en 2006, avec une progression soutenue de nos encours chaque année. Nous venons de concrétiser l'embauche de trois nouveaux banquiers privés, ce qui renforcera notre force commerciale et portera notre effectif total à vingt personnes en France. La croissance organique a le grand mérite de préserver notre ADN et d'intégrer des professionnels partageant les valeurs de notre groupe familial.

Les fusions entre égaux créent rarement de la valeur dans l'industrie financière

 

Votre méthode de recrutement est-elle différente de celle des établissements adossés à un grand groupe bancaire ou une banque d'affaires ?

La principale différence entre les modèles intégrés et une maison comme la nôtre réside dans le fait que nous devons choisir des profils beaucoup plus seniors, des professionnels plus expérimentés disposant d'un réseau important. Nous recrutons ainsi des banquiers privés ayant au moins quinze ans d'expérience. Un plus jeune collaborateur éprouvera davantage de difficultés à se développer dans nos structures par rapport à des marques plus connues.

 

Pour quelles raisons fermez-vous la porte à une éventuelle opération de croissance externe ?

Aujourd'hui, avec le poids de la réglementation, il est nécessaire pour chaque acteur du marché de continuer à croître. Mais la taille critique ne signifie rien en tant que telle, car elle est propre à chaque business model. Ce n'est pas la course à la taille qui fera le succès. Celui-ci passera par la performance de la gestion d'actifs, la capacité à accompagner les clients à l’international, l’existence d’avantages compétitifs propres et l'optimisation du fonctionnement de chaque organisation. La croissance externe ne produit pas souvent les résultats escomptés. Avant de prendre la tête de notre groupe, Grégoire Bordier a œuvré pendant dix ans sur des opérations de M&A dans le secteur des institutions financières. Cette expérience lui a permis d'acquérir la conviction que les fusions entre égaux créent rarement de la valeur dans notre industrie.

 

Suivant cette logique, le rapprochement entre Rothschild & Cie et Martin Maurel sera donc un échec ?

Pas forcément. Leur culture d'entreprise est, en effet proche et ils se connaissent déjà bien. De plus, ce rapprochement n'est pas une fusion entre égaux mais une véritable acquisition de la part de Rothschild & Cie.

 

Qu'en est-il pour les sociétés de gestion ? Ont-elles intérêt à se regrouper ?

Avec Mifid 2, les challenges auxquels l'industrie fait face sont nombreux. Je m'attends donc à une vague de consolidations assez forte dans les trois années à venir, surtout sur le segment des petites sociétés de gestion indépendantes. La croissance organique n'est pas aisée pour les sociétés de gestion entrepreneuriales non adossées à un groupe. Pour elles, la solution peut en effet passer par une fusion ou de la croissance externe.

Le rendement net de frais de gestion des fonds en euros devrait avoisiner au mieux 1,5 %

 

Les crises financières successives ont échaudé un grand nombre d'épargnants qui privilégient très souvent les fonds en euros aux actifs les plus risqués. Comment les inciter à prendre davantage de risques ?

Les clients sont en train de faire le deuil des fonds en euros. L'année dernières, les performances ont encore cédé entre 30 et 40 points de base. En 2017, le rendement net de frais de gestion des fonds en euros devrait avoisiner au mieux 1,5 %. L'objectif d’une majorité de nos clients dans le contexte actuel est de réaliser une performance annualisée équivalente à deux fois le fonds euros, c'est-à-dire entre 3 % et 4 % nets de frais avec une volatilité maîtrisée, ce qui est un objectif réaliste.  

Propos recueillis par Aurélien Florin (@FlorinAurelien)

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