Vice-champion du monde de breakdance, star de la téléréalité, serial entepreneur… Cyril Paglino détone. Tout comme Tribe, sa nouvelle start-up qui réinvente la messagerie en mode vidéo. Déjà utilisée par 500 000 personnes, l’application n’a pas fini de faire parler d’elle. Sequoia Capital l’a bien compris. Le légendaire fonds de la Valley vient d’y investir trois millions de dollars.

Décideurs. Comment vous est venue l’idée de Tribe ?

Cyril Paglino. Depuis une dizaine d’années, le format vidéo explose dans les contenus web. Les success stories aussi se multiplient, à l’image de Periscope, Facebook Live ou Snapchat. Cette tendance est révélatrice d’une transition sur la Toile du texte et photo vers la vidéo. Le fil d’actualité Facebook en est le théâtre depuis les seize derniers mois. Seul le secteur de la messagerie n’a pas encore été bouleversé par cette nouvelle vague et repose encore sur du texte (iMessage, Messenger, Whatsapp, WeChat). De ce constat est né Tribe.

 

Quelle est la nouveauté proposée par Tribe ?

Aujourd’hui, il existe deux façons de communiquer. L’une « asynchrone » et l’autre « synchrone ». La première concerne les SMS ou les applications comme Whatsapp et Messenger, que l’on utilise au quotidien. Mais la fonction « texte » rencontre plusieurs limites : un manque de rapidité, des émotions limitées, la nécessité de mobiliser ses deux mains pour écrire… Quant à Skype et Facetime, elles reposent directement sur la deuxième méthode. Mais les interlocuteurs sont contraints d’être disponibles au même moment. De plus en plus intrusif, l’appel doit être planifié en avance. Chez Tribe, nous faisons naître la messagerie de demain, qui sera vidéo, audio et 100 % asynchrone.

 

Le segment de la messagerie n’est-il pas déjà saturé ? 

Le dating était saturé avant que Tinder n’arrive. Les plates-formes de blogs étaient saturées avant que Medium n’arrive. La musique en ligne était saturée avant l’arrivée de Spotify. Le point commun de toutes ces start-up : construire une nouvelle expérience utilisateur, entièrement basée sur le design et la simplicité. Pour Tribe, c’est pareil.

 

Comment vous différenciez-vous de l’application Snapchat ?

Créé sur le même concept que Tribe de communication vidéo en « one to one », le modèle Snapchat a bien évolué en cinq ans. Elle est devenue une application de broadcast, avec 80 % des contenus postés qui sont publics. En créant ses « stories » [qui permettent de conserver les photos et vidéos pendant 24 heures, idéal pour raconter sa journée], Snapchat s’éloigne de la concurrence messagerie (Messenger, Whatsapp…) pour devenir concurrent d’Instagram, Facebook et autres applications de diffusion publique.

 

Votre dernière levée de fonds auprès de Sequoia Capital impressionne. Aspirez-vous à devenir un Apple, un Google ou un YouTube ? 

Chez Sequoia, chaque interlocuteur est une figure légendaire du capital-risque. Jim Goetz, par exemple, est le directeur du board de Whatsapp. Roelof Botha est celui de Youtube, ou Tumblr… Nous avons la chance d’être bien entourés ! Mais se comparer à l’un de ces géants serait prématuré. Nous sommes une équipe de neuf potes à vouloir vivre de notre passion : réinventer la messagerie de demain, en construisant la meilleure expérience mobile. Whatsapp, Skype, Youtube, tous ces produits ont une dizaine d'années. La route est encore longue. 

« Nous sommes une équipe de neuf potes à vouloir vivre de notre passion : réinventer la messagerie de demain, en construisant la meilleure expérience mobile »

 

Comment allez-vous être rentables ?

L’argent n’est pas notre principal sujet de préoccupation aujourd’hui. Notre volonté est de proposer une meilleure expérience sur le marché. Je refuse chaque mois plusieurs millions de dollars. C’est dingue. Des dizaines de fonds d’investissement nous contactent au quotidien. Hier soir encore, au cours d’un dîner, un gros chèque nous a été proposé. Sans due diligence, sans demande spécifique… Cela n’a aucun sens ! Et cela nous fait bien rire. Mais deux minutes : le temps de se reconcentrer sur nos vrais objectifs.

 

Quelle est votre stratégie pour attirer de nouveaux consommateurs ?

L’application Tribe est disponible gratuitement dans le monde entier sur l’Appstore. Nous sommes déjà présents dans plus de 120 pays et un demi-million de personnes utilisent notre application. « Acheter » un consommateur coûte entre trois et quatre dollars et nous n’avons pas cet argent. Nous misons sur l’effet de viralité pour passer à dix millions d’utilisateurs dans les six prochains mois, et le double l’an prochain.

 

Qu’est-ce qui pourrait freiner le développement de Tribe ?

Le principal obstacle que notre application pourrait rencontrer est lié aux habitudes de consommation vidéo, encore frileuses parfois. Mais comme je l’ai souligné précédemment, les comportements sont en train de changer et nous arrivons sur le marché au bon moment. De petites entreprises nous copient déjà. C’est une véritable course contre la montre !

 

Quels sont les chantiers à venir ?

Le premier défi est humain. Notre leitmotiv : attirer et recruter les meilleurs talents. D’anciens employés de chez Google, Facebook et Twitter ont déjà rejoint nos équipes. Notre deuxième préoccupation est d’ordre technologique. Nous voulons continuer à innover. Plusieurs brevets ont déjà été déposés et Tribe a gagné plusieurs prix de design aux États-Unis. Parmi nos chantiers principaux : compresser la taille de nos vidéos pour qu’elles utilisent moins de datas dans un monde où les réseaux 3G et 4G sont encore chers. Et être disponible sur tous les téléphones, auprès de plus de cent marques de constructeurs pour plus de 10 000 modèles de téléphones différents. Un défi technologique faramineux. Tous les voyants semblent au vert, le marché s’ouvre. Pourvu que ça dure…

 

La messagerie vidéo a-t-elle vocation à faire disparaître le texte ?

Il y a trois ou quatre ans, personne ne passait d’appels téléphoniques en Facetime. Depuis, les habitudes ont évolué et le marché de la vidéo grignote petit à petit celui du SMS. Mais l’envoi de messages texte est une pratique courante depuis une quinzaine d’années et n’est pas vouée selon nous à disparaître. C’est pourquoi notre application contient 15 % de texte et d’audio.

 

Propos recueillis par Marion Robert

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